Charles-Emile

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Nice, 18h43 

Quelque part dans une terrasse au bord de la mer, c'était là où je semblais être. Tout Nice était recouvert d'un halo pâle qui rendait la ville nostalgique, le soleil paraissait se coucher. Mes yeux, plongés dans ce liquide noir où je pouvais facilement deviner mes yeux marqués par l'ennui et la tristesse que me procurait cette vie.

Dans un mois sûrement, un an j'éspere, demain peut-être, je ne serais plus là. Peut-être est-ce la dernière fois que je sentirais le soleil recouvrir mon corps encombrant, sentir cette chaleur agréable ; peut-être est-ce la dernière fois que j'entendais le brouhaha de la ville, ces couleurs autrefois scintillantes. 

Qu'importe, il y a longtemps que ces aspects jadis heureux furent emportés par mes yeux malades. Les couleurs scintillantes devinrent fades, les rires des cris, et les sourires, hypocrites. Je n'avais plus jamais levé les yeux depuis, par peur, peut-être, de retrouver goût à ma vie et, de terreur, sûrement, qu'on me la dérobe. Je préférais m'en dégouter pour éviter de trop la regretter. 

-Charles-Emile ! interpella le serveur, à l'encadré de la porte, un plateau à la main, le teint trop vif, la voix trop joviale, le sourire trop parfait, les yeux trop en vie. On va bientôt fermer, on se revoie demain ? Paul m'a dit qu'il passerait sûrement boire un coup après le match. 

Une journée en moins venait de passer, j'attendais la prochaine.

-Oui, je comptais y aller, dis-je, sans décrocher les yeux de ma tasse, maintenant vide. 

-Tu devrais lever les yeux dit-il avant de disparaitre précipitemment. 

Péniblement, je cherchais du regard autour de moi, des enfants jouaient au ballon à ma gauche, heureux et vifs, ils tombaient lourdement au sol et se relevaient aussitôt, rires aux éclats. Devant, des jeunes, insoucieux, semblaient profiter des dernières minutes du soleil, souriants tendrement au ciel, leurs lunettes de soleil posés sur leur nez, magasine couché sur leur buste. Ils profitaient d'une vie éphémère qui demain peut-être serais condamnée. Un jour ou l'autre, de toutes manière, la mortalité de notre vie nous serait des plus évidentes. J'attendais sagement que la mort vienne à moi, déjà condamné à la fatalité. 

Soudain, une femme, comme toutes les autres, et pourtant, si différente, marchait dans cette ruelle bondée, et pourtant, si vide. Il paraissait n'y avoir qu'elle, et pourtant, il y en avait d'autres, je crois. Le soleil n'était rien comparé aux étincelles de ses yeux. La volupté de ces courbes et la grâce de ces pas m'envoutaient toujours un peu plus. Ces cheveux roux semblaient m'appeler et je m'imaginais les caresser, doux et soyeux, presque câlins et charmeurs. Son sourire était exquis, délicieux, trop sublime. Ses traits étaient fins, et ses épaules nues, à tel point que mes pensées s'imaginaient déjà y déposer les baiser les plus sensibles qu'il soit. 

Avant, je n'étais rien pour le monde et le monde n'était rien pour moi. Maintenant, elle était mon monde et moi, je n'étais toujours rien

Je voulais revivre avec elle, me rapprocher d'elle, et l'inviter à diner d'abord, puis, l'épouser ensuite. C'est ce que mon cœur, urgent, criait à l'ensemble de mon corps. Peut-être serait-ce égoïste qu'elle puisse m'aimer, ce corps qui menace de se décomposer, et pourtant, l'amour était si égoïste que je ne semblais m'y soucier. 

Je me levai de ma chaise, une nouvelle ville s'offrait à mes yeux, et le bruit des trompette teintait la ville d'une atmosphère chaleureusement douce et amoureuse. Je m'approchai d'elle, près à vivre, des pas précipités, un sourire engagé. 

Et pourtant, à peine ces yeux rencontrèrent les miens et qu'elle n'eu le temps de me murmurer son nom "Agathe", mon corps devint lourd et tomba lourdement sur le sol, mais jamais il ne se releva, jamais. Les cloches avaient sonnées, et la mort vint me récupérer, le regret amer en bouche, la vie devint agréable et on me la déroba. Agathe

                                                                                                                                                                        Nice, 19h15. 

                                             

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