Griffes d'Encre: De Magie et de Sang T1 [Publié]

Chapitre 4

J'ouvre les yeux sur un plafond blanc immaculé. J'ai l'esprit complètement embrumé et j'ai un mal fou à garder une pensée cohérente. De toute évidence, je me trouve dans un hôpital. Je connais bien ces endroits-là : le métier de mercenaire ne nous laisse pas intacts. Il est même courant d'en mourir, d'où nos payes conséquentes.

Les hôpitaux du monde Invisible ne sont guère différents de ceux du monde Visible, outre leurs médecins et infirmières. Si les humains se contentent des sciences, de ce côté la magie reste omniprésente. Les chirurgiens se font accompagner de fées et d'alchimistes, parfois même d'enchanteurs. Mais il en reste si peu...

Je tourne difficilement la tête d'un côté, puis de l'autre. Je suis seule dans cette petite chambre. La lumière du jour perce à travers les fins rideaux, mais je n'arrive pas à déterminer l'heure sans horloge. Je ne sais pas ce qu'on m'a administré, ma tête tourne et ma bouche est pâteuse. Il faut que je me répète trois fois encore que je suis à l'hôpital pour l'intégrer. Et j'ai beau essayer de me creuser la cervelle, impossible de savoir comment j'ai atterri là.

La porte s'ouvre sur un médecin, suivi de deux minuscules fées qui volettent près de ses épaules. Constatant que je suis consciente, il me lance son plus beau sourire.

— Je vous l'avais dit qu'elle se réveillerait en moins de quarante-huit heures ! déclame-t-il à ses collègues, fier de lui.

Quarante-huit heures ? Je manque de m'étouffer avec ma propre salive. S'il y a bien une chose qui nous différencie des hôpitaux humains, c'est notre système de santé optimal. Les substances alchimiques ont le don de guérir n'importe quoi en quelques heures seulement. Et si un enchanteur se penche en plus sur une blessure, les effets sont presque immédiats. Qu'ai-je bien pu faire pour rester autant de temps dans cet état d'inconscience ?

— Que s'est-il passé ? murmuré-je.

— Vous avez perdu beaucoup de sang. Vous avez bien failli passer l'arme à gauche. Nous avons dû vous administrer en urgence une dose de potion de régénération sanguine. Et vos plaies ont mis du temps à cicatriser.

Je fronce les sourcils. Quelque chose dans son discours sonne faux.

— Vous n'avez pas d'enchanteurs dans votre équipe ?

Normalement, en cas de blessures graves, l'un d'entre eux se déplace pour sauver des vies. Je vois le médecin grimacer et s'approcher de moi. Doucement, il descend ma couverture pour dégager mon bras droit. Je sens quelque chose me picoter, comme le souvenir d'une vieille douleur, mais je n'arrive toujours pas à me rappeler quoi que ce soit. C'est alors que je la vois : la cicatrice. Elle est encore boursoufflée, preuve qu'elle est fraîche, mais pire : au lieu d'être rouge, voire blanche, elle est d'un noir d'encre.

Quelque chose se tord dans mes entrailles. Une bouffée de sueurs froides m'assaille, mon cœur galope dans ma cage thoracique. J'ai peur. Une peur totalement irrationnelle.

— Il semble que vos deux plaies aient été infligées par une créature non répertoriée. Notre enchanteur n'a rien pu faire, seuls les alchimistes sont parvenus à vous sortir de ce pétrin. Et encore, il leur a fallu tester nombre de substances alchimiques !

Il pose un regard compatissant sur moi. Je le déteste immédiatement. Je ne suis pas une petite chose fragile. Sa pitié, il peut se la mettre où je pense.

— Des investigateurs sont déjà sur place pour comprendre ce qu'il s'est produit. Il ne manque plus que votre témoignage. Êtes-vous prête à retrouver vos souvenirs ?