13 Juin

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Dans le train, rentrant chez moi après des vacances à Paris.

Mon Amour,

           Me voilà dans le train, je rentre chez moi. Je me trouve nue, ni feuille ni stylo. Je voudrais vous écrire une lettre, mais je ne peux pas. Je retranscris ces mots sur mon clavier, et je trouve cela bien moins romantique. Fade. Un jour, je vous le promets Mon Amour, je vous dédierai un carnet entier de mes pensées. Je retranscrirai ces premiers mots, et peut-être seront-ils les premiers de ce même carnet. Peut-être vous laisserais-je les lire ? Peut-être, Mon Amour, vous laisserais-je l'accès à ce jardin secret que je veux bâtir en votre honneur, peut-être vous laisserais-je les clés de ce jardin, et le destin de mon cœur par la même occasion. Mon cœur saigne par votre faute, vous le savez, mais je ne peux m'empêcher de me délecter de cette blessure, que je trouve belle, qui me fait vivre, de cette douleur qui me ravive, et je suis presque reconnaissante de cette torture que vous m'infligez, Mon Amour. Mon cœur est traversé par votre épée, que vous m'avez plantée sans même le vouloir, traversé par votre peine qui, destructrice, s'est emparée de vous et n'aura su épargner personne, ni vous, ni moi. Soyez rassuré, Mon Amour, je ne vous en veux pas.

           Je viens de quitter Paris pour retourner dans le Sud, les heures sont longues dans ce train, et voilà que je viens de finir deux des livres que vous m'avez prêté. Je ne sais pas quand je pourrai vous les rentre, je ne sais pas quand vous me laisserez la chance de vous revoir. J'ai lu ce livre que vous m'avez conseillé mais que vous n'avez pas lu, j'ai lu ce livre de Wajdi Mouawad, Forêt. Dedans, lorsque je vous le rendrai, vous trouverez une page cochée, et une autre aussi, marquée d'un poème distribué d'une borne de la SNCF. Je n'ai glissé que celui-ci sur tous ceux que j'ai récolté. Il me fait penser à vous. Tout me fait penser à vous, Mon Amour, aussi beau et triste soit-il. Je crois que vous me faites aimer la tristesse. Les deux pages marquées sont des pages d'amour. Elles parlent d'un amour impossible, d'un amour interdit et, à l'instant où j'ai lu ces lignes, mon esprit m'a forcée vers votre souvenir, sans que je ne puisse le contrôler, sans que je n'aie le choix, et votre visage ces gravé dans ces pages. J'aurais voulu vous l'expliquer, mais je ne sais quand je vous reverrai, et j'aime écrire ces mots qui me font ressentir votre présence, et puis le monde est tellement plus clair, plus simple lorsqu'il est à l'écrit. Les phrases et les idées retrouvent leur queue et leur tête. Et moi, je respire.

           Ce livre de Mouawad est beau, Forêt. Vous me l'avez prêté sans l'avoir lu, et c'est à mon tour de vous le recommander. Je crois que je l'aime tant parce qu'il me rappelle à vous. En fait, tous les livres que vous m'avez prêté, et que je m'obstine à lire, je les lis pour penser à vous, toujours. Je ne supporte pas l'idée d'être pour toujours séparée de vous, Mon Amour. Ne m'en voulez pas, je sais que ce poids que je vous inflige n'est pas aisé à porter, mais je sais au fond de moi que je vous aimerai toujours. Cette peine, et les rencontres que je fais, me font découvrir tellement de choses sur moi, et je rêve de vous en faire part. Vous m'avez promis de partager un café samedi, promis que vous m'expliquerez tout. J'ai tant peur qu'envie de vous revoir, Mon Amour. C'est cette douce appréhension qui me convainc de mon amour envers vous, c'est cette envie de vous prendre dans mes bras, tout en sachant que je ne le peux pas.

           Hier soir, sur un matelas gonflable dans un appartement du 13ème arrondissement, j'ai pensé à vous. Une larme a coulé le long de ma joue, et je me suis dit que vous me manquiez, et que vous me manquerez certainement toujours. Vous me manquiez tellement hier soir, Mon Amour, vous me manquiez tellement que j'ai senti mon cœur se serrer. Vous manquiez à toute mon âme, Mon Amour, vous manquiez à chaque parcelle de moi, à tous mes moi, à ceux qui ne vous ont pas connu, à ceux qui vous ont connu, et à ceux qui peut-être ne vous connaitront jamais. Je me suis imaginée allongée dans votre lit, chez vous, je me suis imaginée que vous me preniez dans vos bras, comme vous le faisiez autre fois, comme vous le faisiez il n'y a pas si longtemps. J'ai imaginé ce que nous aurions été, si la vie et la douleur ne nous avaient pas forcé à nous séparer, je me suis imaginée un été heureux.

           Je me rappelle parfois, lorsque vous me disiez que la première chose que vous aviez remarqué chez moi était à quel point vous me trouviez vivante. C'est sûrement vrai, lorsque je rejoue la scène dans mon esprit, je me rappelle combien j'étais présente, combien j'ai moi aussi senti que vous étiez vivant, vous aussi. Je me rappelle aussi cette attirance instantanée que j'ai ressenti envers vous, que peut-être vous avez senti, au fond de vous. Je me rappelle quand vous disiez que tout ce que je regardais beau, lumineux. Toute ces choses que vous m'avez dits, toutes ces choses, la maman d'une amie me les a aussi dites, la semaine dernière. Sans même qu'elle ne le sache, elle a employé les mêmes mots, les mêmes phrases, pour décrire la même chose que vous décriviez. C'est drôle, comme deux âmes sont parfois liées.

           Mon Amour, ce que je m'apprête à écrire est injuste envers vous, et j'espère que vous trouverez un jour la force de me pardonner. Je crois que vous aviez raison sur toute la ligne. Ce n'étais pas nous, qui nous aimions. Non, je crois que cela allait bien au-delà de nous. Cette connexion, que nous avions senti si vite, instantanément, n'était pas seulement celle de nos cœurs. Elle était celle de nos âmes. Mon Amour, je sais peu de choses, mais je sais au fond de moi une chose, que vous êtes mon âme sœur. Et, si ces mots me firent peur un temps, aujourd'hui ils me rassurent. Nous nous aimons bien au-delà de nos corps, bien au-delà de nos esprits, et vous le savez, Mon Amour. Vous le savez aussi bien que moi, tout de nous, nos âmes, nos énergies, nos présences, s'aiment d'un amour pur, d'un amour intouchable. Tout de nous est transi d'un amour infatigable. Parce que je vous aime tant, Mon Amour, je ne pense pas que je vous dirai tout cela samedi lorsque nous partagerons un café, car la vie fait que nous ne pouvons nous retrouver maintenant. Mais parce que je vous aime tant, Mon Amour, je ne pourrai non plus vous mentir sur mes sentiments, et je vous confirai que mon amour pour vous est éternel. Et si ces mots semblent cérémonieux, ils ne sont pour moi que la transcription de mon cœur sur ce papier, des choses dont nous avons tous deux conscience. Je vous attendrai à jamais, Mon Amour, et quelque chose me dit que vous aussi. Nous nous retrouverons, quand le moment sera venu.

           Nous ne nous retrouverons pas tout de suite, Mon Amour, pas samedi. Vous revoir me comblera de joie, d'amour et d'espoir, mais le temps n'est pas venu de vous retrouver. Il me faudra résister, je le sais, mais vous avez encore un long chemin à parcourir, seul, avant que le temps ne soit venu. J'aimerais vous confier ce que je sais, si peu soit-il, je voudrais vous confier des livres, vous confier des paroles, des discussions, je voudrais vous donner tout ce que je pourrais vous donner, pour que vous ayez tout en main pour parcourir ce chemin seul, mais ais-je la force nécessaire ? Ais-je les armes et les armures nécessaires ? Et, Mon Amour, dites-moi, parcourriez-vous réellement ce chemin seul, si j'étais celle qui vous indiquait le chemin ?

           J'aimerais vous supplier une dernière fois, Mon Amour, de ne plus jamais supprimer l'un de vos poèmes. Rangez les dans une boite, froissés ou aplatis, cachez ces feuilles à tout jamais s'il le faut, mais ne le supprimez pas, je vous en prie. Vous êtes bien trop beau pour détruire une partie de vous à chaque fois que vous en prend l'envie, bien trop beau pour vous permettre de ne pas croire que chacun de vos actes est une miracle sur cette terre.

           Mes mots aujourd'hui sont nombreux, Mon Amour, peut-être est-ce parce qu'ils sont les premiers. Pensez-vous qu'ils s'épuiseront un jour, ces mots qui s'arrachent de force de moi, pour les coucher sur du papier, pour les coucher, aujourd'hui, sur mon clavier. Je ne crois pas avoir la force de vous écrire chaque jours, Mon Amour, mais à défaut de pouvoir vous les envoyer, je les écrirai dans ce carnet, que je garderai pour toujours avec moi, jusqu'à un jour vous le confier.


Avec Amour,

L.




Vous aimer, Mon AmourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant