Chapitre 7

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Les semaines passèrent plus vite que les jours. Bien que Yakushi et Ulquiorra ne s'ennuyaient pas une seule seconde, ils s'étonnaient parfois de pouvoir se reposer un moment l'après-midi, juste avant le réveil d'Akihiko de sa sieste. Yakushi était heureuse d'être la témoin privilégiée des progrès d'Ulquiorra et d'Akihiko, qui évoluaient ensemble et à leur propre rythme.

Ulquiorra savait lire et écrire, et l'ancien Arrancar s'était immédiatement aperçu du bonheur et de la liberté de ces activités, qu'étaient les passions de Yakushi. Quant à Akihiko, cet enfant était le bébé le plus calme que la guérisseuse ne se serait jamais permise de rêver. Le nouveau-né s'éveillait (par la motricité), il réagissait à son prénom, il gazouillait (grâce à l'intention et aux paroles de Yakushi), il se retournait, il puisait dans ses forces pour marcher à quatre pattes, il s'asseyait... Le nourrisson était l'un de ces enfants les plus agréables à vivre, car son caractère était joyeux. Tel qu'Ulquiorra se l'était imaginé, le petit garçon était destiné à être un petit garçon brillant.

Yakushi s'occupait d'Akihiko comme s'il était son fils biologique, et le gardait ainsi souvent près d'elle grâce à une écharpe de portage. L'enfant mangeait bien, son rythme de sommeil était également parfait, au plus grand bonheur de Yakushi et d'Ulquiorra, dont le repos était une condition primordiale pour commencer la journée sous les meilleurs auspices. Le bébé était aussi rarement malade : du moins, il ne se plaignait jamais. Yakushi portait un amour inconditionnel à ce nouveau-né, et Ulquiorra devenait apaisé grâce aux gestes maternels de la guérisseuse.

L'ancien Arrancar ne s'occupait pas autant qu'il le voulait du nourrisson, mais seulement par peur de l'effrayer. Pourtant, Akihiko se dirigeait souvent vers lui lorsqu'Ulquiorra était assis en tailleur, et le petit garçon s'était également souvent endormi dans ses bras.

-         « Moi aussi je t'aime. Tu es un fils très sage. ». Yakushi s'était dévoilée dans ce rôle de mère. Elle exprimait librement ses émotions, ses ressentis et ses sentiments face à ce petit être qui semblait comprendre tout cet amour, et qui lui communiquait sa joie par des sourires.

« Je t'aime. ». Ulquiorra tenta de ne laisser paraître aucune réaction sur son visage, mais il sentit malgré lui son sourcil droit se hausser et un sourire discret naître du coin des lèvres. Il se sentait encore... Embarrassé, gêné, timide ? L'ancien Arrancar ne savait pas encore expliquer les sensations de son cœur, de son esprit et de son corps, mais était néanmoins heureux et fier que son vocabulaire s'enrichisse au fil des leçons et des expériences.

Yakushi finit de changer Akihiko pour l'habiller d'un pyjama chaud et confortable, l'embrassa sur les deux joues, l'enfant rit et saisit doucement la joue de sa maman. Elle lui souhaita une bonne nuit, le plaça délicatement dans le porte-bébé, et les mouvements naturels de la guérisseuse permirent au bébé de s'endormir comme toujours rapidement, même dans le bruit et la luminosité. Ulquiorra bénit intérieurement Yakushi pour cette idée de génie.

Ulquiorra écrivait. Souvent pour lui. Tout le temps pour Yakushi, alors que l'ancien Arrancar n'osait jamais lui partager ses états d'âmes. Il craignait de la déranger et pire : de paraître ridicule, qu'elle se moque et que la confiance autour de laquelle s'était formée leur relation change et disparaisse. Or, la guérisseuse était une femme... Philanthrope, tolérante, douce, gentille : les adjectifs ne manquaient plus à Ulquiorra pour la décrire.

-         « Un bol de nouilles au poulet te convient-il pour le dîner de ce soir ? », demanda Yakushi en inspectant les placards. Elle cuisinait un jour sur deux, et cet accord arrangea ce soir-là Ulquiorra qui finissait d'apprendre une leçon.

L'horloge sonna vingt heures, et la guérisseuse et l'ancien Arrancar se dévisagèrent avec un regard complice, puisqu'ils savaient que cette situation ne se serait pas produite quelques semaines auparavant. Parce que Yakushi et Ulquiorra étaient des personnes qui suivaient originellement un rythme plutôt traditionnel (petit-déjeuner à 8 heures, déjeuner à 12h, dîner à 19h...), et le fait de vivre un quotidien actif leur permettaient d'appréhender la journée avec un point de vue plus moderne et adapté notamment à leur âge. Yakushi prépara les pâtes en moins de 10 minutes, et servit des portions généreuses. 

-         « Je te remercie pour ce repas, et te souhaite donc un bon appétit. », déclara Ulquiorra en saisissant ses baguettes, et en goûtant une bouchée... Délicieuse. Même si ce résultat n'était finalement pas si surprenant que celui-ci ne pouvait paraître (car Yakushi cuisinait merveilleusement bien), l'ancien Arrancar tenta de dissimuler son embarras.

Il s'était plongé dans un projet révolutionnaire : l'écriture d'un poème. Son cœur était impatient de le présenter à Yakushi, tandis que sa raison lui hurlait de se préserver du ridicule. Tant pis, le petit papier était déjà dissimulé parmi les affaires présentes dans la petite sacoche de Yakushi.

« Le fait d'avoir un cœur, engendre l'envie. Le fait d'avoir un cœur, engendre la gourmandise. Le fait d'avoir un cœur, engendre l'avarice. Le fait d'avoir un cœur, engendre l'orgueil. Le fait d'avoir un cœur, engendre la paresse. Le fait d'avoir un cœur, engendre la colère. Le fait d'avoir un cœur, engendre mon désir pour tout ce que tu es. ».

Ulquiorra aimait Yakushi « d'une façon que c'est pas possible de le dire ». L'amour. L'ancien Arrancar était tombé amoureux de la guérisseuse lorsqu'elle s'était dévouée à lui révéler une définition... à l'image de cette femme sincère et généreuse dans ses paroles et dans ses gestes :

« L'amour ? Je pense que ce sentiment ne s'exprime pas fatalement par des démonstrations d'affection. De mon point de vue, des intentions en apparence banales représentent la véritable attention : Es-tu bien rentré ? T'es-tu bien reposé pendant la nuit ? Comment te sens-tu ce matin ? Comment puis-je t'accompagner pour égayer ta journée ?... Pour moi, l'amour ne se lit et ne se déchiffre que dans les actes. ».

Lorsque Yakushi s'était tue, elle s'était tournée vers Ulquiorra, entre pudeur et force. Ils étaient assis un soir sur la terrasse pour lever leurs yeux vers un ciel magnifiquement clair. Enroulés dans des plaids épais, accompagnés d'une tasse de thé bien chaud, la guérisseuse expliquait les formes des constellations.

Cependant, Yakushi grelottait, et pour la première fois de son existence, Ulquiorra ne réfléchit pas aux conséquences de sa décision plutôt surprenante : il se leva, ôta la couverture de ses épaules et la déposa doucement sur les épaules grelottantes de Yakushi. Toutefois, les paumes de ses mains restèrent mystérieusement posées sur les omoplates de la guérisseuse. L'ancien Arrancar se tenait prêt à jurer que ce moment n'appartenait pas à cette dimension, mais ces pensées furent subitement balayées par les doigts fins de Yakushi effleurant lentement ceux d'Ulquiorra.

Yakushi et Ulquiorra étaient tombés amoureux.

Les paupières d'Ulquiorra ne s'étaient pas fermées cette nuit-là. Parce qu'il se sentait... Considéré, respecté... Non. Il était simplement vivant, et aimé.

Ulquiorra SchifferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant