L'Ombre Éternelle

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-Amine ! Amine !

Mon prénom résonne dans l'air, porté par la voix de ma bien-aimée, ma femme. Chaque matin, elle choisit de briser le silence de l'aube et de m'envelopper de ses mots, car elle refuse de savourer son petit déjeuner en solitaire. Par respect pour mon rôle d'époux dévoué, soucieux du bien-être familial et de la douce compagnie, je me plie volontiers à ses désirs et m'installe à table avec elle. Car Dieu seul sait combien il est déchirant de laisser une âme solitaire se nourrir, tandis qu'elle attend, emplie d'impatience, ma présence pour partager ces précieux moments qui donnent un sens vibrant à la vie .Mais ce qui me paraît étrange, c'est qu'il y a peu d'ombres malgré le manque de lumière à cette heure-ci. C'est comme si un tableau avait été oublié, sans ses nuances délicates.

Cependant, quelque chose me paraît étrange, voire déconcertant, à cette heure matinale. Malgré la faible luminosité, les ombres semblent curieusement absentes, comme si quelqu'un avait oublié d'ajouter les nuances au tableau de la réalité quotidienne.

Mais en étant que des futilités causées par un sommeil un petit peu perturbé, Je rejoins ma femme, en m'approchant lentement de la table où les rayons matinaux dansent sans contraintes. Je vois les fruits juteux, les douceurs délicates, les tasses remplies d'un breuvage chaud. Tout est prêt, soigneusement disposé, comme si elle avait peint un tableau vivant avec des couleurs éclatantes.

Elle m'attend, impatiente, son sourire illuminant son visage sans qu'aucune ombre ne s'y dessine. Elle me tend la main, ses doigts effleurant les miens avec une douceur qui transcende les contours définis.

Nous prenons place, savourant le moment qui nous lie, avec un certain silence apaisant, en contentant de l'un et de l'autre. Des causeries banales brisèrent de temps à autres ce silence tout en rajoutant sorte de note musicale à cette scène sortie d'un conte de Charles Perrault. Et pourtant, elle ne me laissera pas indifférents, me donnant la sensation que ce n'est qu'un moment éphémère.

C'est Ainsi, après avoir terminé notre repas, chacun de nous se leva pour se préparer en vue de la journée qui nous attendait. Bien que la lumière soit encore timide, en raison de l'absence d'ombres, je décidai que c'était une opportunité propice pour me préparer.

Toutefois, un sentiment d'angoisse s'empara soudainement de moi. Je me retrouvai devant le miroir de la salle de bain, observant attentivement mon reflet, guettant le moment où mon ombre se manifesterait. Dans ce bref instant de regard persistant, qui semblait s'étirer sur plusieurs minutes, je perçus une lueur d'ombre qui commençait à prendre forme. Un sentiment de soulagement m'envahit alors, comme si la présence de mon ombre rassurante me réconfortait.

Pressé par mes responsabilités en tant que premier à ouvrir le cabinet, je me hâtai de sortir. En tant que psychologue, je trouvais ironique de ressentir une telle angoisse face au simple retard de mon ombre, comme si elle était un employé d'une usine qui ne pouvait démarrer sans lui. Je sortis ainsi, me sentant léger, comme après la fin d'un examen ou d'une conférence, sans vraiment comprendre l'origine de cette sensation particulière.

Ainsi en sortant, j'entends la voix de ma femme qui me dit d'un ton préoccupé mais aussi mélodieux comme si elle essayait de me soulageait et me dire que tout se passera bien,

- Bonne journée, chéri, et ne te force pas à céder à tous mes caprices. J'ai remarqué que tu étais un petit peu distrait ce matin, comme si quelque chose te préoccupait profondément.

À ce moment-là, j'éprouvais une certaine honte à lui avouer que mes pensées étaient accaparées par la lumière du soleil et ses ombres, comme si j'étais une grenouille fixée sur une mouche sans importance. Cependant je décidai de taire ces pensées, de ne pas lui imposer mes préoccupations futiles. Je lui offris un sourire timide, tentant de dissimuler mon embarras, et je lui assurai que tout allait bien. Je lui déposai un doux baiser sur la joue et me mis en route vers le cabinet, transportant avec moi ce mélange d'inquiétude et de curiosité.

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