Chapitre 4

80 11 4
                                    

Les rayons chauds du soleil radieux envahissaient un jardin qu'Ulquiorra ne put s'empêcher d'apprécier l'immensité et la verdure. Bien que le parc était clôturé par de longs et hauts murs en béton gris, Ulquiorra remarqua immédiatement les nombreux arbres, les différentes compositions de buissons et de fleurs, les multiples petites dalles en pierre, un gravier impeccable, un gazon entretenu et surtout le sozu aussi agréable et apaisant pour Yakushi qu'agaçant et énervant pour Ulquiorra.

Yakushi s'assit sur la terrasse en bois, et même si elle croqua à pleines dents une deuxième bouchée, Ulquiorra s'aperçut qu'elle mâchait longuement les aliments, avant de les avaler. De plus, elle levait aussi souvent la tête vers le ciel, en fermant les paupières devant la luminosité éclatante du soleil. Ulquiorra se doutait également que la place à l'ombre près d'elle n'était en rien un hasard, car Yakushi semblait être une femme réfléchissant à chaque détail lors d'une stratégie ou d'une tactique.

- « Quel temps magnifique n'est-ce pas ? Nous sommes chanceux de profiter de si belles journées depuis la fin de la guerre. Comme si la météo souhaitait que chacun profite de l'extérieur des parties communes et de ses quartiers privés pour se ressourcer. ». Yakushi pouvait facilement reconnaître que l'état de son moral était directement lié au beau temps ou aux jours plus sombres.

Ulquiorra ne l'écoutait que d'une oreille, notamment parce que Yakushi s'autorisa à remonter les manches de son Haori et laissa ainsi apparaître ses bras à la fois fins et musclés, mais aussi taillés par plusieurs cicatrices toutes aussi moches, longues et profondes les unes que les autres. Ulquiorra ignorait encore que son regard fixe pourrait être interprété comme de la curiosité mal placée, et il continua donc d'être attiré par ses plaies, comme tout ce qui était en réalité interdit.

Yakushi savait que ces entailles devenaient rapidement le centre d'attention des rares personnes auxquelles elle se sentait obligée de les révéler, alors que ses interlocuteurs ne pouvaient malheureusement pas détourner ses yeux de ces balafres aussi fascinantes qu'immondes.

Cependant, Yakushi ne s'était aucunement préparé à la réaction d'Ulquiorra qui approcha ses doigts vers ces stigmates du passé qui... Lorsque la pulpe de son index entra en contact avec la peau douce de Yakushi, il sentit soudainement une décharge électrique (pas désagréable) lui parcourir l'entièreté de son corps, tandis que Yakushi frissonna de tout son être.

- « Un homme est-il l'immonde coupable de ces marques ? ». Ulquiorra était un combattant, mais il respectait néanmoins un principe qu'il considérait comme inviolable : celui de ne pas toucher aux femmes. Ni dans leur chair, et encore moins dans leur fierté et leur honneur.

- « En partie. Je pense que le temps est venu de te révéler la raison pour laquelle tu es encore en vie aujourd'hui. », répondit Yakushi avec un regard froid et sévère. Quant à Ulquiorra, il sentit pour la première fois de son existence ses muscles se tendre au niveau de sa nuque. « Je possède une dette envers la Capitaine Unohana. », révéla-t-elle en buvant une grande gorgée d'eau fraîche. Ulquiorra ne pipa mot, sentant que le pire était à venir. « Avant de rendre mon dernier souffle, je devais sauver une personne... Comme elle avec moi. ». Yakushi releva ses yeux vers Ulquiorra, avec une expression à la fois fatiguée et révélatrice des fardeaux qu'elle portait depuis des années. « Elle est directement venue me chercher dans la maison de mes... Parents. La Capitaine était en représentation officielle dans le district où je tentais de survivre. ». Chaque mot que prononçait Yakushi semblait être une épreuve, mais elle releva sa tête, recula ses épaules et laissa ses iris se perdre dans l'horizon. « J'étais une enfant battue Ulquiorra... Toutefois, je ne pouvais plus en ce début de matinée m'empêcher de retenir mes cris pendant que le fouet lacérait ma chair. ». La violence. Les cris, les mécanismes de défense et de survie, le sang... Ulquiorra était un guerrier et il parvenait malgré lui à parfaitement visualiser les blessures causées par la brutalité des hommes. La désolation. Il réussit enfin à définir ce qu'il ressentait à ce moment précis. Cette raison fut pour laquelle il tenta une dernière fois un geste dont il était prêt à assumer les entières conséquences : il appuya d'autant plus sur les blessures de Yakushi, en se sentant... Paradoxalement d'autant plus proche d'elle. En effet, il connaissait... Non. Il ne s'était jamais retrouvé en position de victime, de faiblesse, de désemparement. « La Capitaine Unohana a entendu mes gémissements à travers la porte coulissante, et est de suite intervenue dans le salon. Elle a agrippé mon bras sans un mot, et nous sommes parties aussi vite qu'elle était entrée. ». Yakushi marqua une pause dans son récit, bien qu'elle le racontait avec dignité. Ulquiorra s'interrogeait à propos d'une dizaine de détails, mais il ressentait inexplicablement ce besoin de respecter le courage de Yakushi. « Pour répondre à tes questions silencieuses, je ne garde que de flous souvenirs de cette journée, exceptés mon arrivée dans ce bel endroit dans lequel je me suis toujours sentie en sécurité, les soins prodigués par la Capitaine elle-même et la présentation chaleureuse dans sa division. Je n'oublierai jamais sa main tendue où elle tenait un bol de riz gluant. J'étais affamée, et elle m'a permis de déguster deux, trois bouchées en finissant par me demander de respecter deux obligations de ma nouvelle vie : m'engager dans deux cursus simultanés qu'étaient le monde médical et l'apprentissage scrupuleux du combat. », expliqua-t-elle en montrant la grande besace blanche qu'elle portait sur son dos, et son sabre qui était accroché à sa ceinture. Ulquiorra commençait à rassembler les pièces du puzzle. Il comprenait maintenant les deux attitudes paradoxales de Yakushi : celles d'être aussi méfiante qu'empathique. Parce qu'elle était diplômée de deux formations aussi puissantes qu'admirées. « L'apprentissage du Capitaine Unohana était concentré sur l'accueil des blessés, la définition des blessures, la préparation aux soins, l'application de crèmes et de pansements, le suivi des évolutions ou des rechutes, la convalescence et la rééducation. Quant à la formation du Capitaine Kenpachi, celle-ci était tournée vers l'affirmation, la confiance et l'estime de soi, vers l'attaque mais surtout vers la défense et l'anticipation des coups. Je suis reconnaissante de leur engagement, et ils seront toujours une source d'inspiration et de vie. ». Yakushi inspira une importante bouffée d'air pour signifier qu'elle était encore vivante, et termina sur l'un des points les plus importants : « Ma seconde et mon ultime promesse était que je possédais ce pouvoir de sauver une vie. », dévoila-t-elle en se tournant vers Ulquiorra avec un sourire discret du coin des lèvres. L'ancien Arrancar ressentit une sensation étrange au niveau de sa poitrine. Le cœur... Qui semble rater un battement, puisqu'Ulquiorra était concerné. « J'ai choisi la tienne. Inexplicablement. J'assume également le fait que ma décision n'était peut-être pas rationnelle, car je sais que celle-ci provenait tout simplement du cœur. Certainement de l'instinct et de l'intuition aussi. ». Heureusement qu'Ulquiorra était assis, car il savait que ses jambes auraient pu se dérober sous le coup du choc. « Tu connais à présent toute mon histoire Ulquiorra. », conclut Yakushi en se tournant vers Ulquiorra, qui savait dorénavant qu'il devait se confier à elle pour tisser un lien de confiance.

Ulquiorra SchifferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant