Chapitre 18

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Les jours qui suivirent furent passé la plupart du temps dans mon lit. Je me morfondais, me nourrissant si peu que je me laissais peu à peu tomber dans une mort certaine. Je me contentai de sortir de mon nid douillet pour aller acheter de la nourriture, de l'alcool et mon héroïne. Preuve que je n'étais pas accro : j'avais passé un mois dans le coma sans m'en injecter une goutte dans les veines. Les vrais heroïnomans en mourraient, eux, si ils étaient privés de drogue pendant si longtemps, n'est ce pas ?

Un de ces tristes jours, je chantais lassivement d'une voix brisée, assise en tailleur, couverture repliée sur moi-même, des chansons dont je connaissais très bien les paroles mais dont je ne prêtais plus attention à leur signification. Seule, tapie dans l'incompréhension des événements qui s'étaient déroulés en une trentaine de jours et qui avaient changé tant de choses au cours de ma vie déjà assez difficile auparavant, je chantais lentement, d'un tempo faible et bas, d'une voix grave et enrouée par l'alcool.

_Darling... darling... doesn't have... a problem... 

Je pris une gorgée de ce délicieux rhum, apaisant mon palais par ce liquide acre et amer qui coulait dans ma gorge. 

_Lying... to herself... 'cause her liquor's... top... shelf... 

Les pleurs se mêlaient aux paroles et venaient diminuer encore la vitesse de la chanson déjà lente. 

_It's alarming... honestly... how charming... she... can be... 

Les personnes qui m'avaient brisé, écrasé, piétiné, explosé et détruit le coeur me revenait en mémoire, provoquant de violent spasmes, perturbants encore le bon déroulement de la chanson. 

_Fooling... everyone... telling how she's... having... fun... 

Ma voix mourut dans ma bouche dès cette phrase prononcée, conséquence de mon corps tremblant et secoué par de violents spasmes. Je lâchai la bouteille qui tomba sur le sol et qui se brisa en envoyant valser ses éclats de verre un peu partout dans la pièce et dont le peu de liquide restant s'éparpilla sur le parquet, m'hypnotisant de son odeur d'alcool fort et frelaté. Je fermais les yeux, dégageant les larmes qui y restaient coincés. Je reniflai, provoquant un bruit répugnant par le nez. Mes mains retombèrent sur la couverture sale et je me laissai tomber en arrière, sur le coussin taché et dégageant une odeur fétide. Ma respiration saccadée et coupée par des sanglots bruyants se calmait et devenait peu à peu normale. Mes yeux ne semblait plus vouloir se rouvrir, déjà trop lourds. Me laissant gagner par le sommeil, je rennonçais à ma vie bien trop lourde d'angoisse et de problèmes en tout genre pour sombrer dans un merveilleux monde de rêve, loin de la perception habituelle de ce monde sans joie, rejoignant le doux et inexistant espace de rêves espérés mais jamais réels et d'illusions simplistes mais malheureusement mortes et sans espoirs de résurrection. 

Ce fut une sonnette qui me réveilla et me sortit des méandres d'un sommeil sans rêves. Mes yeux bouffis et ayant des difficultés à s'ouvrir de nouveau ne me permettait que de voir qu'un épais brouillard gris qui allait en me rappelant les murs décrépits et sales de ma chambre. Quel jour étions-nous ? Quelle heure était-il ? Qui venait de sonner ? Pourquoi ? Je n'en avais absolument aucune idée, et je n'en avais vraiment rien à faire. Et dans cette attitude de nonchalance exaspérante, je me calais de nouveau contre mon oreiller d'une chaleur accueillante et refermais mes paupières dont les pupilles étaient fatiguées par l'exercice précédent, pas assez habituées à la luminosité ambiante. Replongeant hâtivement dans le confort du sommeil, je n'entendis pas la sonnette qui sonna une fois de plus, ni le verrou tourner et encore moins les voix mixtes et les pas accompagnant les personnes qui se rapprochaient de ma chambre. Le fait est que je ne pus prévoir qu'une personne rentrait dans la pièce et se jetait carrément sur mon lit, s'écrasant sur mes jambes.

Last Friday Night : La chuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant