𝑬́𝒅𝒊𝒕𝒐𝒓𝒊𝒂𝒍 - L'histoire du féminisme et ses différentes vagues

69 16 3
                                    

La journée du 8 mars est la journée internationale pour les droits des femmes et des minorités de genre (et non pas la journée ou la fête de la femme). L'occasion pour ce numéro de wattactu de venir faire un petit récapitulatif de l'histoire de la lutte pour les droits des femmes, des vagues et backlashs du féminisme et de ses différentes branches (parce que ce qu'on appelle « le féminisme » est loin d'être une masse unie !).

Je tiens à rappeler que cet article est loin d'être exhaustif (il faudrait des thèses entières pour que ça le soit !) et qu'il fait l'impasse sur de nombreuses choses, notamment les nuances de l'histoire féministe par pays, et qu'il ne rentre pas dans les détails. Ce n'est qu'un résumé (très) rapide de l'histoire des différentes vagues du féminisme.

Les militant·e·s féministes ont tendance à découper l'histoire de la lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre en vagues entrecoupés de backlashs (aussi appelés « retours de bâton ») : c'est un concept théorisé par la journaliste et militante Susan Faludi dans les années 1990. À l'époque, elle y défend la thèse selon laquelle il y aurait un retour de bâton (bien alimenté par les médias) concernant les droits des femmes par rapport aux avancées obtenues dans les années 1970. Le backlash se définirait par une période de recul des droits médicaux et sociaux des femmes et minorités de genre, une période de « recul » ou de « vide féministe » entre deux vagues qui, elles, font avancer les droits.

Bien que les militant·e·s féministes d'aujourd'hui ne sont pas tous·tes d'accord sur le découpage des différentes vagues, la version la plus répandue concernant le féminisme européen se fait en trois vagues (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a jamais eu de figure (hors symboles de la fiction) se battant pour les droits des femmes ou contre les limites du genre auparavant : Christine de Pisan, le chevalier d'Éon, Olympe de Gouges, Claire Lacombe et Mary Wollstonecraft ne sont que des exemples parmi tant d'autres ; mais aujourd'hui, on considère que l'histoire du féminisme commence quand le mot féminisme apparaît, c'est-à-dire fin XIXe/début XXe) :

Le féminisme n'a pas de frontières ou de nationalité, mais il est d'usage de reconnaître le Royaume-Uni comme son berceau. La première vague se déroule des année 1850 (faisant suite à plusieurs ouvrages britanniques sur la condition et les droits des femmes publiés dès les années 1790, écrits notamment par Mary Wollstonecraft, Anna Wheeler ou Caroline Norton) jusqu'à la seconde guerre mondiale et connaît une période particulièrement forte au Royaume-Uni entre 1903 (année de création du parti des suffragettes) et 1928 (année où les femmes obtiennent le droit de vote au même âge que les hommes, c'est-à-dire 21 ans). La première vague féministe se caractérise donc par son combat principal : l'accès au droit de vote pour les femmes. C'est durant cette période qu'est théorisé le principe de « vague féministe » par Elizabeth Sarah.

La deuxième vague féministe démarre dans les années 1960 et s'étend à travers le monde occidental. Elle se concentre beaucoup sur la place de la femme au sein de la famille, à l'ouverture de la parole sur la sexualité, les droits reproductifs (notamment l'IVG et la contraception), la mixité scolaire, le divorce, les comptes en banque, ainsi que les violences conjugales. En France, l'une des figures de proue de cette vague est Simone de Beauvoir, et son livre Le deuxième sexe. Mais dès les années 80-90, l'antiféminisme et les politiques réactionnaires prennent de plus en plus d'ampleur, et Susan Faludi théorise le concept de backlash. C'est aussi à cette période-là qu'une critique du racisme présent au sein des luttes féministes émerge, que la théorie queer se développe après la parution de La pensée straight (livre de Monique Witting), et que le concept d'intersectionnalité apparaît.

La troisième vague, actuelle apparaît à la fin des années 90 et se différencie de la deuxième vague de par l'importance donnée à la représentation, la diversité et place l'intersectionnalité au centre pour revendiquer les droits des femmes et personnes perçues comme telles qui subissent une double oppression : personnes racisées, sapphiques, trans, TDS, handicapées, neuroatypiques, grosses... au niveau théorique, c'est la vague la plus difficile à définir, puisqu'on constate aujourd'hui de nombreuses branches et idéologies différentes, différents combats : ce n'est pas un mouvement homogène, fixe et défini, même si plusieurs sujets reviennent : lutte contre les VSS (violences sexistes et sexuelles) avec le mouvement #metoo, l'accès à la PMA pour tous·tes, l'accès aux soins médicaux sociaux (notamment pour les transitions), l'éradication des féminicides, l'instauration d'un congé menstruel, etc.

Avec le développement de la technologie et de l'accès à la culture, les modes d'action sont également plus variés et intègrent davantage l'individualité en proposant d'autres méthodes que les manifestations : un militantisme quotidien sur les réseaux sociaux, des choix personnels de consommation, etc. Avec cette ouverture sur les doubles oppressions, plusieurs branches se sont donc créées, plus ou moins radicales : l'afroféminisme/féminisme décolonial, féminisme queer, féminisme anticapitaliste, etc. La prise en comptes d'identités de femmes et personnes perçues comme telles multiples et sujettes à plusieurs oppressions à la fois a aussi conduit à la création de plusieurs espaces/évènements en non-mixité.

(À noter que ces dernières années, une branche réactionnaire s'est, après s'être battue contre les féminicides et pour la libération de la parole sur la sexualité, détachée du principe de féminisme pour créer son propre combat : le « femellisme », qui, sous couvert d'être un combat pour les « femelles », ne fait que se battre pour le retrait des droits des personnes trans (et est donc du militantisme transphobe) et l'essentialisation des corps (en instrumentalisant la biologie). Ces militantes transphobes se définissent comme « radfem » (pour « féministe radicale ») ou « gender critical » : les militant·es féministes les appellent TERF (ou, plus rarement, FART). Attention, ces personnes ne sont PAS féministes et ne se battent PAS pour les droits des femmes. C'est un mouvement réactionnaire. Elles ne font donc pas partie du féminisme, qui se caractérise par une lutte pour l'acquisition de droits et contre les oppressions.)

À l'heure de la troisième vague, la montée de l'extrême-droite et les crises politiques (accès au pouvoir de la néofasciste Meloni en Italie, révocation de Roe VS Wade et recul des droits des personnes trans et queer aux États-Unis, crise politique et sociale actuelle en France, etc) fait craindre un début de backlash malgré des améliorations dans plusieurs pays, notamment en Espagne (mise en place d'un congé menstruel, loi sur le consentement et loi d'autodétermination de genre dès 16 ans), au Canada (accueil des personnes trans et queer fuyant les États-Unis), ou même avec le mouvement #metoo : nous sommes actuellement dans un entre-deux.


⸻ article écrit par Une_Maraudeuse

Wattactu N°18 - Mar. 2023Où les histoires vivent. Découvrez maintenant