Chapitre Premier

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La bouche ouverte sur un cri déjà oublié dans les éthers, Andy sentait dans sa gorge les sons accrochés à ses cordes vocales, déterminés à l'étouffer. Hagard, il posa son regard sur l'obscurité ambiante, huma l'air et se cramponna comme à une bouée aux draps humides de sueur dans lesquels il avait eu si chaud. Ses poumons se gorgeaient bel et bien d'oxygène, et il se délectait de la fraiche brise apportée par la fenêtre de sa chambre. Pourtant, son corps avait été incapable de distinguer le rêve de la réalité, inondant sa peau, pour palier à la chaleur de la plaine incendiée.

Il tenta de se redresser, en vain, cloué par la pesanteur du vertige et l'engourdissement de ses muscles. Il passa une main moite sur son visage et inspira profondément. Les cendres hantaient ses bronches et s'il les savait absentes, cela ne les rendait pas moins persistantes, dans son esprit, acharné à confondre les lieux. Il parvint à s'asseoir sur le bord de son lit, grinçant sinistrement sous son poids, et s'agrippa à ses genoux, dans l'espoir de conserver un semblant d'équilibre.

Depuis des semaines, son sommeil se perdait dans des cauchemars toujours plus chaotiques, l'emmenant dans des univers semblables, où les guerres, les batailles et la barbarie livraient le combat de la véhémence, pour se montrer systématiquement plus brutales et farouches, laissant le jeune homme dans une contrainte passivité. Assistait-il impuissant à une quelconque prophétie ? Il n'aurait pu le dire, mais cela ne le surprendrait pas. La marche du monde ne pouvait conduire qu'à cela, en fin de compte.

Dans un élan de vigueur retrouvée, il se leva et approcha de la fenêtre pour profiter d'un interlude de fraicheur, dans sa nuit brûlante.

Sa vie entière s'était résumée à des rêves étranges, portés par les reliques de sentiments captés dès son réveil, mettant parfois en scène des situations terrifiantes. Le plus souvent, pourtant, il ne s'agissait que d'imbroglios d'événements sans rapports. Andy s'en trouvait alors troublé, mais rien ne l'avait jamais autant effrayé que l'enchainement de rage et d'atrocité de ces dernières semaines.

La substance de ces songes ne ressemblait en rien à ce qu'ils avaient été jusqu'à présent. Il en était toujours le personnage central, observait sans cesse les mêmes tableaux et chacun finissait de façon tragique. La Faucheuse, inexorablement, posait son manteau noir sur le monde, et annihilait toute forme d'espoir.

S'il s'était habitué à tant d'étrangeté, il doutait de l'être encore, désormais.

Sa peau en sortait chaque fois plus fiévreuse, son esprit plus écorché et les questions se bousculaient, au cours des journées de réflexion suscitées par les nuits de destructions.

L'air frais, soudain plus pressant, l'extirpa définitivement de la plaine et il laissa son regard se promener sur la Seine, et sur son cours, où dansaient les lumières de la ville. Il ne prêtait pas vraiment d'importance à ce qu'il regardait, obligeant seulement son attention à vagabonder sur les lignes, les angles et les courbes, pour oublier le vrombissement des flammes et l'obsédant tintamarre du métal. Lorsqu'il aperçut les vestiges de la tour Eiffel, il se détourna brusquement, trop épuisé pour s'appesantir sur son sort, à une heure si tardive.

Une résolution venait de s'imposer. Il saisit son téléphone portable, composa le message qu'il devait écrire, sans se permettre la moindre hésitation. Si le doute s'installait, il n'aurait pas le courage de se confier à son amie. En lui exprimant très clairement son besoin de parler, dès maintenant, il était certain, pour la connaître si bien, qu'elle lui tirerait les vers du nez pour en savoir plus.

Le message envoyé, Andy se laissa hypnotiser par la danse des nuages, des étoiles et de la lune, dans le ciel clair et froid. Il n'était pas si tard, pour lui, et une promenade ne lui ferait aucun mal.

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