Chapitre 3 : Journal 2

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Depuis la nuit où j'avais aperçu mon dragon, j'étais devenue une enfant très calme. Inatteignable. En effet, je n'avais pas de temps à perdre en punition : il fallait que je trouve un moyen de le revoir et de le suivre. Je n'étais pas de base, une enfant capricieuse ou colérique. Tous les comportements agressifs dont j'avais fait preuve jusque-là, relevaient plus de l'auto combustion. J'étais une boule d'énergie qui se consumais en rage, car il n'y avais pas de but, pas de direction qui semblais exister. Puis, il y avais eu les dragons. Et il y avais enfin un but.

Je me suis donc mise à chercher des informations, épluchant discrètement la bibliothèque familiale, et empruntant encore plus discrètement les livres de classe de mes ainés. Je me faisais discrète, car les adultes m'auraient empêché de poursuivre mes recherches, argumentant qu'une femme, et encore plus une petite fille, n'avait pas à savoir ce genre de chose. Elle devait seulement se concentrer sur ses relations et son futur mari.

Mais un jour, un miracle eut lieu.

Un homme est arrivé devant notre château. Il venait d'une école de magie prestigieuse, celle où tous ceux de ma famille qui n'avaient pas reçu des formations à domicile étaient allés. Cette école se trouvait en manque d'effectif et proposait, pour grossir ses rangs, aux familles prestigieuses de ses anciens élèves, d'envoyer au moins une de leur fille étudier là-bas. Bien entendu, l'école ne précisait pas qu'elle se trouvait en manque d'effectif au point de demander aux grandes familles d'envoyer leurs filles. Les arguments majeurs étaient que leur enfant allait pouvoir se créer un réseau là-bas, et faire la connaissance de jeunes hommes bien comme il faut pour leur futur mariage.

Le plan a séduit mon père. En effet, il pouvait envoyer son insupportable fille en pension, loin de lui et de ses fils chéris. De plus sa fille pourrait, en suivant ses très avisés conseils, lui créer des relations de marbre et de satin. Mais l'argument suprême fut celui du mari : pouvoir immerger totalement sa fille dans le gratin des sorciers sangs purs et, une fois les sept années finies, la marier immédiatement avec un homme de très bonne renommée !

Bref, l'émissaire est reparti tout content, et mon père m'a fait tailler de somptueuses robes pour « ne pas faire mendiante ». Mais pour moi, le plus important dans cette proposition était qu'elle me donnait un argument massue pour pouvoir faire mes recherches au grand jour, et même une certaine légitimité pour certaines demandes.

J'ai donc pu, en disant à mon père qu'il serait terrible que je ne sache pas certaines choses, car cela me ferait paraitre inférieure à mes « concurrentes », obtenir un accès illimité à la bibliothèque du château, un accès limité à trois heures par jour dans les cachots pour perfectionner mes potions, et un balai. J'avais eu beaucoup de difficulté à obtenir ce dernier, mais il m'était indispensable si je voulais pouvoir suivre mon dragon.

La découverte de ma future école était prévue dans cinq mois, je devais donc rentabiliser au maximum le temps que j'avais. Je me suis donc mise à travailler avec acharnement. Et quand survint le premier soir de pleine lune, j'avais complètement maitrisé mon balai.

Je volais donc au-dessus du château, quand il est passé. J'ai d'abord entendu son chant, puis il est apparu, fendant le ciel. Je me suis dépêchée de le suivre, poussant mon balai à son maximum. Et, alors que j'avais réussi à me trouver à quelques mètres de lui, il a tourné la tête. Nos regards se sont croisés.

Et c'était... Magnifique. Deux énormes yeux émeraude aux pupilles fendues qui semblaient contenir toute la sagesse du monde, et... C'était comme si dieu lui-même m'avait regardée. Je n'ai jamais rien ressenti quand nous allions prier, mais à cet instant, devant ces yeux, j'aurais ... C'étais magnifique. C'était un instant hors du temps, qui a duré une seconde, une heure, je ne savais pas. Puis le temps a repris ses droits, et le dragon a donné un grand coup d'aile, me distançant aisément.

Je l'ai regardé s'éloigner puis, quand il eut disparu, je suis rentrée dans mon château pour noter soigneusement la direction qu'il avait prise, sur une carte que j'avais prise dans la bibliothèque. 

MatsuzoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant