N°2 - Fais ce que tu veux dans la vie, mais pas de cette façon-là. - Julien.

103 11 3
                                    

« Le mal du monde entier peut s'effondrer sur moi. Il me suffira d'un seul sourire pour le surmonter. Son unique sourire. » - Inconnu.


6h15.

Le réveil sonne à peine, et j'ai déjà la boule au ventre. J'ai peur d'affronter cette journée. Parce que le pire, quand on est nouveau, ce n'est pas la rentrée. C'est après. Quand il faut se fondre à la masse, trouver ses repères, se faire des amis. Je n'avais jamais été très doué pour ça. Mais je me rassurais en me disant que cette année, ce serait la dernière. Après, je partirai à la fac où je me construirai une nouvelle vie.

7h.

Je suis en train de prendre mon petit-déjeuner quand mon père se lève.  Encore un peu endormi, il s'installe en face de moi et boit son café. Mon père, Nicolas Falco, est maçon. Il dirige une petite société créée il y a peu, et ça a l'air de bien fonctionner pour lui. Depuis peu, il s'était mis en tête que je reprendrai la société, après mes études. Ça avait été un sujet de dispute durant tout l'été, parce que je ne voulais pas de cette foutue société de maçonnerie. Ce n'était pas pour moi ça ! Les métiers manuels, j'en avais horreur (en réalité, je n'étais pas doué du tout pour ce genre de choses : mettez-moi un marteau entre les mains et je serai capable de le laisser tomber sur mon petit orteil en à peine quelques secondes). Tout ça pour dire que, actuellement, l'ambiance entre mon géniteur et moi n'était pas des plus joyeuses.

-   Elle te plait, ta nouvelle école ? demanda-t-il d'une voix trainante.

Il essayait d'être agréable avec moi depuis peu, tentant de nous faire oublier la mauvaise passe que nous avions traversé cet été.

-   Elle en avait l'air. Je ne la connais pas encore beaucoup, ça ne fait qu'un jour. Je vous en dirai plus dans les semaines à venir.

Il hocha la tête. C'était lui qui avait désiré que je change d'école pour ma dernière année. Dans mon ancienne école, une rumeur circulait comme quoi il y avait de plus en plus de couples homosexuels. Ça ne lui a pas plu. Du tout. S'il y a bien une chose à savoir à propos de mon père, c'est que, bien qu'il soit un homme tout à fait respectable, qui s'est battu toute sa vie pour pratiquer le métier qu'il voulait faire et arriver au sommet, bien qu'il soit un homme très bon, aimable et aimant, un homme de confiance, bref, pratiquement un homme modèle, il a tout de même un énorme défaut : il est gravement atteint d'homophobie.

J'en parle comme d'une maladie, parce que, selon moi, il n'est pas normal d'être homophobe. Qu'est-ce que ça peut lui faire, que deux mecs s'aiment ? Que deux femmes désirent se marier ? Je n'avais jamais compris d'où lui venait cette haine, car, oui, c'était carrément de la haine, et je ne le comprendrai sans doute jamais.

J'ai englouti le reste de mes céréales avant de quitter la cuisine, soudainement mal à l'aise, et partit en direction de l'école. La routine commençait. Ça me faisait peur.

7h45.

J'arrive à l'école, écouteurs aux oreilles, capuche sur la tête, main dans les poches : comportement typique de l'adolescent blasé. Après une journée de cours, oui. Mais je n'étais pas seulement blasé à cause de l'école. J'étais blasé des chansons commerciales, blasé des films pornos, blasé de la faim dans le monde, blasé de la guerre en Syrie, blasé des attentats terroristes, blasé de la peur, blasé de la mort. Ou juste blasé de la vie. Le terme me semble plus adéquat.

Je suis à peine entré dans la cour qu'une main m'attrape l'épaule et me happe. Mon ventre se tord, mes jambes tremblent, j'ai soudainement chaud. Des images me reviennent en tête. « Julien la tapette ! ». Leurs cris résonnent dans ma tête, j'ai peur.

Roméo et JulienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant