3. Mon Inconnue

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Dans chaque sourire,
Mon amour reste caché,
Toi, mon doux mystère.

Je revois encore tous ces matins. Moi marchant sur ce même terrain. Parfois sous des goutes de pluie, parfois sous le soleil levant. Il y'avait l'obscurité comme à minuit. Mais ça ne me dérangeait pas plus qu'avant. Des écouteurs dans les oreilles, une douce mélodie. Je savourais ce sombre moment, seul sur la route, à cet heure de la journée. Personne pour me voir, personne pour me juger. Je marche sans me soucier de ce que les autres peuvent penser. Parfois ma tenue me répugnait, parfois c'était juste mes chaussures.

- Pourquoi me prendre autant la tête avec ça ? Personne n'est là pour me regarder.

Je me répétai souvent cette phrase dans ma tête. Pendant que je marchais.

C'était un petit moment de liberté. Loin de tous ces autres, qui étaient là, mais qui ne me voyaient. Personne ne sait que je suis là. Tous endormis, bercer par le froid et le sommeil du matin. Puis finalement arrive ce moment où je l'atteint. C'est ici où tout plein de regards braqués sur moi, me questionne sur mon existence sans émettre le moindre son. Il y avait ce silence fulgurant. De là où j'étais j'arrivais à ressentir toutes ces questions qui jaillissaient d'eux.

Je ne suis pour eux qu'une intrigue, une fascination. On se pose de questions, on cherche à comprendre comment je fonctionne. Ce qui se passe dans ma tête. Je les vois, mais je les ignores jusqu'à atteindre ma place. Et là je me retourne et je la vois. Toujours assise au même endroit. Tous les matins. Les casques dans les oreilles. La musique à fond. Elle regarde à travers la fenêtre.

Parfois c'est les goutes de pluie qui tombe. Parfois c'est le soleil qui se réveille. Elle regarde sans voir, des jambes qui s'animent ça et là. Des bruits qui surgissent de nulle part, des bruitages qui se réveil, la ville qui reprend peu à peu vie.

D'où je me trouve.

J'essaye d'attirer son regard. Je me résous à essayer un signe de la main. Mais en vain, elle ne me voit pas. Jusqu'à ce qu'elle se retourne et là je la fuis du regard. C'est moi qui fuis, pas elle. Je me précipite de remettre les écouteurs dans les oreilles. Histoire d'avoir un alibis.

- Pourquoi aurais-je besoin d'un alibis ? Elle ne me reprocherait rien du tout. Puisqu'on ne cause pas.

Mais je fini par me rendre compte que l'alibi était en réalité pour me convaincre moi. Pas elle.

Je me plonge moi aussi dans ce que j'écoute et la contemplation des alentours. Je fais comme elle et regarde le jour qui se lève. Les oiseaux qui chantent, les passant qui parlent. Je ne les entend pas mais j'imagine assez bien ce qui se dit. Elle se lève retire ses casque et approche, elle avance tout doucement. Garde son équilibre car le véhicule est en mouvement. Je retire les miens.

- Ça y est elle vient vers moi. C'est moi qu'elle vient voir.

Mais elle passe et rejoint l'autre, les autres. Ils parlent, discutent et rient aux éclats. Et elle s'assied sur cet autre, sur ces autres. Leurs rires aux éclats...comme je les envie. Pendant un instant je m'imagine être ces autres, être aussi drôle, aussi loquace. Elle me regarde puis retourne à ses rigolades.
Je remets mes oreillettes. Et les ignores. Mais de loin je les observes. Dans les reflets des vitres. Je parvient à voir leur sourire. Comme ils sont heureux d'être ensemble. Puis dans son reflet je vois qu'elle regarde par ici.

- Avec ce foutu reflet. Impossible de savoir si c'est moi qu'elle regardes. Foutu perspective de merde. Je tourne mes yeux dans sa direction. Elle regarde ailleurs !

Là voilà qui rentre à sa place. Elle remet ses casques. Le sièges d'à côté est vide. Une idée me vient à l'esprit. Je retire mes oreillettes et les rangent. Ça y est j'y vais. J'étire mes mains prêt à me lever pour la rejoindre. Et l'autre vient aussitôt la rejoindre, l'enlace et pose sa tête sur sa poitrine. Je fais semblant. Je sors mon portable et fait défiler l'écran. Je me remet confortablement comme si ne rien n'était. Je les vois du coin de l'œil dans cette sombre matinée. Elles semblent tellement proche. Si seulement j'étais comme elle. Quel chance ! Quel lâche je suis !

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