Chapitre 2

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Contrairement à d'habitude, je ne retrouve pas ma bonne humeur en janvier. Je ne râle plus, certes, car je suis presque sorti du placard et que j'ai eu la chance de vivre un moment incroyable avec un homme. Mais je reste maussade et las.

Rease me manque. C'est étrange comme sensation, et c'est difficile à admettre car après tout je ne suis resté qu'une demi-journée auprès de lui. Même si dans ce "auprès" il y a plus "près" que "au".

Comment un gars que je n'ai côtoyé qu'une simple demi-journée peut susciter autant de manque et de lassitude en moi ?

Je le sais parfaitement. Si pour lui je n'ai été qu'un coup "sympa", une poupée avec laquelle il a joué un instant infime de sa vie, un jouet dont il ne se souviendra guère longtemps, lui a marqué la mienne. Il n'a pas été "un coup sympa", il a été ma première fois parfaite, et j'en suis bêtement tombé amoureux.

Enfin... je crois que je suis amoureux.

Quand je pense à lui, je suis triste.

Quand je pense aux brefs moments passés ensemble, même lors de son supplice de course à pieds, j'ai envie de pleurer.

Quand je vois un gars qui lui ressemble, au loin, mon coeur s'emballe, ma respiration se bloque, et je suis à deux doigts de défaillir.

Quand je me persuade que "oui, c'est lui", mon énergie grimpe en flèche, comme si on m'avait injecté une surdose d'adrénaline.

Et... quand je réalise que ce n'est pas lui, je redeviens las et maussade.

Oui, je suis clairement amoureux de lui.

Dean et Marty m'ont invité, ou plutôt fait venir de force, à l'une de leurs soirées. Le genre de soirée d'étudiants où l'on boit, où l'on baise, où l'on s'amuse sans se soucier du lendemain ou du qu'en dira t-on. Il m'ont planifié cette rencontre avec ce garçon cool, mignon et très gay qui ne m'a pas lâché de la soirée. Mais quand nous nous sommes rapprochés et qu'il a tenté de m'embrasser, je n'ai pas pu. Au simple mouvement de sa main sur ma taille pour me rapprocher, je me suis contracté. Mon corps l'a rejeté comme s'il s'agissait d'une intrusion sur ma peau, une profanation. Et quand j'ai regardé ses yeux alors qu'il approchait son visage, je ne me suis pas perdu dedans, comme je l'ai fait dans ceux de Rease.

Je suis devenu un cas désespéré.

Cette Saint-Valentin est définitivement pire. Et je me plaignais de la niaiserie de Noël ! Les voir tous s'échanger des lettres, des mots doux, des boîtes de chocolats en forme de coeur est difficile. Surtout quand ces attentions passent simplement sous mes yeux car je n'en suis pas le destinataire et que le Capitaine n'en est pas l'expéditeur. Je voudrais tellement recevoir quelque chose, avec un énorme ruban qui l'entoure.

Je sais que je dois le retirer de mon crâne pour laisser quelqu'un d'autre y entrer, mais j'en suis incapable. Il a possédé mon corps, et maintenant il possède mon coeur. Il m'a soumis à lui. Il m'a lié.

En ce soir du 14 février, je décide de faire comme tous les autres : sortir. Loin du costard galant ou de la chemise bien repassée, j'enfonce un bonnet assorti à mon survêtement et nous traine, moi et mon skate-board, jusqu'à chez lui. Je veux simplement le voir. Je resterai loin. Je veux juste l'apercevoir pour faire vibrer mon être. Et puis... peut-être qu'il me verra, là, caché derrière cet arbre tel un psychopathe, qu'il me sourira et m'accordera un round deux et une seconde chance de réussir à atteindre ses sentiments, le rendre accro, et pourquoi pas, lui donner l'envie de ne plus me quitter.

Je fais le "gay" depuis deux heures. Tout est toujours éteint chez lui. Je me sens ridicule. Si cela se trouve, il est en mission quelque part, ou en voyage, ou au restaurant avec quelqu'un d'autre, et moi, je reste planté là comme un con qui se les gèle, à fumer ma dernière clope, à piétiner sous cet arbre pour tenter de ne pas mourir de froid.

(Extrait) Le Commandant Rease et ma petite personneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant