Chapitre 1

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Chacun de mes pas résonne dans le couloir vide. J'ai l'impression d'être seul et ça m'aide sûrement à respirer, à me sentir normale. Et pourtant à chacun de ces pas je me répète que je ne mérite pas une seconde chance. Je n'en méritais même pas une seule. Je ne mérite pas d'être dans la normalité, ni dans la moyenne. Je dois être hors du classement, s'il y en a un. Mon nom devrait être tant noirci qu'il ne devrait plus se voir.

Je m'en veux tant que je le noircirais bien moi-même ce prénom, je le détruirais jusqu'à ne plus pouvoir le prononcer. Je voyais déjà dans mon esprit la liste des prénoms des élèves de chaque classe, et puis le mien à côté, barré, rayé, hachuré, coupé, tâché, écrit au feutre noir indélébile de sorte que les milliers d'élèves qui ont essayé de l'effacer n'ont réussi qu'à froisser la feuille sur laquelle il était écrit, jusqu'à la déchirer.

J'imagine les petits bouts de papier tomber lentement parterre, mon prénom définitivement écrit dessus. Je me vois me dire que je suis toujours là et que ce prénom aussi. Je me vois éclater en sanglots et ça je le vois très bien, à force de pleurer dans ma vraie vie. Je me vois rassembler les morceaux avant de les éparpiller, effrayée par ce que j'étais sur le point de faire. Je me vois m'écrouler puis les autres élèves disparaître autour de moi me retrouvant seule devant mon malheur. Je ne peux m'en prendre qu'à moi-même.

Mais je ne me suis pas écroulée et je ne me suis pas relevée pour autant. Je suis peut-être en lévitation au-dessus des autres.

Je reviens doucement à la réalité, fatiguée de vivre dans mon autre monde. Je regarde autour de moi comme venant d'atterrir sur une autre planète. Il y a une fille au bout du couloir qui agite ses mains devant le nez d'une autre fille qui a l'air plus timide. Tout en agitant ses mains elle lui crie dessus, sans vraiment de raisons si j'en crois l'expression du visage de l'autre fille.

La fille en question, celle qui crie, est blonde, grande mais pas trop et tout simplement belle, mais pas belle gentiment, elle a la beauté d'une méchante princesse qui jalouse toutes les autres. Je la regarde d'un air amusé, adossée au mur, me demandant s'il était raisonnable d'intervenir. Il y a un an je serais intervenu, mais maintenant, je n'en vois plus aucune utilité. Je ne pouvais rien pour l'autre fille, elle est une simple victime de princesse jalouse.

Après un long soupir je décide de regarder ailleurs. Je me tourne vers l'autre côté du couloir souriant de temps en temps aux autres élèves passant devant moi en espérant qu'un deux s'arrêtera pour me dire « Eh, toi ! Tu es nouvelle ? Viens, je vais te faire visiter ! », mais non, pas un seul élève ne m'a regardé pour l'instant.

Deux solutions s'offrent à moi : soit je vais voir quelqu'un pour lui demander où je dois aller, soit je reste là comme une conne en attendant que quelqu'un vienne m'aider. Et pour l'instant je pratique la deuxième solution avec perfection mais sans résultat. Un groupe d'élèves se trouve non loin de moi, la bonne idée serait de leur parler et pourtant j'ai pris mon temps avant de venir vers eux.

-Excusez-moi, je suis nouvelle et je cherche là on doit aller.

Pas plus conne comme question, j'ai l'air d'une paumée.

-T'es en seconde, première ou terminale ? me demanda l'une des filles.

-Terminale.

-Continue tout droit et passe par la grande porte, c'est derrière.

On aurait dit qu'elle montrait un itinéraire à une touriste, ce qui au fond, n'est pas totalement faux.

Je continue à marcher tout droit, comptant bêtement mes pas, jusqu'à arriver à la grande porte. Effectivement, derrière un tas de terminales rassemblés en petit groupe attendent qu'on les appellent par classe. Heureusement rien n'a commencé, ils ont juste présenté les professeurs principaux des différentes classes.

Au bord du gouffre [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant