《 Côtoyer les cieux 》

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Le tissu de soie, brodé d'une infinie délicatesse, cachait la silhouette féminine du mage. Sous cette robe de neige, pesait une armure lourde, faite d'opaline, le minerai le plus résistant de tous, appelé de la sorte pour sa ressemblance à l'opale, sur les épaules d'une femme, pour le moins mature, qui fixa aussitôt qu'elle s'était retournée, les trois prétendant. Le silence accablait de longues secondes les cœurs des enfants, car une telle présence n'était pas semi-divine que par son rang, mais aussi par sa prestance, son aura. L'ancienne dégageait une sagesse insondable, et chacune des rides qui ruisselaient sur son visage, était une histoire, une bataille, de fer ou de plume, un courant, du long fleuve de son interminable vie. Ses yeux mi-clos, ses cils plutôt épais, mais surtout sa grande capuche, empêchaient quiconque d'apercevoir ses pupilles obscures, bien qu'elle leur ordonna: "relevez-vous." Continuant de les analyser de la tête aux pieds.

Bien, suivez-moi, tous les trois. Merci de les avoir accompagnés, soldats de Garance. Il me semble, que ces enfants sauront accomplir leur devoir envers l'empereur.


Elle partit alors vers la droite, la fameuse chambre de verre. L'endroit était gigantesque, et rien que pour y aller, de longues minutes silencieuses, à traverser les couloirs, et admirer tous les somptueux décors qui embellissaient le palace, s'écoulèrent inlassablement, malgré le rythme rapide de la marche du quatuor. Aucun d'eux n'osait briser le calme qui régnait en maître dans les lieux, seuls les bruits de pas, légers, discrets, presque timides, mais toujours réguliers se faisaient entendre.

Enfin, ils arrivèrent à des grands escaliers au centre de l'observatoire. Milio remarqua d'ailleurs que les érudits et les lettrés, qui les avaient salué toute à l'heure, leur souriaient toujours, les voyant passer. Grâce à cela, les trois purent comprendre où ils se faisaient amener: au plus haut point des environs, le sommet, le dôme stellaire. Située au sommet de l'observatoire de Fyrialis, cette pièce porte son nom, car elle est presque exclusivement faite de verres multicolores capable de s'agencer selon le bon vouloir des Fyrrh. Cette salle de banquet est la plus prestigieuse de tout l'empire, mais en ce jour, de simples chevaliers d'argent pourront y entrer, car, d'après la Mage, c'est là qu'elle pourrait le mieux les évaluer, et puis, ces enfants devaient savoir pour quoi ils se battaient, non ?

Venez, asseyez vous, et appréciez la vue. Une fois cela fait, fermez les yeux.


Nous étions en pleine journée, pourtant, tout était noir dans la salle; les vitres opaques avaient été placées, pourtant, de très fins fils flamboyants qui se fondaient en des faisceaux fumés, allant du gris au violet, en passant par l'or et le bleu; l'on aurait dit un ciel étoilé d'une constellation infinie. Charlie s'eut apparemment trompée, car telle était la véritable raison du nom de cette salle stellaire. Les jeunes avait l'impression d'une vie sublimée, comme s'ils parvenaient au plus haut point de bonheur qu'il pouvaient espérer, béats, épuisés et assis dans des rangs de chaises aux coussins bordeaux trop bien pour eux, ils fermèrent finalement les yeux, comme pour s'endormir sur la vie. "Voici votre récompense, l'éveil." furent les derniers mots qu'ils entendirent.

Après cela, ils décédèrent, ces enfants qui avaient fait la fierté de leur père adoptif d'une seule semaine, ils n'étaient plus. Car la transcendance; le fait de forcer la magie à entrer dans un corps, et lui donner le don de la maîtriser n'était pas comparable à une renaissance, c'était bien plus que ça, bien pire.

Milio, d'abord, sentit une chaleur infernale lui entourait le corps, il se noyait dans un torrent de flammes, sans pouvoir bouger, il avait l'impression de brûler, de fondre, d'être réduit à l'état de cendres, comme le Premier Empereur, lors de ses épreuves; l'épreuve d'Ikhyl. C'était tellement douloureux, et pourtant, le fermier savaient pertinemment que ça ne lui arrivait, comment sa Divine Altesse Hiladh 1er avait-il put supporter cela pendant une semaine ? Finalement, le feu avait arrêté de le carboniser, ou plutôt, il ne le sentait plus, la flamme atteint son cœur, elle réchauffait tout son corps du don Brasier Éternel, le créateur, le destructeur et le protecteur de toutes choses.

Imshy, lui, se sentit aspergé d'eau, puis, un vent glacial le balafra de toutes parts, ses cheveux devinrent ensuite boueux, il s'effritait en une terre meuble, mais pourtant propice à la vie, et très vite, tout son corps n'était plus qu'un terreau fertile. La malédiction d'Alaraah. La terre reprend ses droits sur les indignes, et lentement, le noble baron se sent partir, échangeant sa place avec une luxuriante forêt, des petits insectes élisaient domiciles sur lui, et Imshy s'endormait peu à peu, mais quelque chose le réveilla. Il s'agitait sous la terre, ses yeux demeuraient grands ouverts, et là, il aperçu quelques instants la mage, au centre des enfants, attachés à la chaise, elle faisait valser les éléments, dansait avec des écrits et des parchemins, et déchaînait les dieux, mais, avant qu'il ne puisse être remarqué, il fut ramené de force dans son rêve, une simple lumière qui réchauffait son front le maintenait éveillé, et, alors, il abandonna, il abandonna le fait de se laisser faire, de laisser le destin se sceller sur son cœur, alors il dicta sa pensée aussi fort qu'il le pouvait, pourtant, pas un sort ne quittait sa bouche, car un nid s'y était créé, il demeurait entièrement muet: "Je sais que je ne le mérite pas, je sais que je n'ai rien à faire là, que je vous insulte de ma présence, ma Déesse Alaraâh ! Pourtant je crois en vous de tout coeur, si vous pensez réellement que je n'aurais aucune autre utilité, alors je vous donnerai mon corps avec plaisir, mais je vous en prie, usitez moi d'une meilleure manière, faites de moi l'un de vos champion, je promet de devenir digne, je promet de ne plus faire de mal, je promet de protéger, de ne me battre que pour le bien, que pour la vie, la mienne vous appartiendra pour toujours, je le jure !"
De longues secondes s'écoulèrent, et l'espoir disparaissait à mesure que l'esprit d'Imshy se perdait dans le néant, une carapace de pierre le recouvrait maintenant entièrement, pourtant, il n'y avait plus de nid dans son corps.

Charlie, pendant ce temps, subissait les cris, la haine, la rancune de tous les humains, elle avait l'impression d'être perdue, isolée, seule au centre d'une foule incommensurable, qui chantait un discours dysharmonique, à lui en faire perdre la tête. Mais enfin, alors que les larmes s'effaçaient sur ses joues tant la tristesse de la femme était immense, tant elle avait pleuré longtemps, une main, non, de petites griffes se posèrent sur son épaule. C'était un corbeau, son plumage parfait prônait un noir profond, dans lequel, même l'abysse se perdrait, pourtant, ce manteau était beau, et surtout, il mettait en valeur son unique œil qui fixait Charlie. C'était un saphir, il était azur, à l'image d'une perle absolument sphérique, sans aucune imperfection. L'œil vide tomba alors sur le sol, laissant la bête aveugle, pourtant, la duchesse sentit qu'elle devait le ramasser. Alors, entre ses doigts, l'orbe gluant sembla résonner, trembler comme un œuf sur le point d'éclore, et très vite, une galaxie de lumières se dessina à l'intérieur, elle n'avait jamais rien vu de plus beau, le saphir devint plus clair, presque blanc, cyan, et son scintillement clochait comme un grelot de l'Avent, qui sonnait au creux de son oreille, et alors, le brouhaha horrible se transforma, la haine était devenue chaleur, et le monde de cendres qui l'entourait, subit une vague unique, qui apporta la couleur, dont le centre était Charlie. La beauté, tel était le don éthéré que lui avait offert Qrilow, sa déesse, bienveillante, elle était tellement émue de la scène sous ses yeux, qu'elle laissa tomber une larme sur le sol des mortel, la larme atterrit comme une météorite, juste devant la fille, cette larme cristalline prenait alors une forme ronde, et tout le monde se réveilla.

Ils faisaient face à la vieille mage. L'immaculée, elle avait un sourire malsain qui lui montait jusqu'aux yeux alors qu'elle admirait ses "œuvres".

Jamais de ma longue vie je n'assista à un tel rituel, tous les trois... Vous avez un don, et il sera poli jusqu'à votre mort, pour l'Empereur !

Pour l'Empereur ! Les enfants à peine réveillés remarquèrent alors qu'il y avait une dizaine de personnes dans la pièce, combien de temps avaient-ils dormi ? Et toute cette foule s'exclamait, indubitablement fière de ce qu'elle ne comprenait pas.

Pourtant, le trio se sentait étrange, changé, et à bien y voir, il n'y avait pas de joie autour d'eux. Les faces qui les scrutaient affichaient parfois du dégoût, de la terreur, de la malveillance, ou, au mieux, une indifférence froide, une seule, d'ailleurs, les regardait de la sorte, et ses cheveux écarlates étaient ornés de la plus belle broderie de toutes: Le Blason Impérial.

La Douce MésaventureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant