Chapitre 5 : Journal 3

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Cependant, le temps passait très vite, et bientôt je me trouvais exilée dans une calèche me conduisant vers ma future école, loin de mon dragon.

Mais ces années d'étude, même si elles semblaient me séparer pour quelques temps de mon objectif, allaient m'être très utiles dans ma quête.

Je n'avais pas été excessivement surprise par les élèves : la majorité des garçons nous voyaient comme les bonnes petites épouses en devenir qu'ils pourraient avoir, comme de jolies tapisseries n'ayant rien à faire dans l'immense palais qu'était l'école de magie, ou juste comme des fouineuses capricieuses et compliquées.  Je leur étais profondément indifférente. 

Mais les filles avaient elles aussi de graves problèmes de vision, d'ambition, et d'éducation: la plus grande majorité d'entre elle étaient venues ici avec des étoiles dans les yeux, persuadées de trouver ici leur mari parfait, leur prince charmant. Quelques-unes, qui se comptaient sur les doigts d'une main, voulaient sérieusement étudier pour éviter le tragique destin de mouton sacrifié sur l'autel de la réussite familiale, et plus précisément paternelle, qui nous attendait toutes. Cependant, elles se trouvaient freinées par ce qu'on leur avait appris. En effet, il était attendu d'une fille qu'elle ne prenne jamais d'initiative, qu'elle accepte sans broncher tout ce que les hommes, pères, frères, oncles ou encore cousins, lui imposaient. En somme, être une fille se résumait à être un pantin docile.

On nous avait mis ça dans la tête depuis que nous étions en âge de comprendre quelque chose, avec une obstination qui n'égalait que la bêtise de cette condition imposée. Il était donc très difficile pour les quelques filles déterminées à échapper à ce funeste destin, de s'affranchir complètement de l'énorme pression familiale qui pesait sur leurs épaules. Chaque jour, la plupart d'entre nous recevaient des lettres exigeant des comptes rendus détaillés et précis sur les potins de l'école, leur niveau scolaire, ou encore leurs fréquentations.

Ne pas faire honte aux couleurs de ton blason, autant socialement que scolairement.

Heureusement, je m'étais fait apprécier d'une de mes camarades qui était la plus grande commère du palais. Grace à cela je me trouvais donc, une fois par semaine, assise dans un des nombreux salons à entendre les autres parler des derniers potins. Cela me permettait de me créer un réseau solide, et de pouvoir remplir sans difficulté les trois pages de parchemin par semaine que mes parents attendaient.

Je suivais donc les cours avec attention, tout en sélectionnant mes camarades en fonction de ce qu'ils pourraient m'apporter, que ce soit matériel ou relationnel, pour accomplir ma quête : trouver les dragons et entretenir une relation privilégiée avec eux.

Certains, s'ils avaient su la façon dont je les choisissais, auraient crié à l'hypocrisie. Mais... je ne faisais que me donner tous les moyens d'atteindre mon objectif.

De plus, je ne les maltraitais pas. J'étais douce quand il le fallait, aimable quand il le fallait, compréhensive quand il le fallait. Je gardais les secrets, je ne médisais dans le dos de personne. La seule chose qu'ils auraient pu me reprocher, était mon manque de sincérité profond. La profonde indifférence que suscitaient en moi tous ces humains, n'étais connue que de moi-même. 

Et tant que le dissimuler m'apporterai plus d'avantage que de le montrer, cela resterai le cas. 

MatsuzoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant