Huit battements

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Il était toujours avec moi, même s'il était loin.

– Pas tes affaires, Axel.

– Soyons sérieux deux minutes.

Pourquoi faire ? Je le connaissais pas après tout. Je l'avais dit à personne, alors pourquoi je le dirais à ce gars ?

– Tu comprendrais pas.

– Je crois que si.

J'ai levé ma tête. Il était en train de me regarder. Long moment de silence. J'avais peur, peur qu'il ait compris, peur que quelqu'un lise en moi pour une fois.

J'étais avec Axel depuis moins d'une heure mais j'avais pu déjà voir une autre facette de lui. Il a descendu les quelques marches de l'échelle sans rien dire. Je le sentais mal.

– Je vais rentrer chez moi, maintenant.

D'accord. C'est tout ce que j'ai dit. Puis Axel est partie, me laissant toute seule avec mes pensées. Je le savais désormais, c'était le moment. J'allais le faire, ce que j'avais écrit sur mon journal. C'était qu'une question d'heures.

Allongée dans la cabane, j'ai réfléchi pendant de longues secondes à comment je pourrais faire, quelles techniques je pourrais utiliser. J'y avais jamais réfléchi avant, peut-être parce que je pensais que je devrais pas en arriver jusque là. Mais Charles avait eu raison de moi. C'est comme ça que je devais finir.

Je voyais les étoiles. C'était magnifique. Je me suis demandée pourquoi je faisais jamais ça. Pourquoi je me couchais jamais dans l'herbe le soir pour regarder les étoiles et penser à ceux qui sont parties trop tôt. Puis j'ai vu une tête. Mais j'ai surtout vu des yeux cernés. Je me suis redressée, c'était Axel. Il est venu sans rien dire. Il a commencé à enlever la montre qu'il avait autour de son poignet gauche. Je l'ai regardé faire.

Axel a posé sa montre sur les planches de la cabane et il a relevé la tête vers moi. Ses lèvres se sont pas entrouvertes. Il a rien dit. Puis j'ai regardé son poignet. Il savait bel et bien ce que j'avais écrit dans mon carnet. Peut-être même qu'il avait eu ce même carnet lui-aussi.

Axel avait une grosse cicatrice rosée sur son poignet gauche. Elle était verticale et faisait quelques centimètres. Quelque chose avait été rompu.

Je le connaissais depuis plus d'une heure. Je l'ai pris dans mes bras et je l'ai serré très fort. Durant quelques secondes, je me suis demandée si j'étais pas folle, si ce garçon existait vraiment. J'avais l'habitude des hallucinations avec ce que je prenais, alors peut-être que j'avais imaginé Axel.

Qu'il existe ou pas, il a fini par me lâcher.

– J'espère que j'aurais pu t'aider.

– C'est quoi la morale ? Que le suicide c'est pas la solution ?

– Non.

Cette conversation avait aucun sens, comme cette soirée.

– La morale, c'est que ce qui fait le plus mal, c'est pas la vie avant de le faire, c'est la vie après s'être loupé. Le suicide, c'est pas une expérience personnelle, t'es pas seul dans ta merde, y'a un tas de gens derrière qui vont souffrir et que t'aies réussi ton coup ou pas.

– Tu dis ça parce que t'as tenté une fois et tu t'es rendu compte que la vie valait le coup, c'est tout.

– Je me suis pas raté qu'une fois.

Ça m'a donné mal au ventre. J'avais comme une boule désagréable qui grossissait encore et encore. J'avais presque envie de vomir. J'aimais pas la conversation qu'on avait.

– J'ai plus de meuf, je l'ai quittée.

– Pourquoi ?

– Parce que je lui ai dit que j'allais partir.

J'ai avalé ma salive de travers.

– C'était quand même cool de t'avoir croisée, crackead.

Axel est descendu. Je me suis encore retrouvée seule dans cette foutue cabane pour enfant. Mais cette fois-ci, je l'ai pas laissé partir comme ça. Je me suis redressée pour le voir.

– Tu vas le faire quand ?

Il s'est retourné.

– Cette nuit je pense.

– Je peux le faire avec toi ?

On s'est regardés pendant plusieurs secondes, de très longues secondes, avant qu'il me dise qu'on allait chez lui.

J'ai rencontré un mecOù les histoires vivent. Découvrez maintenant