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terrible chose que d'être en bois

terrible chose qu'on tue pour moi ce qui aurait dû vivre

Hélas il en est ainsi ; que pour me construire on se dise adieu. Valsons à la chandelle mon ami, et partons de ce lieu cruel, de ce bar, ce taudis. La radio me rejette, les néons me retiennent ; mais je reste sans voix.

J'attends depuis longtemps sur mes deux jambes, assise à une table depuis longtemps incise de plus de prénoms que je ne puisse retenir ; de cœurs gravés et de vulgarités qui auraient fait mes feuilles frémir. J'admire sous la lumière dorée les breuvages renversés et les cris éclatés en plein vol par des "Je t'aime" chuchotés. Des anneaux au doigt, aux oreilles aussi, étincelles dans ma nuit verdie par ton nom, vestiges d'existences anonymes, qui ne sont pas pour moi.

Pas pour ce corps aliéné, immobile sur les tuiles vernies, destiné à servir, à assister aux nuances de l'incendie, à la panique, à l'entrelacé, aux disparus, aux témoins ardents, aux figurants. La flamme trébuche et mon dossier vacille, maître et destructeur de mon enveloppe de verre je soupire de soulagement sur le bûcher de nos au-revoirs.

Enfin je ne te verrai plus sur ce miroir affreusement gris, enfin je te rejoindrai en ce qui est chaud en hiver, je ne puis attendre davantage d'être en cendre. Je t'ai vu disparaître et je serai les arbres, la cigarette et les lunettes posées par hasard. Je serai ta première fumée, ta première branche carbonisée, les premiers cris horrifiés, l'alerte et le pyromane, le sauveur et le traître, l'amant et l'aimant, ton pire et ton meilleur baiser, je te tue, te ressusciterait.

attendOù les histoires vivent. Découvrez maintenant