Chapitre 12 : « Est-ce que je te rends heureuse ? »

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- Bonjour Madame Jauregui. Entrez ! Je vous en prie.

Je détaillais son visage du regard. Son sourire radieux de professionnalisme m'accueillait dans sa demeure silencieuse. D'apparence, elle n'affichait rien d'extraordinaire, mais une aura, une prestance se dégageait d'elle. C'étaient sans doute ses yeux noirs d'un certain charme qui m'intimidaient. Elle était dans la moyenne d'âge se caractérisant par ses légères rides de son front et de ses sillons.
Je suis entrée sans réelle confiance. J'analysais la pièce. Elle était blanche, décorée par des plantes vertes synthétiques, d'un bureau au coin et d'un fauteuil qui lui appartenait en face d'un canapé où je devais, je crois, m'assoir.

- Installez-vous dans ce canapé.

J'ai hoché la tête sans rien dire et je me suis assise timidement au centre. Elle fit de même et prit un cahier pour supposément écrire mes confidences. Prendre des notes étaient assez étranges dans ma tête, c'était comme si j'allais raconter le cours de ma vie pour en faire une histoire ou une interview. Je ne me sentais pas à l'aise au premier abord, mais j'espérais pouvoir l'être par la suite.

- Cette première séance sera dans le but de voir ce qui t'amène ici. Je te poserai des questions pour en savoir plus. Je t'écouterai. Je ne te jugerai pas. Je te guiderai. Et surtout, je vais t'aider.

Sa voix apaisante me donnait une sensation de bien-être, elle n'était pas criarde, mais simplement douce et prononcée intelligemment. J'ai hoché la tête à ses dires.

- Alors, Lauren... Parle-moi de toi.

Je réfléchis un instant avant de me lancer.

- Et bien, je vis dans cette ville depuis que je suis née. Je n'ai plus réellement de famille. Ma mère est décédée il y a quelques années. Et mon père... je ne tiens pas à le voir...

- Pourquoi tu ne veux plus le voir ?

- Il a tué ma mère. Elle s'est fait battre par lui durant des années. J'étais trop jeune pour voir quoique ce soit. Ma mère le cachait bien et restait beaucoup auprès de moi. Maintenant, je comprenais pourquoi. Elle avait peur qu'il fasse la même chose sur son enfant.

Je visualisais ses expressions. Elle ne notait rien sur ses feuilles. Elle fixait mes réactions, ma manière de parler et ce que je lui racontais. Elle n'affichait rien, un visage de marbre comme si ça ne l'affectait pas. Elle avait dû entendre bien pire.

- Et vous avez pu créer votre propre famille ? Demanda-t-elle pour continuer.

- Non. Je n'ai pas d'enfants si vous voulez savoir. Mais, j'ai quelqu'un dans ma vie depuis peu.

- Et vous vous sentez bien dans cette relation ?

Une pause se marqua. Je fixais le sol comme touchée par cette question sensible.

- Elle me procure tout ce qu'il y a de bien. Je l'aime. Mais je ressens à la fois rien. Je ne comprends pas comment elle se sent heureuse avec moi alors que moi-même, je ne le suis pas, j'ai avoué les larmes aux yeux.

Ma faiblesse ressortait. C'était la première fois que je le disais clairement, que je n'étais pas heureuse.

- Vous savez parfois, il ne faut pas chercher à comprendre pourquoi les gens sont heureux ou tristes. Si elle reste auprès de vous, c'est qu'elle vous aime et peu lui importe comment elle se sent, elle, elle est là pour vous. Quelqu'un qui se soucierait de ce qu'il ressent serait partie depuis déjà bien longtemps, il n'aurait pas supporté un poids aussi lourd comme la dépression. Certaines personnes dans votre cas ne se soucient que de leurs émotions et vous, vous arrivez à vous soucier de celles des autres. C'est un point assez remarquable.

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