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- Jeskary ? Tu m'entends ?

Non, il ne l'entendait pas. Il n'entendait rien, même pas le « bip-bip » effroyable des machines surveillant son état de santé. Le brouhaha des couloirs, le téléphone qui sonne, même la personne assise en face de lui. Tout ça n'était qu'un lointain bourdonnement à ses oreilles. Même cette femme, il ignorait qui elle était réellement. Elle s'était présentée. C'était une inspectrice ? Il avait oublié son nom.

Il était arrivé à l'hôpital, frigorifié et confus. On l'avait emmené ici pour s'assurer que le sang présent sur lui n'était pas le sien, s'assurer qu'il n'avait rien de grave, que ce froid hivernal ne l'avait pas atteint. Il espérait retrouver ses parents. Ils n'étaient pas là. Ils étaient en retard. Non, ils ne viendraient pas. Ils ne pouvaient plus venir.

- Qu'est-ce qu'il sait passer cette nuit Jeskary ? Tu t'en souviens ?

L'inspectrice parlait dans le vide. L'adolescent était incapable de répondre. Il entendait à peine sa question. Le bourdonnement dans ses oreilles était assourdissant.

Pourquoi tout cela lui arrivait ? À lui ? Il avait toujours tout fait pour être un garçon normal, un adolescent dont ses parents pouvaient être fiers. Il avait de bonnes notes à l'école, il avait une copine qu'il aimait, il était apprécié des professeurs, surtout de Monsieur Jackson visiblement, malgré son côté fêtard, il ne faisait pas de vagues. Alors qu'est-ce qui avait bien pu déraper ?

Le mal de tête... Il s'était couché... Tout ça la nuit de son anniversaire. Il imaginait autrement la fête de ses seize ans.

- J'ai besoin que tu me parles Jeskary.

Jeskary plissa les yeux. La voix de l'inspectrice tentait tant bien que mal de se frayer un chemin jusqu'à lui. Elle voulait se faire entendre. Mais lui, restait sourd et muet. Il ne parvenait plus à entendre, plus à parler. Il avait la sensation d'avoir perdu ses sens au moment de son arrivée à l'hôpital. Ce n'était ni le froid, ni la douleur interne qu'il ressentait, qui l'avaient rendu sourd. Non. C'était tous ces agents présents, juste pour lui. C'était cette inspectrice dont le nom lui échappait. Elle avait été la première à lui parler, juste après ses premiers examens médicaux. Il aurait préféré ne pas l'écouter, qu'elle se taise, qu'elle ne soit pas là.

En sortant de cette forêt, il n'espérait qu'une chose : retrouver la chaleur, sa chambre, ses parents. Il aurait voulu que ce soient eux qui lui parlent. Eux qui lui expliquent la nuit. Eux qui le réconfortent, lui assurent que ce n'était pas grave, que cela allait s'arranger, qu'il n'avait rien fait. Mais ses parents n'étaient pas là. Ils ne seraient plus jamais là.

Une larme silencieuse coula le long de la joue de l'adolescent lorsqu'il réalisa, pour la deuxième fois, cette évidence. Ses parents ne seraient plus jamais là.

En tant qu'orphelin abandonné au pied d'un orphelinat, il connaissait cette sensation de ne plus avoir de parents. Bien que bébé au moment de l'abandon, il avait déjà ressenti cette solitude, ce manque parental. Il avait trouvé chez les Saint-Clair une famille accueillante, ce qu'il avait toujours recherché. Georges avait été un père pour lui. Anne, une véritable mère. Les perdre, c'était comme vivre un abandon, encore une fois. Il aurait pu s'y faire, s'habituer à la situation, l'accepter, si la perte n'avait pas été aussi brutale.

L'inspectrice lui avait épargné tous les détails, il n'avait pas besoin de savoir, pas encore. Elle s'était contentée de lui dire que ses parents étaient morts et que cela n'avait rien d'un accident ou de naturel.

Ils avaient quitté ce monde... C'était trop tôt, trop inattendu... Tués... Par qui ? Comment ? Pourquoi ? Tant de questions qui alimentaient le mystère. Et encore aucune réponse.

Sombres-LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant