Une Toile Vivante

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J'étais en train de contempler un portrait de la famille de ma femme. Soudain, elle me surprend en train de l'observer et me demande si j'aime le tableau. Sans y réfléchir, je réponds que je le trouve fascinant, qu'on dirait qu'il est vivant.

Elle me révèle alors que c'est elle qui a dessiné le tableau de la famille, ce qui me surprend. Puis, elle me fait une proposition étonnante : elle souhaite me dessiner. En tant qu'amateur de ses talents artistiques, j'accepte avec enthousiasme, curieux de voir le résultat de ma première expérience en tant que modèle.

Elle me demanda de me rendre à son atelier, ce qui était étrange, car nous étions mariés depuis trois ans, et elle ne m'avait jamais fait une telle proposition auparavant. J'ai franchi la porte de son atelier, découvrant une pièce baignée de lumière, ornée de nombreux portraits. Ces tableaux semblaient presque vivants, comme s'ils me fixaient.

Alors que je m'approchais pour les admirer, ma femme est entrée soudainement. Elle m'a invité à m'asseoir à un petit bistrot au centre de la pièce. Je me suis installé confortablement, observant la lumière qui inondait l'atelier comme une bénédiction. Ma femme a déposa son chevalet avec un tableaux et se positionna derrière , créant un mur entre nous.

Je m'assieds convenablement, fixant la grande fenêtre de l'atelier qui m'illumine comme si un ange était descendu sur terre. Ma femme commence à déployer ses matériaux et à dessiner. Un doux silence s'installe, seulement interrompu par le doux grattement du crayon sur la toile. De temps en temps, ma femme jette un regard vers moi, affichant un sourire chaleureux, puis elle se retourne derrière son grand mur blanc pour continuer son œuvre.

L'atmosphère dans la pièce m'envoûte, comme si une touche divine était à l'œuvre. Je ne veux pas déranger ma femme, qui est rarement aussi joyeuse. Je me rappelle même que, lors de notre demande en mariage, elle était plutôt réservée, et je la croyais de nature peu souriante. Mais aujourd'hui, c'est comme si je découvrais une nouvelle facette de sa personnalité. Cette chaleur qu'elle dégage me réchauffe le cœur, et je suis empli de gratitude pour cette expérience unique.

Pendant une longue période, le silence règne, et je ne peux même pas estimer combien de temps je suis resté assis là. J'ai fermé les yeux à plusieurs reprises pour les reposer, mais à un moment donné, ma femme me réveille. Je réalise alors que des heures se sont écoulées, et le soleil disparaît lentement à l'horizon.

Je tente de parler pour demander une petite pause, peut-être un goûter, mais il semble que ma bouche soit devenue immobile, tout comme le reste de mon corps. Je me dis que c'est peut-être la fatigue ou l'atmosphère étrange de l'atelier qui me donnent l'impression d'être figé comme une statue. Cependant, je ne parviens pas à prononcer un seul mot, ni même à fermer mes propres yeux.

La panique m'envahit progressivement, et je veux désespérément demander à ma femme ce qui se passe, mais aucun son ne sort de ma bouche. Je tente de me lever de la chaise, mais je reste comme scotché à cette dernière. Mes mains restent fixées sur mes cuisses, et il semble impossible de les décoller.

L'angoisse m'étreint, et une terreur indescriptible m'envahit alors que je reste incapable de comprendre ce qui m'arrive. Je tente de chercher ma femme derrière son chevalet, mais tout ce que je perçois, c'est la nuit qui s'installe, éclairée par la lueur pâle de la lune, et les contours mystérieux de l'atelier.

Une envie de pleurer me submerge, mais je constate que je suis devenu incapable de verser la moindre larme. Ma respiration devient haletante, mais je ne peux même pas expirer rapidement. Je suis pris au piège, immobile, sans pouvoir bouger le moindre muscle.

Soudain, mes yeux se fixent sur les tableaux accrochés aux murs. Les yeux des portraits semblent bouger, et un frisson glacial me parcourt l'échine. Je reconnais alors chacun des visages représentés, chacun ayant une signification particulière. Parmi eux se trouve la femme de ménage qui, selon ma femme, avait démissionné pour prendre soin de ses parents dans une autre ville. Un autre portrait représente notre propre chien, qui a mystérieusement disparu il y a un an.

L'horreur m'envahit à mesure que je réalise ce que ces tableaux représentent. Je tente une dernière fois de bouger, de fermer les yeux pour échapper à cette vision cauchemardesque. Lorsque je les rouvre, je me trouve face à ma femme, affichant un sourire angélique, mais je perçois la vérité effrayante : je suis incapable de bouger, enfermé dans mon propre corps.

À ce moment, ma femme redevient l'ombre froide de la première fois que je l'ai rencontrée, et une effroyable compréhension m'étreint : je suis devenu un tableau.

Un instant, ma femme disparaît de ma vue, et je commence à bouger, mais ce mouvement n'est pas de mon propre fait. Quelqu'un me soulève, me portant hors de la pièce. Je traverse la porte pour me retrouver de l'autre côté, en bas du mur, face au portrait de sa famille. Les yeux de son père, de sa mère, de sa petite sœur, et de son grand frère semblent me fixer avec intensité. Je me rappelle que ma femme m'avait raconté, lorsque nous nous sommes rencontrés, qu'elle était devenue orpheline à l'âge de seize ans, et que ce portrait de famille était son tout premier dessin.

Ma femme revient avec une échelle, qu'elle pose soigneusement contre le mur. Elle me prend délicatement, comme si j'étais une œuvre précieuse, et me place à côté des portraits de ses parents. Son visage est empreint de tristesse lorsqu'elle tourne son attention vers la représentation de sa petite sœur. Les larmes perlent dans ses yeux, mais elle ne les laisse pas couler. Un silence lourd s'installe, seulement rompu par sa respiration entrecoupée.

Elle regarde alternativement les deux tableaux, un petit sourire triste aux lèvres, puis elle prononce ces mots doux, presque murmurés : "Je vous aime tellement." Ces mots sont chargés d'émotion, et c'est la première fois que je l'entends exprimer un tel amour. Une partie de moi se sent soulagée, presque comblée, qu'elle puisse finalement dévoiler ses sentiments pour moi. Cependant, une terreur persistante s'insinue en moi. J'ai l'impression que tout cela n'est qu'un cauchemar duquel je ne peux pas me réveiller. Les événements étranges de cette soirée m'emplissent d'effroi, et je commence à douter de la réalité de ce qui se passe.

L'atmosphère est à la fois chargée d'amour et d'horreur, et je ne peux m'empêcher de me demander ce qui se trame réellement. J'entends un son, un appel lointain, comme une échappatoire à cette réalité troublante, mais je suis incapable de bouger, piégé dans ce monde énigmatique et troublant.

les Mirages De  MémoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant