Le lendemain matin, Richard se contenta d'une tasse de thé avant de quitter Berkeley Street. Il était épuisé. La nuit avait été longue. Ou, plus exactement, il n'avait même pas dormi une heure tant il se posait des questions sur l'homme qui l'attendait à Grosvenor Square. La veille, il n'avait même pas songé à suivre l'inconnu. Bouleversé par la découverte de son secret le plus inavouable.
Tandis qu'il marchait d'un pas vif dans les rues de Londres, le Duc songea qu'il devrait avertir Lady Campbell dans les plus brefs délais. La sécurité de Harrington Gardens était compromise, par sa faute.
Comment l'Irlandais l'avait-il repéré, cela restait un mystère. Richard se savait méticuleux, rigoureux. Prudent à l'extrême. Il était littéralement obsédé par la nécessité de dissimuler sa double vie. Si l'inconnu l'avait démasqué, cela ne datait pas d'hier. Combien d'heures avait-il passé à l'espionner ? Le jeune homme devinait que l'Irlandais était patient. Il devait certainement le surveiller depuis des semaines. Ou peut-être plus encore.
Le Duc s'efforçait de dissimuler son anxiété. Il croisa à plusieurs reprises des amis de sa famille et les salua avec un sourire avenant. Dieu qu'il détestait être hypocrite !
Trop vite à son goût, Richard arriva à destination. L'Irlandais était déjà sur place. Assis sur un banc, il lisait un journal. Bien qu'il fasse mine d'être concentré sur sa lecture, le jeune homme remarqua qu'il jetait de fréquent coups d'œil autour de lui. Quand il aperçut Lord Mabelthorpe, il esquissa un sourire satisfait. Il se leva avec une lenteur calculée et dévisagea son vis-à-vis avec insistance.
Richard n'apprécia pas cette soudaine attention. Il se sentait jugé par l'Irlandais. Cela renforça son antipathie pour l'inconnu. Ce dernier ne parut pas remarquer le regard fermé du Duc et le salua comme une vieille connaissance :
— J'apprécie votre ponctualité, Richard.
— Cessez de m'appeler par mon prénom ! Je ne vous connais pas.
— C'est ce que vous pensez. Bien, marchons un peu.
Ils donnaient l'impression d'être deux parfaits gentlemen tandis qu'ils se dirigeaient vers Hyde Park. Ils saluaient les Londoniens qu'ils croisaient d'un signe de tête ou, pour le Duc, d'une parole aimable lorsqu'il reconnaissait les promeneurs.
Alors qu'ils arpentaient les allées du parc, Richard songea que la société était bien étrange. Si elle réprouvait les actes charnels entre hommes, personne ne trouvait choquant de voir deux individus déambuler ensemble en ville, ou dans les parcs. Quelle contradiction. Mais ce n'était pas le moment de divaguer au sujet des singularités de son monde. Le Duc se tourna vers l'Irlandais :
— Que me voulez-vous ? Pourquoi m'avoir forcé à vous rejoindre ici ce matin ? Oh, et pour commencer, je veux connaître votre véritable nom.
— Je vous l'ai déjà communiqué. Je suis Sean Kilkavran, fils unique du Comte de Rosscahill.
— Vous mentez.
— Je ne me permettrais pas de vous abuser. Vous ne connaissez pas mon père car il a renoncé à ses voyages en Angleterre depuis bien des années. Le titre qu'il possède se transmet de génération en génération. Je fais partie de la noblesse irlandaise, quoi que vous en pensiez.
— Dans ce cas, vos manières laissent grandement à désirer, Mylord.
Richard accentua la prononciation de la formule de politesse. Et utilisa volontairement un ton moqueur. Sean Kilkavran ne s'en offusqua pas. Il comprenait la réaction du Duc. Il l'avait provoquée, d'une certaine manière. Comme s'il n'avait rien entendu, il poursuivit :
VOUS LISEZ
Symphonie irlandaise {M/M}
RomanceSuite au décès de son père, le Duc de Lymington, son fils aîné Richard, est contraint de prendre sa succession. Il découvre ensuite avec horreur qu'il est fiancé à Susan, la fille aînée du marquis de Glaslyn. Tandis qu'il cherche désespérément un mo...