2. Hospice

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Dans la solitude, les normes imposées se renforcent, étouffant l'essence des âmes en quête de liberté, condamnées à se conformer à l'ombre de leur véritable être.

                   Une pièce s'enveloppait d'une obscurité si profonde que mes yeux s'égaraient dans l'abîme. Curieux, j'avançais avec précaution, frémissant à l'idée de heurter l'invisible qui se dissimulait dans l'ombre impénétrable.

L'angoisse m'envahissait, accompagnée d'une pointe de peur. J'avançais jusqu'à apercevoir enfin un halo de lumière. Je m'en approchais, mais à chaque pas, il semblait s'éloigner davantage. À peine avais-je fait trois pas que le halo disparaissait pour renaître six mètres plus loin.

Alors, je me mis à courir, espérant le rattraper, jusqu'à ce que ce halo devienne puissant, remplissant l'espace. Il grandissait, s'intensifiait, engloutissant tous les ténèbres qui régnaient dans la pièce.

Et lorsque ces rayons m'éblouirent, ma vue se brouilla. Mes paupières se fermaient d'elles-mêmes, jusqu'à ce que j'entende une voix douce me parler. Je me débattis pour ouvrir les yeux et découvrir la source de cette magnifique voix. Après maintes tentatives, mes yeux s'ouvrirent enfin, et c'est à ce moment-là que je pris conscience de ma situation.

***

- Avez-vous bien dormi ? Demanda la voix de tout à l'heure.
C'était l'infirmière, celle qui veillait sur moi depuis mon arrivée ici, à moitié étourdi.
Peu à peu, mes esprits revenaient et je remarquais que le ciel était désormais d'un jaune éclatant, parsemé de nuages blancs parmi lesquels se glissaient quelques rayons impatients d'annoncer au monde entier le lever de la magnifique sphère dorée.

- Combien de temps ai-je dormi cette fois ? Lui demandai-je, car cela faisait un moment que je ne parvenais plus à dormir suffisamment.

- Assez longtemps ! Me répondit-elle en préparant ma dose matinale de traitement.

                    De mon lit, j'observais aisément le ciel à travers la grande fenêtre en verre. Cela me calmait souvent de voir les oiseaux voler dans le ciel, affirmant pleinement leur liberté. Par moments, je souhaitais être comme eux, pouvoir m'élever haut dans les cieux et aller où bon me semble, sans devoir rendre de comptes à qui que ce soit, avec pour seule limite l'horizon...

- À quoi pensez-vous si tôt le matin ? Me demanda l'infirmière.

- À rien. lui répondis-je. Pensez-vous que je puisse utiliser mes écouteurs pour écouter de la musique ? Lui demandai-je ensuite.

- Oui, bien sûr ! Mais vous devez contrôler le volume et éviter toute musique trop agressive.

- Bien entendu. Lui répondis-je.

Une fois qu'elle eut terminé de me faire mes injections, elle rangea ses outils, se dirigea vers la porte, mais s'arrêta et me demanda :

- Pourquoi personne ne vient prendre de vos nouvelles ? Cela fait bien deux semaines que vous êtes ici.

- Ils se fichent peut-être de moi. lui répondis-je. Je laissai un court silence avant de poursuivre. Ou peut-être qu'ils ne sont tout simplement pas au courant.

- Pourquoi ne les informez-vous pas, dans ce cas ?

- Je n'ai pas envie de les déranger, et puis, pourquoi s'inquiéteraient-ils pour moi ?

- Pensez-vous ne pas mériter leur attention ?

- Penser ? Non, ce n'est pas une question de pensée, c'est un fait, tout simplement.

Elle resta silencieuse un moment, troublée par mes paroles.

- Dites-moi, cher ami, aimez-vous la vie ?

- Bien sûr que non ! Lui répondis-je en esquissant un léger sourire, puis je poursuivis. Comment aimer la vie quand on n'a même pas le droit de faire ce que l'on aime ?

Lorsque vous décidez d'être vous-même, on vous pointe du doigt comme si être différent était un crime. Si ce ne sont pas les gens qui vous condamnent, c'est la religion, et vous vous retrouvez à mener une existence que vous ne souhaitez pas, simplement parce que des imbéciles avant vous se sont donné la peine d'imposer des normes sur la façon de vivre.

- Vous avez donc choisi de vivre seul. Me dit-elle.

- Ce n'est pas comme si j'avais le choix.

- Pensez-vous qu'il n'y a personne qui vous aime tel que vous êtes ?

- Je pense que je n'aurais jamais dû naître.

- Quelles sont donc ces choses que vous aimez faire et qui ne plaisent à personne ? Me demanda-t-elle.

Je la regardai alors et lui demandai : N'avez-vous pas d'autres patients à soigner, mademoiselle ?

- Claudia, vous pouvez m'appeler Claudia.

- Eh bien, Claudia, sachez que si la vie pouvait être aussi belle que certains la décrivent, je serais probablement toujours aussi solitaire qu'à présent.

                    Je pris mes écouteurs et les mis dans mes oreilles, puis je m'allongeai en direction de la fenêtre, continuant de contempler les oiseaux et de les envier. Mais au moins, cette fois-ci, j'avais une douce voix qui chantait dans mes oreilles. C'était tout ce que j'avais pour le moment, et ce moment me suffisait amplement.

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Souvenir no 2:Hospice

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Souvenir no 2:
Hospice

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