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Michaëlla

Dans l'effervescence qui m'entoure, le tumulte s'intensifie, chacun s'active frénétiquement, se précipitant ici et là tel un essaim agité. Les maquilleuses, munies de leurs précieux pinceaux, exécutent les dernières retouches avec une précision délicate, passant d'un visage de modèle à un autre dans un ballet rythmé. Les habilleuses, quant à elles, achèvent leurs ajustements en plantant les ultimes épingles avec une minutie experte. Les stylistes, emportés par l'urgence, hurlent des consignes impérieuses, leur voix résonnant dans le chaos, bien que leurs ordres se perdent dans le tumulte.

Le stress du défilé qui est sur le point de commencer est à son comble et la pauvre assistante que je suis en train d'observer ne sait plus où donner de la tête.

Bienvenue dans mon monde.

— Pose-moi cette coupe Micka, tu es la première à passer bon sang, je n'ai aucune envie de te voir trébucher au milieu du podium, râle Peggy, mon agent.
Une vraie mère poule, envahissante et autoritaire, la caricature de la belle-mère de Cendrillon habillée en Prada.

Je souris effrontément et cogne mon verre de champagne à celui des deux autres mannequins avec qui je discute et rigole depuis dix minutes, à l'écart de toute l'agitation ambiante, puis bois une grande gorgée. Les petites bulles pétillent sur ma langue et leur fraîcheur chatouille mes papilles gustatives, j'aime particulièrement cette boisson tout comme mes deux amies de ce soir.

Je n'ai aucune inquiétude, je marche avec des talons de quinze centimètres avec aisance.

Marcher sur un podium avec des talons hauts, c'est comme danser au-dessus des nuages. Les souvenirs de ce tout premier jour où j'ai enfilé mes premiers escarpins demeurent vivaces dans ma mémoire. C'était comme si une nouvelle dimension s'ouvrait devant moi, un univers où la grâce et l'assurance fusionnaient en une symphonie parfaite. Depuis mon enfance, malgré le cadre rural de ma ferme du Minnesota, j'ai toujours été attirée par la mode et le glamour. Le chemin menant au monde du mannequinat a été pavé d'obstacles, mais jamais je n'ai permis à mes rêves de vaciller.

Cependant, marcher avec aisance en talons hauts ne se révèle pas sans efforts. C'est un art qui requiert entraînement et persévérance. Au début, chaque pas était teinté d'incertitude, chaque démarche empreinte de maladresse. Mes pieds souffraient, mais ma détermination demeurait inébranlable, malgré les railleries incessantes de mes quatre frères aînés. Je consacrais des heures entières à m'exercer, à arpenter le sol devant le miroir, à maîtriser l'équilibre de mon corps et à déployer mes pas avec une grâce infinie.

Avec le temps, mes talons sont devenus une extension naturelle de moi-même. Je me suis transformée en une créature gracieuse, capable de marcher sur n'importe quel sol avec une aisance presque irréelle. Les talons m'ont conféré une démarche confiante, une allure qui déclare haut et fort : "Je suis prête à conquérir le monde."

Alors me vautrer sur un podium... Je peux tout à fait faire ce défilé les yeux bandés.

— Tu as prévu quelque chose après ? m'interroge Carrie.

Nos chemins se croisent parfois lors de ces grands événements, mais malheureusement, depuis mes débuts dans ce métier, je n'ai guère le temps de cultiver de véritables amitiés. Les mannequins, les photographes et les autres figures que je croise sont de passage, là un jour et envolés le lendemain, emportés par le tourbillon incessant de nos vies. Mon existence avance à un rythme effréné, et j'apprécie chaque instant, chaque rencontre éphémère.

Je suis consciente que ma carrière a une limite, que je suis un produit de la mode destiné à être consommé puis remplacé. C'est pourquoi je m'efforce de savourer chaque moment qui m'est offert.

The Fashion GameOù les histoires vivent. Découvrez maintenant