trois

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L'âme apeurée, il craint ses secrets intimes aux yeux de tous.

           Marcel range précieusement ce papier dans son carnet en imaginant le stress de ce fameux George.

Le peu qu'il lui avait "parlé", il a vite cerné le gros introverti et anxieux qu'il est, d'où son échappatoire via la poésie.

L'octogénaire aime profondément les gens au point de se perdre lui-même, à ses risques et périls.

Ce métier il ne l'a pas choisit par un simple hasard, dans sa jeunesse il était amoureux, fou amoureux d'un certain Jacques. Autant vous dire que annoncer à une famille son homosexualité fut la pire chose à faire pour lui, non pas le fait d'assumer ou non mais plutôt de ne pas recevoir le soutient de ses parents.

Et c'est cela qui s'est hélas passé mais il ne leur en a pas voulu, comprenant que la mentalité de cette époque était bien différente de la sienne.

Alors, ils se voyaient en cachette pour lire s'embrasser, faire l'amour avec certes, une peur d'être vu mais un amour tellement fort que ce détail passé outre au final.

Malgré son âge, Marcel se rappelle du goût sucré de ses lèvres et de ses mains rugueuses après avoir fait les champs. C'est surtout ses yeux verts et sa chevelure ondulé et brune qui l'ont marqués. Son regard était toujours curieux et intrigué par tout ce qui l'entoure que cela soit voyant ou non.

La lecture n'était pas un passe temps pour lui mais une réflexion et un miroir sur tout le monde.

Alors quand ils se voyaient ils échangeaient autour de classiques, de poésie qu'ils se lisaient avec des yeux crevants d'amour.

En repensant à tout cela, un sourire mélancolique vient aux lèvres de Marcel.

Il ne l'a jamais oublié, que ce soit lui ou leur amour qui a duré peu mais qui était si intense que cela paraissait avoir durer des années.

Sa compassion, il l'a toujours eu. Et cette bibliothèque est le fruit de ce qu'il aime : le voyage, les gens et les âmes.

Le voyage intellectuel et culturel, les gens qui sont si différents que cela l'amuse et les âmes, la plus belle chose qui soit.

Une âme se nourrit constamment de toute pensée et culture que cela soit de l'art ou non. Si Marcel pouvait, il se remettrait à lire constamment ces poèmes qui l'a partagé il y a plus de soixante années avec Jacques.

L'alliance à son doigt est le cadeau que voulait lui faire son amour de jeunesse mais qui hélas, tué pendant la guerre, n'a pas pu lui offrir en personne.

Il se rappelle avoir pleuré durant des jours sans s'arrêter dans l'incompréhension de sa famille qui ne fut jamais au courant de qui il s'agissait, même après leur mort.

Jacques est son plus grand secret, il nourrit son âme et ses souvenirs avec ce que lui racontent les passagers dans la bibliothèque.

Et ce George le faisait penser à Jacques avec sa passion pour la poésie et son visage d'enfant. Il sentait son âme qui est bonne mais trouve dommage qu'il ne fasse pas de sa timidité une force.

D'ailleurs en parlant de lui, le voici présent devant l'octogénaire, un regard curieux.

- Tout va bien ? Il demande, légèrement inquiet en voyant le bibliothécaire dans son monde.

Marcel secoue sa tête et regarde le jeune homme avec un sourire mélancolique.

- Oui ! oui ! Pardon, quelques souvenirs me sont remontés. Que se passe-t-il ?

George comprend qu'il a interrompu dans quelque chose de personnel et souhaité s'excuser mais Marcel le coupe dans sa tentative.

- Il y a un problème ?

Le blondin se gratte l'arrière de la nuque avant de balbutier quelques mots.

- L'étagère... Elle ... Elle est un peu... Ça... cassé

- Oh, montrez-moi.

Marcel quitte son comptoir et suit le timide garçon jusqu'au rayon des romans policiers. Il remarque que l'étagère à la hauteur de ses yeux se met à tomber sur la droite, sûrement le poids des livres et puis sa bibliothèque se fait vieille.

Il se mit à penser à Lizea, leur caractère se rassemblent en certain point notamment dans ce besoin de fuir la réalité et de trouver quelque chose qui leur plaît et les fasses vibrer.

- Merci George !
- De ... De rien Marcel.

L'octogénaire lance un regard au garçon pour savoir si il y avait quelque chose d'autre à dire, ne voyant pas ses lèvres bouger, l'octogénaire met les pieds dans le plat.

- Une charmante jeune fille m'a rapporté un de vos poèmes, vous êtes doué !

En entendant cette phrase, le visage de George se mit à rougir de honte, lui qui est très réservé sur ses sentiments - et donc ses écrits - ne sait plus où se mettre.

- Elle a beaucoup aimé en tout cas, sachez-le.

- Mer.. merci il dit à voix basse en sentant son visage rougir encore plus que il ne l'est déjà.

Marcel tend le papier à George, un sourire aux lèvres avant de le laisser pour retourner à son comptoir et se reperdre dans ses pensées.

Quant au jeune homme, il ne sait plus quoi dire où se mettre. En tout cas, il trouve ce prénom très poétique.

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Voici le troisième chapitre de cette histoire, qu'en penses-vous ?
Que vous inspire l'histoire de Marcel ?

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