Avec des gestes habituels, le pinceau glisse de manière fluide sur la toile. Ce n'est pas un énième éventail que Niè Huáisāng est en train de peindre mais un portrait particulièrement austère. Peu à peu, un visage à l'expression sévère se dessine. Un visage des plus familiers pour toute personne ayant grandi à Qīnghé dans sa tranche d'âge. Qu'est-ce qu'il donnerait pour voir l'homme sortir du tableau et le réprimander. Impossible. Niè Míngjué n'est plus depuis maintenant une dizaine d'années. Il ne reste plus que son souvenir matérialisé sur cette toile. Niè Huáisāng refuse d'oublier son visage, de l'oublier lui. Non. Il se souvient comme si c'était hier des moments où son aîné le forçait à s'entraîner à l'épée, mais, surtout, des conditions de son départ. Avec un petit sourire narquois, le jeune cultivateur se demande s'il ne devrait pas offrir sa toile à Jīn Guāngyáo. Peut-être qu'il en mourrait sur le coup. Mais non. Il a d'autres plans pour lui.
Pourtant, la nostalgie qui comprime son cœur n'a, étonnement, rien à voir avec Niè Míngjué. Un autre évènement est venu bouleverser son quotidien. Huáisāng laisse échapper un soupir las en ajoutant de l'encre sur son pinceau. Les relations humaines sont bien trop difficiles. Fut un temps où il n'avait pas à se poser de questions, et sa seule contrainte était d'arriver à pêcher les poissons à main nues sans que Wèi Wúxiàn le fasse tomber dans l'eau. Un temps bien révolu. Ce qui est bien son problème actuel.
"A-Sāng ?"
La douce voix le fait sursauter et Huáisāng se retourne si vivement qu'il manque de tacher son tableau.
"Er-Ge ?" demande-t-il, surpris.
Lán Xīchén est l'incarnation de la politesse et de la bienveillance, jamais il ne serait entré dans ses quartiers sans frapper. Huáisāng devait être si perdu dans ses pensées qu'il ne l'a pas entendu venir. Voilà qui est déraisonnable. Toujours être sur ses gardes pour ne pas être poignardé dans le dos.
Il voit son frère juré observer son tableau avec nostalgie, sans un mot. Huáisāng sourit tristement et repose son pinceau, avant de recouvrir sa toile pour la préserver et éviter au chef du clan Lán de replonger dans des souvenirs difficiles. L'amertume et la souffrance sont un fardeau qu'il ne souhaite pas mettre sur les épaules de son aîné. Pourtant, bientôt, il faudra que Lán Xīchén sache la vérité. Il aurait préféré l'épargner, mais avec l'implication de Jīn Guāngyáo, c'est impossible. Quoi qu'il se passe, Lán Xīchén tombera de haut. Niè Huáisāng fera ce qu'il doit faire, tout simplement.
"Er-Ge, les invités sont déjà arrivés ? Je suis désolé, je n'ai pas vu l'heure passer."
Un simple sourire d'excuse. Lorsqu'il est seul avec lui, il n' a pas besoin de partir dans de grandes effusions.
Qīnghé reçoit les autres clans pour que les jeunes disciples puissent partir en expédition dans la montagne et traquer des cadavres féroces. Bien entendu, ils seront guidés par leurs représentants et d'autres cultivateurs accomplis de chaque clan respectif.
S'il est en retard pour accueillir les invités, cela signifie qu'un autre de ses protecteurs doit être bien irrité. Après tout, Niè Huáisāng est comme un enfant à charge, si une faute est commise, elle revient au du chef de clan Jīn. Si Huáisāng n'était pas en compagnie de Lán Xīchén, il aurait souri de satisfaction. Après tout, Jīn Guāngyáo met toujours un point d'honneur à ce que tous ses événements soient parfaits. Huáisāng a voulu suivre son exemple et lui montrer qu'il fait des efforts ... On voit comment ça débute.
Très peu pressé, il prend le temps de ranger ses affaires pendant que Lán Xīchén le rassure. Ils rejoignent finalement ensemble la salle principale où les autres sectes attendent ; sagement pour certains, avec impatience, irritation ou indulgence pour d'autres. Il aurait aimé pouvoir déceler chez Jīn Guāngyáo un air pincé, mais ce dernier ne quitte pas son rôle de bienveillance et lui adresse un sourire hésitant entre fierté et encouragement. Un sourire auquel Huáisāng répond avec crainte, incertitude et espoir. Quels jeux d'acteurs remarquables. Ça en est presque ridicule, mais sûrement touchant aux yeux des autres.

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Je t'attendrai
FanficHistoire terminée ! "Jiāng-zōngzhǔ peut te guider pour ça, ses muscles sont jeunes et saillants." Bien entendu, ses mots ont été prononcés assez forts pour que le dit zōngzhǔ les entende et qu'il s'attire également les regards courroucés de la secte...