L'aveu

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Mon adaptation de ce passage : https://youtu.be/bKQ9_WdgXZY
Une interprétation comme une autre. Saurez vous retrouver la petite liberté prise par rapport à la vidéo ? (subtile liberté...)
Bonne lecture !
J'oubliais : on se place ici du pdv du Tyler

La collègue de mon père tape ma déposition à trois doigts. Elle me demande de répéter. Je m'exécute. Je sais bien quelle impression je donne. Je maîtrise l'expression de mon visage et celle de ma voix. Je sais maintenir ce ton un peu incertain. Hébété. Fragile. Ma fragilité apparente est une force sur laquelle je peux compter. C'est Laurel qui le dit.

Je fixe mon attention sur les doigts de la policière. Ritchie Santiago, c'est son nom. Trois doigts malhabiles, non vraiment ce n'est pas rapide. Je sens pointer une irritation. Je la refoule. Mon masque ne tombera pas. Il tombe quand je le souhaite. Je le souhaite quand Laurel le souhaite. Quand Laurel ne souhaite rien, je ne souhaite rien non plus.

Avant elle et puis au tout début j'étais différent. Je me souviens vaguement d'avoir eu un intérêt pour le monde extérieur. D'avoir eu mal, d'avoir été en colère, d'avoir ressenti de la tristesse et de la compassion. De la peur, au point de vouloir fuir.

Ces mots sont vides de sens.

Non, je dois rectifier.

Je les sens qui luttent en moi-même. C'est comme un combat perpétuel, entre orage, soleil et blanc neutre de la neige. Mais je sais qui gagne. Je l'ai toujours su.

Ces mots, peu à peu, deviennent vide de sens.

Laurel dit qu'il est temps de faire cesser la lutte. Laisser la peur n'être qu'une odeur extérieure et délicieuse. Garder la noirceur, assez de blanc pour m'en servir et dire au revoir au soleil - quitte à en conserver un fond suffisant pour en tapisser mon visage.

Un bruit de pas. Décidé. Reconnaissable, entre mille. Mercredi Addams. Rayon de soleil dans le blanc neutre et froid. Paradoxale pour une fille qui s'effraie des couleurs vives. Pourtant c'est un effet récurrent qu'elle a sur ma personne : elle désengourdit ce qui me reste de sentiments. Mercredi, ou mon éclair de lucidité.

Laurel tolère. Elle sait que ça va s'estompant. Elle sait que l'orage gagnera, à la fin.

Du coin de l'oeil, j'aperçoit sa silhouette. Droite. Digne. Neutre. Furieuse ? Oui, je crois bien.

"Mercredi, attends". J'ai parlé sans y penser. Que lui dire ? La brèche s'est réouverte. J'oublis d'un coup qui je suis, mes actes, ma haine. Parfois le soleil brûle plus fort que l'orage. Que lui dire ? Je sors du bureau, mes jambes me portent toutes seules. Dernier rebus d'un reste d'adolescence ? Que faire ? Au moins la serrer dans mes bras, revoir une dernière fois ce visage qui parfois s'éclairait pour moi. Le revoir avant que tout ne soit engloutit par la haine. Le temps presse. Elle s'est arrêtée. Se retourne.

"Tyler ! Non, non ! Qu'est ce que tu fais ?"

Papa s'est interposé avec empressement. Il sait, lui. Je sais qu'il sait. Il savait pour maman. Il doit savoir pour moi. Je sens sa peur. Elle suinte.

La brèche s'est refermée. Il fait très froid. L'orage gronde.

"Je dois lui parler, papa. Nous étions amis...". Il est réticent. L'irritation a enflé en moi ; le calme domine pourtant. "On est dans un commissariat, qu'est ce qui peut bien arriver ?", j'insiste. Il hésite encore. Jette un coup d'oeil à Mercredi par dessus son épaule. Oh oui, il sait. Mais lâche comme il l'est, il ne peut pas l'admettre. Il va me laisser courir en liberté encore longtemps. Laurel l'avait prévu.

Mercredi & Ci - fanfictions (recueil de one shot) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant