I.

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     Je continue d'avancer le long de la route, plongée dans mes réflexions. Je n'en reviens pas. Il n'a pas pu me faire une chose pareille. Après tout ce que nous avons partagé, il n'a pas pu me quitter. Les larmes coulent le long de mes joues, brûlantes, âpres, et tombent une à une à terre, mouillant le sol de mon désespoir.

     Noé...

     Il a été mon premier amour, le premier vrai petit ami de ma vie, avec qui j'ai tout partagé, les moindres détails de ma vie. Je l'aimais tant que c'est presque douloureux de penser à lui après tout ce qu'il m'a fait endurer.

     Ce salaud m'avait quittée, m'avait trompée avec Justine. Cette fille horrible, qui collectionnait les garçons. J'aurais pu le rendre heureux, alors pourquoi être parti ?...

     Je continue de pleurer, d'avancer. Je ne veux pas rentrer chez moi. La mort me semble être la meilleure solution à ce moment-là.

    « Ah non ! hurle une voix dans ma tête, il y a la guerre dans des pays, des viols, des enlèvements, la famine, et toi, tu veux te donner la mort parce qu'un garçon est allé voir ailleurs ?! Tu n'as que dix-sept ans ! Tu as la vie devant toi, ce ne sera ni le premier, ni le dernier petit ami auquel tu auras à faire ! Quinn, bon sang, RESSAISIS-TOI !
–  Il était tout pour moi, rétorque une autre voix, j'étais prête à mourir, à traverser l'infini pour être avec lui. Il est parti avec une autre fille, et... et... »

     C'en est trop. Je me tourne face à la route et je la traverse sans un regard en arrière. J'entends le crissement des pneus d'une voiture. Je ferme les yeux.

     Va brûler en enfer, Noé...

     Soudain, plus un bruit. Puis, une voix... un claquement de portière... les larmes continuent de couler sur mes joues, intarissables.

     « Eh ! »

     C'est dingue, la voix masculine qui a crié avait un petit accent anglais, délicieusement craquant. Je baisse la tête, sers les poings. Même mourir, je ne suis pas capable de le faire.

     « Tout va bien mademoiselle ? » me demande cette seule voix en s'approchant de moi, je ne réponds rien, sous le choc.

     Je sens simplement mon corps se faire porter au-dessus du sol trempé par la pluie qui martèle à présent mon visage, puis, plus rien.

     Je me réveille dans une chambre immaculée et fronce les sourcils, mes yeux ayant du mal à s'accommoder à la lumière intense de la pièce. Je finis par pouvoir regarder autour de moi. Je ne reconnais pas cet endroit. Cela ressemble à une chambre d'hôpital, mais pourquoi... Et puis, tout me revient en mémoire. La rupture. Ma balade. La route. L'accident.

     Je tente de me relever, mais le simple fait de bouger le bras me fait souffrir le martyre, alors je décide de ne rien faire de plus. Je tourne mes iris bleus vers la petite table de chevet sur ma gauche et vois mon portable, ainsi qu'un petit bouquet de fleurs. De qui cela peut bien provenir ? J'espère que ce n'est pas Noé, qu'il n'a pas eu l'audace de me laisser des roses. Difficilement, et avec mon bras encore valide, j'attrape la petite carte accrochée au vase.

     « J'espère que vous allez bien, contactez-moi quand vous vous réveillerez. » avec un numéro de téléphone. Serait-ce le propriétaire de cette voix charmante qui m'a laissé ces fleurs ? Peu importe. Je suis trop fatiguée.

     Mes yeux se ferment tous seuls pour se rouvrir après trois longues heures supplémentaires de sommeil, sommeil qui fut troublé par une infirmière venant retirer le cathéter qui semblait avoir été posé là en amont. À mon réveil, je décide enfin d'envoyer un message au numéro laissé sur la carte. Je ne me sens pas le courage de l'appeler. Le message dit simplement « Bonjour, je me suis bien réveillée. Je vous remercie de m'avoir déposée à l'hôpital. Bonne journée à vous. » Je ne cherche pas plus loin et appuie sur le bouton pour appeler du personnel médical afin de demander ce que j'ai.

     Au bout de deux minutes, quelqu'un toque à la porte et entre dans la chambre sans attendre une quelconque réponse de ma part pour s'approcher de moi. Une jeune femme en uniforme médical violet me fait face. Elle se met à me parler d'une voix douce pour me rassurer, mais je la stoppe en lui demandant uniquement ce que j'ai comme blessures et quand je pourrai sortir.

     Elle me regarde d'un air désolé et m'annonce que j'ai une côte fêlée, une cheville fracturée et plusieurs ecchymoses plus anodines sur le reste du corps. Pour la côte, il n'y a rien à faire, elle se consolidera avec le temps, pour la cheville, de l'immobilisation par un plâtre qui m'a été mis durant mon « coma » et des béquilles ou un fauteuil à ma convenance pour me déplacer. Je soupire. De soulagement, car je suis toujours là. Et de colère face à mon propre geste. Je questionne cette femme sur ma date de sortie et après un bref coup d'œil à son bipeur, elle me répond qu'ils me gardent en surveillance encore deux jours. Impatiente, je lui demande depuis quand je suis dans ce lit d'hôpital. Nouveau coup d'œil à son bipeur.

     « Cela fait trois jours, mademoiselle. Pardonnez-moi, mais j'ai une urgence, murmure-t-elle, rappuyez sur le bouton si vous avez besoin de quoi que ce soit, et ne vous levez pas toute seule. »

     Moi qui allais l'interroger sur la marche à suivre si je voulais aller aux toilettes, j'entends la porte claquer et soupire une fois de plus. Je tourne mon regard vers la vitre fermée et peut entendre qu'il pleut encore et toujours. Ça ne me dérange pas, je pense même que ça m'apaise ; mais là, toute seule, dans ce lit d'hôpital, je ne peux que repenser à cette trahison.

     Et les larmes se remettent à couler sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit. Je reste là, sans bouger, à pleurer silencieusement durant je ne sais combien de minutes. Jusqu'à ce qu'une fois de plus, j'entende toquer à la porte. Je sèche rapidement les petites gouttes sur mon visage, essayant d'afficher une expression neutre, pensant qu'il s'agissait encore d'une personne du corps médical.

     « Entrez. »

     Ma voix a bien plus tremblé que ce que je voulais. Tant pis. Je vois la porte s'ouvrir sur une tête blonde, un visage que je ne connais pas vraiment. Pas du tout, même, mais qui me parait étrangement familier. En voyant qu'il ne porte pas d'uniforme médical, je me suis intuitivement dit qu'il s'agissait sûrement de la personne qui m'a évité la mort. Je n'ose pas le regarder alors je tourne le visage vers la fenêtre, me pinçant les lèvres.

    Alors c'est toi... je pense.

We took a ChonceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant