Sa rencontre avec Tom n'était le fruit que d'une succession de hasard. La modification d'un seul événement de sa matinée l'aurait bouleversée. Une minute de décalage et ils se seraient croisés : deux inconnus destinés à le rester.
Le métro qu'il avait pris (légèrement en retard) pour se rendre à son cours sur le cycle arthurien s'était arrêté en plein milieu de sa course. Tous les passagers avaient été contraints d'attendre dix minutes entre deux arrêts. Le côté claustrophobe d'Harry s'était d'ailleurs légèrement affolé dans le tunnel. Debout, son sac à dos pressé contre un homme agacé et le torse collé contre l'épaule d'une étudiante, il avait dû mettre en pratique tous les exercices de respiration qu'il connaissait.
Pas la meilleure façon de commencer une journée.
Arrivé à destination, il s'était frayé un passage pour atteindre la sortie. Tout ça pour constater qu'il était très en retard. À pas de course, il avait traversé la route qui séparait le bâtiment universitaire de l'arrêt de métro. Il s'était ensuite engouffré dans les couloirs qui divisaient les différentes faculté et était finalement arrivé dans le bon bâtiment... tout ça pour constater que son cours avait déjà commencé depuis un bon quart d'heure.
Le professeur, un certain M. Dimawer, avait la réputation d'humilier publiquement tout étudiant ayant l'outrecuidance de se pointer en retard à son cours. Et Harry n'avait certainement pas besoin de ça ce matin-là. Tiraillé entre l'envie de suivre le cours qui était par ailleurs très intéressant et la peur de se faire engueuler, il était resté immobile devant la porte. Conscient que les minutes continuaient à s'étirer et que situation empirait d'instant en instant, il avait tendu la main vers la poignée...
Mais s'était ravisé au dernier moment. Tant pis. Il ne ratait jamais un cours et ce n'était pas une absence qui allait remettre en cause sa carrière académique,.
Il avait alors fait demi-tour, penaud, reprenant son chemin en direction de l'arrêt de métro qu'il venait à peine de quitter... quand son regard s'attarda sur une affiche négligemment placardée contre un mur. Il y avait de nombreuses affiches, dans la faculté des Lettres. Les murs en étaient perpétuellement recouverts. Il n'y prêtait jamais attention parce qu'il évitait les fêtes comme la peste.
Mais celle-là... Celle-là n'avait rien à avoir avec une quelconque soirée. En fait, elle informait les étudiants qu'ils pouvaient participer au don du sang semestriel. Le regard d'Harry glissa sur la date. Il se déroulait le jour même.
Il considéra l'idée. Il n'avait rien d'autre à faire et une bonne action ne lui ferait pas de mal. En plus, il venait de faire quarante minutes de trajet et l'idée de les subir à nouveau sans avoir rien fait de productif était rageante. Rien de pire que de perdre une matinée. Il n'y avait qu'une seule ombre au tableau : le don du sang avait évidemment lieu dans le bâtiment de la faculté de médecine.
D'accord, c'était probablement stupide et cliché mais, dans son université, les deux facultés, rivales, ne perdaient pas la moindre occasion de mépriser l'autre. Et Harry, qui n'était pourtant pas de nature belliqueuse, avait l'admission facile : les futurs médecins lui tapaient carrément sur les nerfs. Non seulement ils se sentaient obligés de s'habiller comme s'ils se rendaient à un dîner mondain alors que... Sérieusement, ils disséquaient des cadavres ! Mais surtout parce que leurs airs hautains, qui étaient invariablement adressés à leur encontre, n'avaient qu'une signification : « oui, nous, nous sauvons des vies... et vous ? Ah, vous étudiez des livres. Intéressant. »
Ils étaient carrément insupportables et Harry savait qu'il serait repéré immédiatement notamment à cause de son style vestimentaire et de son attitude. Il s'était réveillé en retard et avait enfilé le premier t-shirt et le premier pantalon qui lui étaient tombés sous la main. Il avait conscience d'enfreindre à peu près tous les codes de la mode. Quant à son comportement... il n'était pas du genre à se pavaner comme s'il était le dernier lauréat du prix Nobel.
