Une raison d'aimer

...bercer un printemps.

            Léonore n'y croyait toujours pas. Cela faisait pourtant bientôt trois jours qu'elle voguait à bord de l'Oceanum Leo. Même si sa peur diminuait d'heure en heure, elle restait présente, alors quand elle fut demandée par le capitaine, elle eut bien peur que les paroles du second n'eussent été que des mirages pour qu'elle guérît plus vite.

            Assise face au bureau du capitaine sur une vieille chaise en bois, elle se tordait les mains en attendant sa sentence. Loin de se douter des incertitudes qui emplissaient la jeune fille, Zack restait silencieux, ignorant comment débuter cette conversation avec la fillette.

            Il finit par prendre une grande inspiration et poser les yeux sur cette dernière qui se tordait toujours les mains. Leurs regards se croisèrent et il se perdit quelques instants dans le vert des prunelles de Léonore oubliant presque qu'ils appartenaient à cette dernière et non à sa chimère.

            Il finit par secouer la tête et ouvrit la bouche, le silence avait bien assez duré.

            « Comment te sens-tu ?

            — Mieux» répondit Léonore, peu sûre d'elle.

            Allait-il lui demander de partir si elle répondait qu'elle allait bien ? Tout du moins aussi bien qu'on puisse aller après s'être fait assommer et saucissonner par un forban, sûrement en manque de sensations fortes.

            « Tant mieux, tant mieux,» marmonna le capitaine avant de se perdre à nouveau dans ses pensées.

            Léonore déglutit et resta silencieuse, attendant le verdict. Zack, loin des craintes de la jeune fille, se perdait de plus en plus dans les abysses de ses souvenirs. Il ne le voulait pas, revivre tout ça était si dur, mais il ne pouvait l'empêcher. Il aurait préféré tout oublier, pour ne plus avoir à ressentir quoi que ce soit, pour ne plus avoir à tant souffrir.

           Il resta si longtemps dans ses pensées et sourd aux appels timides de Léonore que cette dernière finit par se lever et se poster à ses côtés. Elle tapota doucement son épaule mais il n'y réagit pas. Alors qu'elle s'apprêtait à partir pour demander de l'aide auprès du second, elle remarqua un bout de papier qui semblait glisser sous la grande carte du capitaine étalée sur la table.

            Elle se mordilla la lèvre, divisée entre sa curiosité mal placée et sa bonne conscience. Sa main trancha pour elle et attrapa le bout de papier qui s'avéra être une lettre. Ou tout du moins un bout de lettre car de cette dernière sûrement déchirée, il ne restait que quatre mots : "Je te retrouverai Léo".

            Elle fronça les sourcils mais ne put se pencher davantage sur ces mots, car une main se posa durement sur son épaule avant de récupérer sans douceur le papier. Elle sursauta et se retourna pour croiser le regard noir du capitaine.

            « Je suis désolée...Je... Pardon, excusez-moi... Je...

            — Sors d'ici.»

            Son ton froid et sans appel fit frissonner la jeune fille qui partit rapidement, sans un mot. Le poing de Zack se serra sur le bout de papier qui se froissa dans sa main. Son autre poing cogna contre son bureau. Il inspira et expira quelques instants pour faire passer sa colère avant de rouvrir son poing et d'observer la feuille froissée.

            Pourquoi avait-il fallu qu'elle se mette à fouiner ? Pourquoi de tous les papiers sur son bureau c'était celui-ci qu'elle avait lu ? Pourquoi n'avait-il pas détruit ce bout-là aussi de la lettre quand il avait brûlé cette dernière ?