Nadia

Lettre XIII

Je ne fais que tourner en boucle depuis hier. Je n'ai pas réussi à fermer l'œil de la nuit. Je ne comprends pas son geste. Il n'a jamais été du style à se laisser aller. Il était positif, jamais à se plaindre. Comment une personne avec un tempérament si fort a pu commettre quelque chose d'aussi horrible ?

Plus j'y pense et plus j'ai le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond. Je ne peux pas m'empêcher de penser que sa mort est due à autre chose. Je suis sans doute parano mais mon instinct a toujours été fiable. Ce n'est pas hasard si je vous ai perdu tous les deux en l'espace seulement de trois mois.

Cet après-midi, je me suis pointée chez sa voisine. J'étais obligée de lui poser des questions. Elle m'a confirmé à nouveau qu'il était très peu chez lui dernièrement et qu'elle ne le croisait pratiquement jamais. Je ne sais pas pour toi, mais quelqu'un qui est censé sombrer dans la dépression et se morfondre chez lui ne s'amuse pas à sortir autant. Ce n'est pas crédible.

Elle a aussi remarqué qu'une voiture noire blindée avait apparu dans leur rue. Elle me dit qu'elle ne l'avait jamais vu avant. Je suis désolée mais il ne faut pas être Einstein pour se rendre compte qu'il y a quelque chose qui cloche dans cette histoire.

Je n'arrête pas de me demander où il a bien pu aller ces derniers jours. Ce qu'il faisait. Peut-être qu'il a eu des problèmes avec un client et que ça a mal tourné. Ce ne serait pas la première fois tu me diras. Quoique j'en sais rien... Cédric a toujours été professionnel, ça m'étonnerait que la situation ait dégénéré.

Je pense que je vais partager mes doutes à Camille. On est censé se retrouver en ville ce soir pour dîner. J'espère qu'elle ne va pas me prendre pour une folle. Je n'ai pas envie de la faire flipper avec tout ça mais je ne peux pas le garder pour moi. Dans tous les cas, si Cédric ne s'est pas donné la mort, ça veut dire qu'il y a un coupable quelque part qu'il faut retrouver.

Tu vas me dire que je ne pense encore qu'à ma gueule mais le fait que Cédric soit mort sans m'avoir dit la vérité vis-à-vis de toi me travaille énormément. C'est frustrant de sentir tenue à l'écart sans comprendre pourquoi. Ça me donne juste l'impression qu'il se passe des choses graves, très graves même.

Il va d'ailleurs falloir que je dise la vérité à Geneviève. Elle m'a accueillie les bras ouverts, je lui dois d'être honnête. J'espère simplement que ça ne changera en rien la manière dont elle me voit. Je sais qu'elle n 'est pas du style à juger mais j'ai peur qu'elle trouve tout ça trop dangereux et qu'elle finisse par me virer de chez elle.

Bon, je te laisse, il faut que je me prépare avant de rejoindre Camille. Je n'ai pas envie d'être en retard. Je t'embrasse fort en tout cas.