Weirdo [Taekook]

La furcula

Jungkook qui avait foncé tête baissée jusque chez lui, était maintenant hésitant devant sa porte.

Taehyung, trop essoufflé pour parler n'avait rien dit durant les dix minutes qu'avait duré la course. Il retrouva toutefois rapidement la parole devant l'immobilité de Jungkook. Pas tant qu'il voulait faire le fier mais le silence le mettait très mal à l'aise.

— Aurais-tu oublié ton code ? fit-il en affichant un air taquin.

Jungkook choisit de ne pas relever. Il dit plutôt, fixant toujours sa porte :

— J' te fais rentrer chez moi, mais... j't'jure, à la moindre de tes répliques à la con, j'te jette dehors !

Son intérieur était modeste, il en était toutefois plutôt fier. Il était hors de question que cet acteur anéantisse le peu qui lui donnait encore envie de rentrer chez lui.

— Promis, je serai un gentil garçon, fit Taehyung, simplement, sans aucune once de sarcasme.

« Sérieux ? Gentil garçon ? Il parle de lui comme ça ? » pensa Jungkook en levant un sourcil incrédule. Il se demanda s'il ne se moquait pas de lui mais, épuisé, renonça à pousser plus loin cet échange.

Ils pénétrèrent dans le petit appartement avec bonheur. Une chaleur douce les accueillit. Jungkook débarrassa Taehyung de son manteau et l'accrocha avec soin à la patère restée vide.

C'était un petit logement d'un immeuble des années 2000. Ni vraiment flambant neuf ni vieillot et plutôt bien entretenu. Au troisième étage, les immeubles voisins faisaient écran au soleil en journée. Mais la pièce principale étant à l'angle de la rue et bénéficiant d'immenses baies vitrées sur deux pans de mur, elle restait très lumineuse. Du moins, en journée. Car à cette heure, c'étaient les lumières artificielles de la ville qui créaient des ombres fantômatiques et dansantes sur le parquet.

Jungkook s'empressa d'allumer des bougies et le lampadaire.

Puis il se retourna vers l'acteur qui restait planté au milieu du salon, une expression indéchiffrable sur le visage.

— Ouai, c'est pas un palace, mais c'est plutôt bien comme appart pour des gens ordinaires. Tu peux pas savoir.

— Si, si. Plus que tu ne te le figures.

Jungkook s'ébroua comme pour faire fuir le malaise. Il était tard, il était fatigué, il s'inquiétait pour son projet, il avait faim.

— Bon, assieds-toi là, dit-il en désignant son petit canapé de cuir noir de deux places, avant d'ajouter : j'ai la dalle. J'vais m'faire des ramens. T'en veux ?

— Oui, s'il te plaît. Ça me réchauffera aussi.

Taehyung s'assit, les pieds serrés, les deux mains sur les genoux. Jungkook aurait presque eu envie de relever la métamorphose de l'acteur ; du type arrogant au jeune homme poli et timide.

Ignorant Jungkook qui s'affairait bruyamment dans le coin cuisine, Taehyung laissa son regard se promener dans la petite pièce à vivre. Tout était propre, bien rangé. Une pile de linge fraichement lavée attendait d'être rangée sur une table basse noire Ikea toute rayée. Dans un angle, une guitare folk tenait compagnie à une télé qui semblait avoir vécu. Le tapis bleu jean avait quelques brûlures de cigarettes. Une platine trônait fièrement près d'un panier débordant de vyniles d'occasion. Enfin, un comptoir avec quatre sièges hauts séparait la kitchenette du reste de la pièce. Il y avait là une petite plante verte et un cadre retourné.

Taehyung commença à se sentir bien. Il avait le sentiment que chaque petite chose, ici, quelque soit sa valeur, était entretenue et traitée avec respect. C'était, pour lui, ce qu'il y avait de plus proche d'un foyer.