Partie 2 - Chapitre 7

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Les pas feutrés sur le parquet lui font ouvrir les yeux

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Les pas feutrés sur le parquet lui font ouvrir les yeux. Il peine à distinguer quoi que ce soit dans la nuit. Le glissement de la baie vitrée le fait se lever. Ce n'est pas Josh, il en est certains. Celui-ci, tout comme lui, a accumulé trop de fatigue pour s'adonner à ce genre d'agissements. Il ne peut s'agir que de Juliette. Il enfile son pantalon qu'il trouve à force de tâtonner les coussins du canapé. L'horloge du four indique trois heures. Que peut-elle faire sur la terrasse à une heure pareille?
Elle scrute la toile céleste sur laquelle les étoiles scintillent tels des diamants. Tout emmitouflé dans la couette, assise dans l'un des deux transat de bois. Elle ne semble pas l'avoir entendu arriver. Son visage rayonne, comme celui d'une enfant au matin de Noël. Il pourrait passer des heures à l'observer, l'innocence à l'état pur.
- Il est tard pour se perdre dans l'immensité de la galaxie, tu ne crois pas ?
Aucun reproche n'émane de lui lorsqu'il prononce ces mots, juste une touche de taquinerie. Elle sursaute, prise la main dans le sac. Il se laisse glisser sur la seconde chaise longue, lui aussi sous le charme des astres.
- Je ne pensais pas te réveiller, pardon.
- Tu n'as pas à t'excuser, vieux réflexe du front.
La cime des conifères chatouille allégrement les étoiles, un hululement résonne au loin.
- Il manque un chocolat chaud pour que ce soit parfait. Tu en veux un ?
- Ça ne risque pas de faire trop de bruit ?
- Josh a le sommeil lourd une fois qu'il le trouve. Tu devrais prendre le plaid du canapé, ce serait plus chaud et confortable que cette couverture.
Elle esquisse un léger sourire, qu'il prend pour un oui. L'odeur chocolaté ne tarde pas à flotter dans la cuisine, il ajoute un nuage de chantilly avant de retourner sur la terrasse. Elle réapparaît quelques minutes après lui, ayant suivi son conseil.
- Tu as raison, ce plaid est d'une douceur incroyable. Ça fait une éternité que je n'ai pas pu profiter d'un tel spectacle, s'émerveille-t-elle.
Ce ne sont pour le moment que des banalités qu'ils se partagent. Pour autant c'est la seule discussion sans malaise qu'ils sont parvenus à avoir. Il dépose les tasses sur la table qui les sépare. Elle se redresse, ramène ses genoux vers sa poitrine avant de se saisir de l'un des mugs fumants.
- Encore merci pour tout ce que toi et Josh faites pour moi, vous n'êtes pas obligé.
Le mal-être reprend ses droits. D'un regard furtif, il se rend compte qu'elle n'a pas quitté le pull noir qu'elle lui a emprunté la veille. Elle plonge le bas de son visage dans l'encolure pour en humer le parfum. Son odeur. Le brasier dans son cœur s'enflamme de nouveau. Il meurt d'envie de crever l'abcès qui rend chacune de leurs conversations compliqués.
- Les traces dans ton dos, c'est lui ?
Il n'avait pas trouver de questions plus pertinentes. Le manque de sommeil ne l'aide pas.
- Oui.
Elle absorbe une gorgée, savourant au passage l'arôme vanillé de la chantilly. Il avait peut-être été trop direct.
- La moindre occasion était bonne pour que les coups pleuvent. Tu as pu voir qu'il n'y avait pas uniquement des hématomes.
Effectivement, l'image de son dos constellé ne l'avait pas quitté de l'après midi.
- Tu ne me dois pas d'explications, si c'est trop dur pour toi on peut arrêter cette discussion et contempler les étoiles, tempère-t-il.
- Les étoiles ne peuvent pas briller sans l'obscurité.
Il aimait cette phrase depuis des années. Il y a souvent penser lorsqu'il était au plus bas, lui rappelant que le meilleur allait finir par arriver.
- Il a fait installer un crochet au plafond de notre chambre.
Elle peine à poursuivre sans pour autant être décidée à s'arrêter. Elle se livre à lui, difficilement, il devra en faire de même par la suite.
- Quand l'envie de se défouler lui prenait, il m'y accrochait, telle une carcasse, avant de me bander les yeux. Escarpins au pied je pouvais rester des heures entières dans cette position statique, la douleur et la paralysie s'insinuant dans le moindre de mes membres. Il se saisissait d'un fouet avant de me lacérer le dos.
Elle fait une pause, tentant elle-même de reprendre son calme, l'angoisse ayant pris le contrôle de sa voix. Il peine à rester impassible, Andy n'avait donc jamais cessé de la martyriser, au prix de lubies toujours plus violentes. Il avait espéré que son départ avait fini par calmer le footballeur dans ses accès de fureur.
- La brûlure du cuir est la douleur la plus intolérable que j'ai eu à subir.
Son regard s'est assombri, semblable à la forêt qui leur fait face.
- C'était avant les brûlures de cigarettes.
Le poing serré, il prenait sur lui pour ne pas l'enfoncer dans le mur adjacent.
- Cette torture avait comme finalité que je te haïsse. Il pensait que l'odeur de tabac mélangée à celle de mes chairs brûlées parviendrait à te mêler inconsciemment à cet acte d'une barbarie atroce. Rien n'y a fait, je ne suis pas parvenu à t'oublier.
Il aurait voulu occulter tout le reste, pour ne retenir que cette dernière phrase qui enflammait son être. Les foudres qui s'abattent en lui parviennent à éteindre l'incendie. Elle sirote en silence la boisson qui a fini par refroidir.
- Pardon, s'excuse-t-elle à nouveau.
- Pour quoi ? Pour avoir eu à subir tout ça et en partie par ma faute ?
Il n'arrive pas à contenir sa rage, contre Andy, encore plus contre lui-même. Il ne s'est pas assez battu pour elle.
- Tu n'es coupable de rien dans sa folie.
Elle effleure la main qu'il lui tend, l'estomac noué.
- Tu as déjà tant fait pour moi Chris, ne sois pas si dur envers toi-même.
Leurs regards s'accrochent, rencontre de l'océan face à la forêt. Lui aussi doit faire un pas vers elle. Réduire cette distance que ces deux années avait mise entre eux.
- Tu ne peux pas toujours jouer le héros, la vie n'est pas si simple.

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