Le choix de l'anonymat ou écrire sans parler de soi

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Cette phrase est un peu un non sens; En effet, comment peut-on prétendre écrire sans parler de soi? Selon moi, l'exercice est impossible. Soi ici se réfère à notre individualité, à toutes ces particularités qui font de nous un être singulier, différent des autres, avec sa vision du monde et ses travers. J'ai tendance à penser qu'écrire un livre est un exercice un peu narcissique car l'auteur met une partie de lui, son imagination -la plus importante à mon sens-, à la disposition du public. Je fais bien sûr référence ici aux oeuvres publiées et non à celles que l'on garde pour soi mais même là, il y a une dose non négligeable d'ego. Rires, je sens que je fais enrager quelques uns.

Pourquoi publier un livre et rester dans l'anonymat puisque publier signifie littéralement "rendre public"? Parce que je jalouse intensément mon intimité. Je veux bien dévoiler au monde cet univers et ces personnages sortis tout droits de mon cerveau -pour parler prosaïquement- mais je me refuse à parler de moi. Une autre contradiction puisque c'est ce que je suis en train de faire en ce moment. Pourquoi ce livre? C'est une question pertinente -vous l'aurez sans doute remarqué à présent, ce livre est un concentré de questions pertinentes! Rires.

Plus sérieusement, l'un de mes proches par fait judicieusement remarqué que les lecteurs avaient besoin de "voir" l'auteur, de nouer une relation avec lui, de savoir qui a écrit le livre qu'ils vont acheter. Si je suis plutôt d'accord avec les deux dernières assertions -même si je ne fais pas partie de cette catégorie de lecteurs, je peux comprendre ce besoin de savoir qui se cache derrière un livre que l'on a particulièrement aimé ou qui nous a particulièrement irrité, de manière générale, qui nous a fait forte impression-, la première me paraît à la fois triviale (nous vivons dans une société qui a élevée l'image au rang d'art à part entière) et troublante. Troublante parce qu'elle suggère que l'apparence de l'auteur et ce qu'il donne à voir de lui influencent le lecteur -ce qui est vrai. J'ai cependant la naïveté de croire que le contenu, la qualité et la pertinence des écrits devraient avoir la prééminence.

C'est forte de cette conviction, et armée de mon amour excessif de mon statut d'anonyme que je livre en pâture aux loup mon premier bébé, enfanté après beaucoup d'efforts: le tome I d'Âmes Sœurs. Beaucoup ne comprendront pas mon choix -je ne vous le demande pas-, plusieurs le critiqueront -c'est votre droit- mais d'autres, plus joueurs et ayant le goût du risque, le trouveront intéressant. Je trouve d'ailleurs très piquant de publier un premier roman pour le livrer au monde sans l'accompagner, c'est comme poser son bébé d'à peine neuf mois au milieu d'une avenue très fréquentée en s'attendant à ce qu'il ne se fasse pas écraser. Je doute qu'il ait une chance sur dix mille. Allons, je vais être gentille, supposons qu'il soit très petit et qu'il ait la super idée de ne pas bouger doublée à celle -encore plus intelligente- de se coucher sur le bitume; s'il est suffisamment petit et situé au bon endroit -c'est-à-dire entre les deux roues avant et si toutes les voitures suivent une trajectoire rectiligne, il a de bonnes chances de s'en tirer. Ça fait beaucoup de "et si" n'est-ce pas? Mais ce n'est pas complètement impossible et c'est ce qui compte, le jeu ne serait pas aussi intéressant sinon.

Alors, passera, passera pas? La saga se fera-t-elle écraser par d'autres bouquins, mieux bichonnés par leurs auteurs qui les éclairent de leur image, faisant rejaillir par ricochet leur lumière sur eux ou trouvera-t-elle un public, plus concerné par ce qu'elle a à offrir que par l'obscure scribouillard qui lui a donné naissance? C'est à vous de le décider; Lui donnerez-vous une chance de vous prouver qu'elle peut briller par elle-même en la lisant ou la laisserez-vous sombrer dans l'abîme des romans inconnus qui pullulent sur internet? La décision est votre.

À ne surtout pas faire, votre roman a assez de handicap comme ça sans que vous ne le priviez de votre image.

Mes balbutiements d'auteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant