Me voici encore dans ma chambre. Il est 3h12. Je suis de nouveau sur mon ordinateur. J'ai besoin de me vider la tête. J'ai tant d'idées d'histoires qui tourbillonnent dans mes pensées. Il faut absolument que je les écrive pour m'en débarrasser.
Le seul petit problème, c'est que j'ai été diagnostiquée de la plumitisme, une maladie raccourcissant le temps de vie dès l'instant où l'on écrit. Des médecins ont pensé qu'écrire sur ordinateur résoudrait le problème, ce n'est malheureusement pas le cas. Plusieurs études ont été menées sur cette maladie, mais il n'y a pour l'instant pas d'explications ou de remède à ce phénomène rare, ne touchant qu'une personne sur un milliard.
Mes parents m'ont interdite d'écriture depuis que j'ai été diagnostiquée, lors d'un séjour à l'hôpital occasionné par le fait que je crache du sang lorsque j'avais 10 ans. Après un an d'analyses et de garde à vue à l'hôpital, un médecin a trouvé une information étrange dans un de mes résultats. Certaines de mes cellules se décomposaient sans en produire de nouvelles. A petite échelle, cet élément aurait pu être qualifier de négligeable, mais le problème était qu'il touchait plusieurs milliers de mes cellules, peut importe leur fonction ou leur localisation dans mon corps.
Il a fallut une année supplémentaire pour découvrir que l'arrêt de la mitose de certaines de mes cellules s'aggravait lorsque j'écrivais, en touchant de nouvelles. Si je n'écrivais pas, les cellules disparaissaient juste sans laisser de traces sur d'autres cellules. C'est à ce moment là que quelqu'un a fait le rapprochement avec la plumitisme.Des consignes strictes ont étés données à mes parents pour que je ne meure pas prématurément. Je ne devais en aucun cas écrire, que ce soit sur papier ou par informatique. Des dispositions ont étés prises pour que je puisse vivre normalement sans écrire. Mes parents ont acheté plusieurs assistants vocaux et m'ont offert un téléphone avec assistant vocal et transcription instantanée. Ainsi, je pouvais prendre des notes sans écrire, envoyer des messages, faire des recherches sur internet ou transmettre des informations à mes parents sans avoir à écrire.
Mais malheureusement, j'étais une écrivaine dans l'âme, incapable, comme des milliers d'autres, de ne pas écrire. C'était un réflexe. J'avais des histoires à partager, il fallait que je les pose sur papier. Je ne pouvais pas simplement les dictées à un IA, le travaille derrière l'histoire me paraissait effacé lorsque je faisait ainsi, je n'avait pas l'impression de parvenir à transmettre ce que je voulais lorsque je faisais comme ceci. Alors que dès que j'avais un stylo dans les mains ou un clavier sous les doigts, mes doigts volaient de mots en mots, formant des envolées lyriques et des rêves prenant vie. Le grattement du stylo sur le papier, le cliquètement des touches était un son qui ne pouvait être réaliser par une IA. Le sentiment d'autosatisfaction ne pouvait être atteint lorsque le contait une histoire à un ordinateur.
Alors, j'écrivais en cachette.
La nuit, je tapais de multiples histoire sur le clavier de mon ordinateur, les transmettant ensuite à un publique divers sur des plateformes internet. Et le jour, j'écrivais sur papier. J'étais parvenue à trouver un ancien club de calligraphie qui vendait toutes les encres qu'il possédait et offrait des blocs de feuilles avec. J'avais, avec mon argent de poche, acheter des monceaux d'encre et de papier. Ils s'empilaient dans un bureau que je louais dans un studio avec l'aide de mes parents. Il m'avait fallu attendre mes 17 ans pour réunir tout le matériel que j'avais à présent, en faisant en sorte que mes parents et mon entourage ne le découvre pas. J'avais du attendre cinq ans pour pouvoir réécrire sur du véritable papier, mais à présent que je le faisais, je me sentais libérée d'un poids. Le fardeau trop lourd qu'était les nombreuses histoires s'accumulant dans ma tête s'allégeait peu à peu.
J'écrivais frénétiquement pendant des heures, sans pouvoir m'arrêter. Mais à un moment donné, j'étais bien obligée. Soit parce que je devais rentrer rejoindre mes parents, soit parce que mes symptômes s'aggravaient de manière incontrôlable.Je faisais de mon mieux pour cacher mes symptômes, qui n'étaient pas sensés apparaître tant que je n'écrivais pas. Ils variaient de simples démangeaisons et sensations désagréables jusqu'à des vomissements, évanouissement et me faire cracher du sang. Je devais donc me restreindre lors de leurs apparitions. J'arrêtais généralement d'écrire pour quelques jours, le temps que mes cellules atteintes par la plumitisme disparaissent. Je recommençais alors à écrire, redémarrant le processus de propagation de la maladie à un plus grand nombre encore de mes cellules.
Aujourd'hui, mes parents et moi avons rendez-vous pour un contrôle de l'évolution de la plumitisme en moi. J'arrête d'écrire deux semaines avant chaque contrôle, pour éviter que les médecins ou mes parents découvrent que je ne suis pas les instructions qui me permettront de rester en vie.
Nous sommes entrés dans le cabinet du médecin en charge de mon cas. Après quelques vérifications de mes constantes physiques et une prise de sang, nous voilà tous assis dans le bureau du docteur. Il nous a transmit de nouvelles informations. Des scientifiques réalisent une étude sur la plumitisme depuis plusieurs années, et mon médecin nous tient au courant lors de ces rendez-vous semestriels des avancées dans la recherche.
Il y a deux ans, il m'a expliqué le nom de la maladie. La plumitisme. Plumitisme vient du mot plumitif, qui qualifie un écrivain amateur. Elle a été nommée ainsi car elle ne touche que les auteurs et les gens qui écrivent beaucoup pour le plaisir, et qu'elle les empêche d'écrire, les mettant de ce fait, au même niveau que des amateurs, car dans l'incapacité d'écrire.
Aujourd'hui, il me transmet l'approximation du temps qui m'est retiré pour chacune des actions d'un écrivain.
Chaque mot me retire 1 minute.
Chaque phrase m'en ôte 15.
Chaque chapitre m'en retire 30.
Une histoire me vole 1 an.
Je n'ai même pas envie de tenter de calculer le temps de vie que j'ai perdu jusqu'à présent en écrivant, je sais qu'il est beaucoup trop important.
Rien que le fait que j'ai écrit une trentaine d'histoires me retire 30 ans de vie. Sachant qu'elles comptent en moyenne une cinquantaine de chapitre, ça me retire 45 000 minutes en plus. Je n'ai pas le courage de compter plus loin. Je fais comme si de rien n'était, mais ces informations m'impact réellement.
C'est pour ça que j'ai décidé d'écrire cette histoire. Pour vous raconter ce que je vis avant de disparaitre, emportée par tout ce que j'aurais écrit malgré que cela me tue chaque instant un peu plus.
Voici ce que je laisse à mes parents pour leur expliquer qu'il était inutile d'essayer de comprendre que je ne peux pas m'arrêter d'écrire, que cela m'est aussi naturel que de respirer.
Voilà ce que j'offre au monde par delà la mort qui me tend les bras.
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J'espère que ce premier chapitre vous aura plus. Cette histoire ne comportera que 3 chapitres, elle sera bientôt terminée. Pour information, cette histoire sort de mon imagination, et la plumitisme également (même si plumitif est un terme existant, bien que n'ayant pas exactement ce sens). Il n'y a donc normalement aucun risque que vous attrapiez cette maladie fictive.
Je ne ferais pas d'autres notes à la fin des chapitres, donc je vous laisse profiter de cette histoire jusqu'à la fin.
A+
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Ecrire contre ma vie
Художественная прозаChaque fois que j'écris, c'est du temps perdu, de l'énergie volée. Chaque fois que j'écris, je me meurs un peu plus. Car en échange d'écrire, je donne ma vie. Et pourtant, je continue.