CHAPITRE 2

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Aaliyah


  Seule à ma table, à la cafétéria, je mangeai mon repas du midi. C'était infect. Heureusement que j'avais écouté mon père qui m'avait encouragé à prendre une collation avec moi. J'allai me contenter de ça pour combler le creux qui s'était formé dans mon estomac.
  Du coin de l'œil, je vis Malik débarqué dans le réfectoire. Je me pinçai les lèvres, appréhendant le moment où nous devrions parler de notre petite dispute de ce matin.
  Je n'avais pas apprécié qu'il me reproche mon changement depuis... depuis. Même si au fond, je savais qu'il avait raison et c'était certainement pour cette raison que je m'étais braquée : car je n'arrive pas à changer. Il avait raison, je n'avais pas fait mon deuil, mais il ne savait pas ce que je ressentais, même si nous nous connaissions par cœur. Je ne lui en voulais pas, puisqu'il ne savait pas ce que c'était de perdre sa mère. Et j'espèrai qu'il ne le saura jamais. J'avais perdu ma mère. Mon pilier, ma vie entière, c'était beaucoup à encaisser pour moi.
  Je m'extirpai de mes pensées lorsque mon meilleur ami prit place face à moi. Il me regarda sans dire un mot.
  —  Tu peux parler, tu sais, l'incitai-je pour briser la glace.
  —  T'es plus fâchée ?
  —  Je ne l'étais pas, lui assurai-je.
  —  Excuse-moi si j'ai dit une chose qui fallait pas, tu sais que je dirais jamais rien pour te peiner.
  Je sais, Malik, je sais.
    —  Tu veux en parler un peu ?
  Je n'étais pas très douée pour parler de ce que je ressentais. Même si avec Malik tout était plus facile, il était comme le grand frère que je n'avais jamais eu.
    —  Que veux-tu que je te dise ?
    —  Ce que tu ressens. Depuis que Mélissa est partie, t'es plus aussi joviale que tu l'étais, tu t'habilles toujours sombre... c'est plus toi, me  confia-t-il. J'aime pas te voir triste et ça me peine de rien pouvoir y faire.
  Je soupirai intérieurement. La  dernière chose que je souhaitais était que les autres s'inquiètent pour moi, ou bien qu'il soit triste par ma faute. C'était quelque chose que je ne supportais pas, je n'avais besoin de la pitié de personne.
    —  Il est... peut-être vrai que j'ai un peu changé, avouai-je à demi-mots. Même si mon style vestimentaire a changé, ce n'est pas pour autant que je suis constamment triste ou malheureuse, Malik, le rassurai-je. Alors ne t'en fais pas pour ce matin, c'est moi qui ai réagi excessivement. Tu sais à quel point je suis susceptible, me moquai-je de moi-même pour détendre l'atmosphère qui avait pris une tournure dramatique.
  Cela le fit sourire. Une chance qu'il n'était pas si immature que moi. Remarque, du haut de ses 23 ans, il y avait peu de chance.
  Il avait vraiment tout pour plaire ce jeune homme : grand, brun, drôle, gentil, protecteur et j'en passe. Son seul défaut : être en 2ᵉ année de lycée à son âge. Il fallait croire qu'il n'y avait pas d'âge pour se réorienter dans différente filière. Il en était à sa 3ᵉ session de lycée. Celle-ci sera la bonne.
    —  On a attendu ce moment pendant longtemps. D'être ensemble au lycée. Eclate-toi merde ! s'exclama-t-il en me secouant.
  Je ne pu m'empêcher de rire devant son enthousiasme. J'avais de la chance de l'avoir à mes côtés.
  —  Aller, arrête de faire semblant, dit-il en me voyant me forcer à manger mon déjeuner. Jette-moi ça, on va à Mcdo.
  Ni une ni deux, je pris mes affaires et mon plateau repas que je jetais aux ordures sans regret. Il sait parler ma langue ce garçon.


  Je vîns tout juste de finir les cours et j'attendai sagement mon père devant le lycée. Personne n'était dans les parages et le vent se fit de plus en plus froid en ce début de novembre. La prochaine fois, je penserais à me prendre un manteau.
  Les minutes passèrent et toujours pas de nouvelles de mon père. Des minutes qui se transformèrent en quart d'heure, puis en demi-heure.
   Des élèves du lycée commençaient à sortir des cours de 16 h 30. Parmi eux, je reconnus Malik, fondu dans la masse, qui me regarda en fronçant des sourcils lorsqu'il m'aperçut. Je fis de même.
  —  Qu'est-ce que tu fais là ? dîmes-nous à l'unisson.
  —  Toi d'abord, me lançai-je la première. Tu n'étais pas censé finir les cours dans une heure ?
  —  Mon prof d'histoire a une réunion. Toi ?
  —  J'attends mon père. Je l'attends depuis tout à l'heure, mais il semble qu'il m'ait oubliée.
  —  Tu l'as appelé ?
  —  Évidemment. Mais je tombe directement sur sa messagerie.
  Malik souffla, se gratta la nuque en regardant les environs qui se vidaient progressivement.
  —  Bon, ben viens, je te ramène alors. J'espère qu'il n'a rien de grave.
  —  Il a dû oublier, je pense.
  —  Par contre, s'il arrive après nous et qu'il lance un avis de recherche, je te promets que personne te trouvera jamais.

Roses [REECRITURE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant