Griffes d'Encre: De Magie et de Sang T1 [Publié]

Chapitre 3

Les semaines se suivent et se ressemblent toutes. Je continue à briser quelques cœurs, mais après la Saint-Valentin et la formation des nouveaux couples, le business est à l'arrêt. Quant à mon travail de mercenaire... J'ai dû capturer quelques fées en état d'ivresse pour éviter qu'elles ne se fassent remarquer par les passants, mais au-delà de ça, rien. Nada. Nothing. Peau d'chiottes. De quoi me faire perdre la notion du temps.

Le premier lundi de mars, je me lève avec difficulté. Alors que la plupart des gens pestent pour aller à l'école ou au boulot, moi c'est de devoir encore une fois trouver une occupation à ma journée qui m'agace. Bien sûr, j'irai à la salle pour mon entraînement quotidien et en profiterai pour prendre un café avec Mélissa, mais en dehors de ça... Et comme j'ai binge-watché toutes les séries intéressantes de Netflix, il ne me reste plus grand-chose à faire.

Grommelant dans mon t-shirt pyjama, je pénètre dans mon salon, mais me fige. Mes muscles se tendent soudain, à l'affût du moindre indice qui viendrait corroborer mon intuition, et je me mets en posture de combat. L'adrénaline me réveille instantanément. J'observe consciencieusement la pièce en tentant d'ignorer mon cœur qui martèle ma poitrine. Tout semble en ordre, calme. Beaucoup trop calme. Grisou devrait déjà être à mes pieds à réclamer ses croquettes.

Mon inspection ne donnant rien, je me décrispe légèrement. C'est alors que, dans un silence de mort, une ombre informe se jette sur moi. J'ai à peine le temps de faire un roulé-boulé sur le côté. Je ne dispose d'aucune arme sur moi, mon arsenal se trouve dans ma chambre ! Mais l'ombre ne me laisse pas l'occasion de m'y faufiler. Plus vive que n'importe quel métamorphe, elle est déjà sur moi. J'esquive sa main griffue en roulant sur la droite. Je me relève et m'élance de nouveau sur le côté, juste à temps pour éviter d'être déchiquetée par des griffes tranchantes surgies des limbes. J'ai tout de même le temps de voir enfin ce qui m'attaque : une brume noire mouvante aux yeux rouges dont se dégagent deux bras aux serres aiguisées. Une sueur froide coule le long de mon échine. Bordel, qu'est-ce que c'est que ce truc ?

Nous nous élançons dans un nouveau ballet mortel. Plus elle attaque, plus je me dérobe, mais le combat risque de tourner court. Une première plaie me barre le bras, m'arrachant une plainte gutturale tant la douleur est vive. La chose est plus rapide, plus précise que moi. À croire, même, qu'elle s'amuse à me regarder me dandiner pour survivre. Après l'adrénaline, c'est la peur qui vient s'installer jusque dans mes os. J'en suis persuadée à présent : je vais mourir. Là, maintenant, sans même savoir pourquoi.

Une griffe fond vers moi. Je l'évite de peu en me jetant sur le sol, mais ce n'est pas assez. Sans aucune once de pitié, la créature sectionne le tendon de ma cheville, me clouant au sol. Les larmes coulent sur mes joues alors que je me tourne vers l'horreur pour affronter ma mort. Je pense à ma pauvre Mélissa, si tendre, qui retrouvera mon corps baignant dans son sang. Je songe aussi à Grisou... La créature l'a-t-elle tué ? Cela me fend le cœur d'imaginer son corps sans vie.

La forme s'approche de moi, doucement, sûre de son succès. Une bouche terrifiante se forme dans la fumée, remplie d'innombrables crocs, et se penche sur moi. Une suffocante odeur de fer et de souffre me submerge. Mon corps entier tremble dans l'attente de la fin. Je n'ai jamais été aussi épouvantée de ma vie.

— Agenouille-toi. Prête-moi allégeance dans ton sang et je te laisserai la vie sauve.

La voix est douce, chaleureuse. J'ai envie de m'y blottir et d'accepter ce qu'elle me propose. Mais je me reprends. La créature souhaite utiliser la magie du sang. Une magie puissante, mortelle et si dangereuse que son usage est interdit depuis des siècles. Prêter allégeance ne peut signifier que deux choses : au mieux devenir une morte-vivante, au pire être la servante éternelle de cette créature. D'une façon ou d'une autre, je préfère mourir que vivre enchaînée.