Chapitre 2 - Paige

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Musique conseillée : Toxic - Sofia Karlberg

Banlieue Est de San Diego

Après une nuit tumultueuse à penser à cette enquête et à ce nouveau meurtre, je me réveillai le moral miné. Je quittai difficilement mon lit et rejoignis d'un pas traînant ma cuisine afin de me servir une tasse de café. Pendant que celui-ci coulait, mon regard fatigué se posa sur le four.

7h04.

Je poussai un long soupir. L'insomnie me gagnait depuis quelques semaines maintenant. Les grasses mat' étaient devenues aussi rares que mon aptitude à faire le rangement dans mon appartement. Mon cerveau ne cessait de penser à cette enquête. Chaque nuit, il repassait en boucle tous les éléments que j'avais en ma possession et essayait de les assembler, tel un long et interminable puzzle. Il me manquait un détail, mais quoi ?

Dans une heure, je devais être à mon bureau, assise à étudier et décrire des évènements divers et grotesques qui avaient pour seul but de satisfaire la curiosité des quinquagénaires ou des retraités alors que de sanglants meurtres se produisaient sous mes yeux.

Une fois mon élixir de jouvence engloutit, je classai mes documents relatifs à l'enquête dans mon porte-vue, enfilai une chemise à carreaux, un imperméable, un jean, une paire de converses et pris la direction de mon hall d'immeuble. J'enfourchai mon vélo et me préparai à faire mes vingt minutes de sport quotidien qui me reliaient au bureau.

Je vivais dans la banlieue Est de San Diego, dans un petit immeuble en piteux état. Il y avait quatre étages comprenant chacun trois appartements. La façade en brique était autrefois rouge vif, mais avec l'usure et le temps, elle était désormais recouverte de couleurs délavées et de graffitis plus ou moins artistiques. Les rares appartements comprenant des balcons étaient parsemés de plots de fleurs désaccordés et semblaient suspendus dans le temps, survivants à chaque nouvelle saison. Les fenêtres étaient encadrées de vieux volets battants en bois désuets, qui n'arrivaient plus à nous isoler du froid durant les saisons hivernales.

La porte du hall d'entrée était abimée et son verre était brisé depuis plus d'une année. Le parquet de l'entrée était collant et le papier peint sur son mur accueillait les habitants avec une familiarité étrangement rassurante. L'ambiance chaleureuse de cet immeuble était également due à la présence de notre concierge, Mr Costa. C'était un immigré italien d'une soixantaine d'années qui n'avait pas sa langue dans sa poche et qui gérait à merveille notre petit sanctuaire branlant.

Malgré l'allure brute de ce quartier, j'aimais y vivre et j'avais de bonnes relations avec le voisinage. Ce coin de la ville avait la réputation d'être la plaque tournante de la drogue, mais j'arrivai à faire abstraction de ce détail.

Pour être honnête, malgré mon attachement pour cet immeuble, j'avais été un peu forcée d'habiter dans ce quartier à cause des prix exorbitants de San Diego et de ma misérable paie.

Ce n'était que passager ! me répétai-je en boucle depuis des mois.

Le journalisme étant ma passion, j'avais pour ambition d'évoluer et de pouvoir un jour rédiger les chroniques les plus lues de mon État.

Ce projet était actuellement au point mort, car, toute mon attention était focalisée sur ces mystérieux meurtres. Les seules informations que les journalistes voulaient bien nous donner étaient identiques et sans grande utilité. Aucun journaliste n'enquêtait sur ce fait divers. À vrai dire, le statut de tueur en série n'était pas encore proclamé, mais j'étais certaine que nous avions affaire au même meurtrier. Mais personne ne semblait prendre conscience de cette situation, c'était comme-ci le meurtrier avait réussi à effrayer une ville en un claquement de doigts. Tout le monde parlait de lui, mais jamais trop fort et jamais trop longtemps.

Alliance MortelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant