Elle me regardait de haut en bas, son visage restait figé, elle savait qu'elle ne pouvait rien dire qui me fasse changer d'avis. Tous ses traits se voyaient considérablement, tout était accentué. La mort de mon père avait provoqué ses plus grosses rides. Les poches sous ses yeux s'étaient creusées au fil de ses pleurs incessant, ce qui lui donnait un teint grisâtre. Ses rides d'amertume s'étaient intensifiées, son sourire n'était plus, il n'y avait que son envers qui existait. Il n'est d'ailleurs jamais réapparu depuis ce soir de déluge.
Elle était toujours habillée correctement, c'était la seule chose qu'elle pouvait essayer de rattraper pour tenir son image. Je maintiens à penser qu'elle essayait au fond de faire certains efforts, du moins j'osais l'espérer. Cela m'était insupportable de savoir qu'elle se laissait aller consciemment. Mais malgré tout, je ne pouvais que constater qu'elle ne prenait plus soin d'elle. Ses cheveux n'avaient plus vu de couleur depuis de longues années maintenant, et avec ce triste mélange elle faisait mal en point, à la limite de la pathologie. Comme si depuis la mort de papa, elle n'avait plus le droit d'être heureuse. Elle s'était condamnée.
Je refusais de vivre dans les mêmes pas qu'elle, nous avions vécu une histoire tragique certes, mais j'avais un moral de battant. Je voulais tout faire pour m'en sortir et essayer de vivre une vie normale. Quitte à certaines fois le refouler, mais pour moi, c'était la meilleure solution pour essayer de m'en sortir. Ce qui m'attriste d'autant plus dans cette situation, c'est que ma mère a complètement abandonné son rôle de parent avec moi. J'avais comme l'impression que depuis sa mort, elle ne pouvait et ne voulait plus m'assumer. Elle s'était désolidarisée de notre relation, et à l'heure actuelle, il ne restait quasi rien de celle-ci. Elle s'était étiolée, il ne restait qu'un fil, aussi fragile qu'un cheveu nous reliant désormais. La plongée cessa d'achever le peu de lien qui nous maintenait l'un à l'autre. On ne communiquait plus, on ne partageait plus rien, il n'y avait plus de tendresse, plus de confiance entre nous. Elle subvenait à mes besoins matériels et physiques, mais ça s'arrêtait là. Nous n'avions plus aucun amour entre nous.
Il n'y a pas un jour où je ne pensais pas à papa, mais je me disais que de là-haut, il aurait aimé que je reste solide et que je vive ma vie. Alors malgré tout cela, grâce à Tobias et à la plongée, je m'élevais du mieux que je le pouvais.
Tout cela, toute cette situation, tout ce contexte, rendaient son regard encore plus dur lors de mes départs. Je n'arrivais pas à savoir si elle me haïssait, ou si elle était juste triste de ne rien pouvoir faire. Triste de ne pas avoir la force de m'empêcher de partir une nouvelle fois.
Je lui lançais un dernier regard d'excuse puis je fermais la porte derrière moi.
Tobias m'attendait devant la maison dans sa voiture, il m'a suffi d'ouvrir sa portière pour retrouver du réconfort et une atmosphère sereine. Nous voilà partis pour un nouveau périple le temps d'un week-end, le temps de décompresser et de changer d'air. J'attendais cet évènement tous les jours.
- "Alors, où allons nous cette fois ?" lui demandais-je.
Tobias me fit un sourire qui voulait dire "surprise". Généralement, nous choisissions nos spots ensemble, mais de temps en temps, on aimait surprendre l'un et l'autre avec de nouvelles choses. Le but était forcément de trouver le meilleur endroit pour plonger, et surtout de repartir avec des souvenirs plein à la tête.
- "J'espère que tu m'emmènes dans un endroit chargé d'histoire.
- Tu ne vas pas être déçu, du moins j'espère que tu ne le seras pas.
- Donne-moi des indices ?
- Bateau, 1985, Levi.
- Alors, bateau, je te suis, je sais encore ce que c'est, 1985 facile aussi, mais Levi ? Qu'est-ce ? Un mot dans une autre langue, une marque, un prénom ?
- Je n'en dirais pas plus. Tu verras."
J'étais perplexe, car j'étais quand même calé dans l'histoire en général, mais ces indices ne m'aidaient pas du tout. Par déduction, il s'agit, je pense d'une épave de bateau datant de 1985, ok sur ce point-là, je ne pense pas faire de fausses routes. Mais ce "Levi" ? Si c'était une personnalité connue, elle ne l'était pas pour moi. Enfin bon, connaissant Tobias, je savais que je pouvais lui faire totalement confiance. Il savait ce que j'aimais et comment m'impressionner.
Ce que j'affectionnais le plus dans la plongée, c'était de découvrir des anciens monuments enfouis dans l'eau, rongés par la mousse, où les êtres marins avaient repris leur droit. J'étais fasciné par le mélange entre les anciennes civilisations, et les nouvelles. Un ancien navire de guerre pouvait servir d'habitation douillette pour tout un banc de poissons.
Une ancienne combinaison de plongée pouvait servir de nid pour une murène. Les objets perdus en mer ne s'usaient pas dans l'eau ou du moins très lentement, et j'étais à chaque fois surpris de cet aspect "seconde vie" qu'ils pouvaient donner et que je pouvais trouver.
Tobias, lui, était plutôt tourné par la flore sous-marine même s'il aimait beaucoup aussi les trésors de l'océan. Mais on s'équilibrait, car généralement, il trouvait les plus beaux spécimens, dans les plus belles épaves. Nous y trouvions toujours notre compte, et cela donnait nos plus belles balades.
On arrivait enfin au lieu annoncé. Le temps de charger nos équipements, de préparer le bateau et notre excursion commença.
Après une petite heure de bateau, Tobias me fait signe de m'arrêter, on y était. Le spot pour plonger était juste sous nos pieds. J'enfilais mon équipement, ma bouteille et mon masque d'une traite. Je sentais mon pouls à travers mon poignet, j'avais une hâte folle de plonger, comme si c'était la première fois que l'eau allait m'accueillir. L'excitation était folle et j'ai eu du mal à me calmer, afin de plonger sereinement.
Je voulais voir ce qui m'attendait, je trépignais d'impatience.
Je me suis mis en position, assis dos à l'océan, et je me sentais comme à chaque fois, tel un petit-enfant qui attendait sa surprise.
La tête en arrière... et j'y étais.
Je sentais enfin la légèreté de l'eau m'entourer, ainsi que sa fraîcheur. Cela me faisait un bien fou.Puis, le voyage démarrait réellement. Je commençais à m'enfoncer petit à petit dans les profondeurs, respectant toujours grandement les paliers malgré mon impatience, jusqu'à atteindre notre destination finale.
Au loin, plus bas, se dessinait une ombre si imposante qu'elle m'a impressionné. J'ai eu un frisson qui m'a parcouru tout le corps, je me tournai vers Tobias qui me fait signe "ok" avec la main.
L'ombre se rapprochait petit à petit, et malgré ce que je pouvais penser elle était toujours aussi grosse, si ce n'est plus.Chaque mètre parcouru me signalait que je n'allais pas vivre quelque chose de commun. Cet endroit était particulier et je le sentais.
Nous sommes devant, le bateau ressemble à une gigantesque ruine, qui donne l'impression que celle-ci va s'effondrer d'un moment à un autre. J'ai comme le pressentiment que des corps gisent encore dans cette épave au vu de la froideur de celle-ci. Elle dégage une atmosphère lugubre qui est loin d'être accueillante. C'est la première fois que je ressentais cela.
Je ne suis pas du tout à l'aise, mais Tobias insiste.
Comme toujours je lui fais une confiance aveugle. Je ravale ma peur, et essaie de contenir mes tremblements. S'il m'a emmené ici, c'est qu'il y a une bonne raison.Nous rentrons par un hublot, croisant un poisson clown s'échappant à toute vitesse, en se faufilant minutieusement à l'intérieur de l'antre aussi sombre que la nuit. L'exploration était enclenchée.
- 2eme chapitre. Cela fait longtemps, les beaux jours reviennent et l'inspiration qui va avec aussi ! Désolée pour les fautes, j'espère que cela vous plaira ! -
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La rencontre de l'océan
General FictionDans cette histoire, nous retrouvons Erwin plongeur depuis maintenant cinq ans avec son meilleur ami. Ils vivent leur passion à tout moment, en allant toujours plus loin dans leur périple. Un jour, Erwin découvre lors de ses plongées, une statut pré...