Chapitre 1-3

16 2 0
                                    




C'est d'une humeur plus exécrable que d'habitude que je poursuis ces vacances de Noël. Et je ne m'épanche pas sur l'état de mon arrière train. Comme mon moral : sur-satisfait pendant, en miette après coup.

J'aimerais en discuter avec quelqu'un, me confier, mais les seuls candidats possibles sur ma courte liste d'amis sont Dean et Marty, et je n'ose pas leur en parler. Leur raconter me ferait trop de mal. C'est trop frais.

Ma mère dépose la dinde sur la table, et comme pour ces derniers réveillons, le coeur n'y est plus. Je regrette ceux de mon enfance. Ils étaient plus modestes mais plus lumineux. Jadis, aucune guirlande ne décorait les murs de notre ancien appartement comme elles décorent aujourd'hui la façade de notre belle grande maison. Cependant, la lumière brillait mieux car elle était dans mon coeur. L'esprit de Noël scintillait alors sans artifice. Je regrette de ne plus être ce petit garçon de 7 ans qui avait comme unique préoccupation le fait de recevoir ou pas le tout dernier skate-board à la mode. Il faut avouer que deux mois auparavant j'avais mérité le charbon en coupant gracieusement les cheveux de ma soeur, car ils me gonflaient à être plus soyeux que les miens.

Je regrette l'insouciance et ses micros tracas qui semblaient pourtant vitaux et existentiels.

Avant minuit, quand je monte me coucher, je fixe, las et triste, notre vieille figurine de Santa Claus placée au-dessus de la cheminée. À sept ans, je lui avais offert un bisou en un voeu-espoir d'obtenir ce tant désiré skate-board que j'ai lâchement abandonné après ma troisième gamelle, pour le ressortir quelques années plus tard, de nouveau motivé. Que voudrais-je lui demander ce soir ? Le point positif est que cette année il a tout de même réalisé mes deux souhaits. Tout d'abord, ma mère, et par conséquence mon père, savent que je suis homosexuel. Même si je n'ai pas encore ouvertement posé le sujet sur le tapis et qu'ils respectent mon silence. Et deuxièmement, j'ai trouvé le fameux Dom désiré. Sauf que je ne suis pas satisfait, bien entendu.

Ce soir, je réalise que ce n'est pas un Dom que je veux, mais un petit copain. Un petit copain qui m'aime, moi, un petit Jin grande gueule qui ne sait pas ce qu'il veut faire de sa vie, qui n'écoute rien, et qui râle trop pour se soumettre. Un Jin qui serait tout de même très inventif et intéressé en matière de "jeux intimes", pseudo faux BDSM. Oui, un petit copain qui m'aime comme je suis.

Sans réfléchir, je dépose un baiser sur son nez en lui réclamant juste un homme qui m'aime, et à aimer.

Et je voudrais tant que ce soit Rease.

Je ne sais pas comment sera ce premier vrai petit ami, si un jour j'en dégotte un, mais vu comme l'autre a placé la barre haut, je doute d'en trouver un un jour.

***

— Jin, crie ma mère pour que j'ouvre un oeil.

Affalé sur le canapé, je digère le second repas gargantuesque des fêtes. Celui du 25.

— Quoi ? marmonné-je en soufflant.

— J'ai emprunté ce dossier au Capitaine Rease, il en a besoin pour un interrogatoire demain. Tu sais où il habite. Va-le-lui rendre, chéri.

— Mais c'est Noël ! râlé-je le coeur battant, ne voulant surtout pas le revoir et encore moins retourner chez lui. Il ne peut pas se reposer deux jours dans sa vie ! V-vous connaissez le droit à la déconnexion ?

— Jin...

— C'est vrai Maman ! Je ne veux pas y aller. T-tu diras ce que tu voudras, tu pourras même me menacer de me retirer de cette formidable école que j'adore où tu m'as inscrit de force, mais je n'irai pas !

— Je veux bien y aller, moi, s'en mêle ma soeur.

Je me lève et arrache le dossier que tenait ma mère entre ses mains.

(Extrait) Le Commandant Rease et ma petite personneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant