Chapitre 3

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Je ne crois pas aimer la fille bizarre

Mais je continue à lui raconter mes histoires

Seul devant le miroir

Ces quelques mots écrits au derrière de mon miroir avaient été formés par mon stylo quand ce fameux miroir était tombé. Ce jour-là j'avais mis ma chambre en dessus dessous. Je ne me rappelle pas d'avoir fait tomber ce miroir mais il était quand même au sol. Un stylo avait roulé dessus comme pour m'appeler et j'ai écrit ce que je ressentais, ce que j'ai toujours ressenti quand je me retrouvais seul.

Mon doigt parcourut la suite, reconnaissant mon écriture fine et appliquée :

Me parlant dans le noir

Toujours seul, sans source d'espoir

Écoutant ma voix folle raisonner dans le couloir

Je lâchai une larme, juste une toute petite et une seule. Plus rien ne devrait me faire pleurer, mais je pleure quand même parce que je suis humaine et que tous les humains pleurent.

Je repose le miroir devant moi et me regarde. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? La fille de l'autre côté du miroir ne répondit pas. Elle ne répondait pas parce que cette fille c'est moi et que je n'ai pas la réponse à cette question. Je n'ai pas de réponse non plus à « pourquoi j'ai fait ce malheur ? », ni à « Pourquoi suis-je ainsi ? ». Je commence à penser que ces questions n'ont pas de réponse, juste des suppositions hasardées de temps en temps.

Je continuais à me regarder, comme si j'attendais que quelque chose se passe. Mes yeux noisette me fixaient, me détaillant de haut en bas. Mon regard se déposa sur mes lèvres ni fine ni pulpeuse, puis sur mon petit nez. Il poursuit sa course en descendant le long de mes longs cheveux châtains avant de remonter vers une de mes mains qui repoussait une de mes mèches d'un geste fluide, du bout de mes doigts fins. J'avais un joli sourire mais je ne le montrais presque jamais, ma mère me répète toujours que c'est un vrai gâchis. Alors je me permis de sourire pour toutes les fois où j'aurais dû le faire.

Au moment où je souris, tout autour de moi s'éclaira comme une lumière venant de nulle part. Je me sentis presque bien à ce moment. Mes yeux s'illuminèrent, perçant l'ombre de mon visage. Pour la première fois je me rendis compte à quel point je paraissais belle quand je me mettais à sourire, d'habitude je ne me trouve pas attirante plus parce que je ressemble à une gamine battue tout droit sortie d'un asile qui ne ressent que la tristesse et la rage que parce que je n'ai pas le physique pour l'être.

-Alice ! Amène-moi ce miroir ! m'appela ma mère, allez ma puce, je te garantis que si on détruit tes mauvais souvenirs, tu ne penseras plus au passé puisque tous les éléments du passé seront partis à la poubelle.

Ma mère a toujours été persuadée de pouvoir changer les choses tout le temps. C'est sa plus grande qualité et son pire défaut. Aujourd'hui je ne sais pas si c'est une qualité ou un défaut, mais j'ai accepté de l'écouter et d'exécuter les ordres qu'elle me donnait pour pouvoir « commencer ma nouvelle vie ».

Je pris le miroir et l'amène à ma mère.

-Alors ma chérie, quel mauvais souvenir dégage ce miroir ? Me demanda-t-elle.

-Ce miroir me rappelle quand j'étais triste, il me rappelle les longues semaines que j'ai passées à pleurer, il me rappelle que je suis un monstre.

-Très bien ma puce ! Détruit ce mauvais souvenir !

Et elle me tendait le marteau que je pris sans hésiter. Pendant quelques secondes je ne fis que m'observer sans rien dire me demandant si ce que je m'apprête à faire allait changer quelque chose à ma vie. La réponse ne pouvait se trouver que si j'essayais. Je me décide donc à le détruire malgré que ce ne soit pas trop mon truc de me défouler sur des objets.

Non, je ne vais pas le faire pour essayer, je vais le faire pour me venger de ce miroir que je déteste tant, pensai-je. J'ai toujours détesté ce miroir, il me rappelle tout le malheur qu'on m'a fait, toutes les larmes que j'ai dû pleurer, toutes les séquelles que ce malheur m'a laissé. Je le déteste, me répétai-je, je le déteste Je sentis la rage monter en moi, nourrissant mon désir de vengeance. Je déteste ce miroir, je le hais !

De toutes mes forces j'entraîne le marteau vers la surface du miroir qui se brise sous le choc. Je remonte mon bras et recommence ce geste. Ce coup-ci explose le miroir en mille morceaux, laissant les plus petits bouts se glisser sous les meubles. Et je recommence jusqu'à que ce miroir ne devienne plus qu'un tas de poussières. Il ne restait plus rien de ce miroir et les morceaux de mon bonheur qui était prisonnier dans ce maudit reflet s'envolèrent pour frapper mon visage.

-Tu es belle quand tu souris, affirma ma mère.

-Je sais, répondis-je sans m'en rendre compte.

Et je continuais bêtement à sourire de ma vengeance.

Et je continuais bêtement à sourire de la fin de mon ancienne vie.

C'est à ce moment-là que mon esprit a quitté le train avec lequel il a fait des kilomètres et des kilomètres pour prendre un autre train partant dans le sens inverse : le train de mon nouveau départ.

Celui qui me mène à ma nouvelle vie.

Au bord du gouffre [en pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant