✧ Chapitre 25 ✧

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Le repas qu'on leur servit ce jour-là ne fut pas très copieux. Ils eurent droit aux fonds de réserves, épuisés par le retard de ravitaillement causé par l'arrestation de leur précédent complice. Leurs gamelles furent uniquement constituées de pain raci, des dernières pommes de terre qui n'avaient pas encore germées et un peu de poisson fumé pêché le matin même.

Tous avaient hâte de goûter les précieux mets que ramèneraient l'équipe d'Orel, bien que leur absence prolongée commençait à en inquiéter certains. Habituellement, leurs expéditions duraient à peine quelques heures, le temps de faire l'aller et retour. Or, cela faisait une matinée entière qu'ils étaient partis du Liberate.

A ce propos, Marta s'était déjà éclipsée avec Luke et Isaak dans les entrailles du navire pour vérifier leur cargaison et, sans doute, parler entre officiers du navire du retard inhabituel d'Orel.

Un pont plus haut, le reste de l'équipage savourait son repas modeste dans la même ambiance conviviale qu'à l'accoutumée. Bien que l'absence d'une dizaine de matelot occupait l'esprit de bon nombre d'entre eux, les hommes des Keppler gardaient leur inquiétude discrète et mangeaient en se racontant leur journée.

Thaalya et Thomas s'étaient installés à table avec d'autres matelots, qui s'étaient mit comme objectif de lui partager leurs aventures individuelles et comment ils s'étaient retrouvés à bord de l'un des navires les plus puissants des Quatre Mers. Certains venaient d'Edimas, d'autres des Îles Internes ou encore de Klev. Avant de s'engager dans l'équipage des Keppler, la plupart n'étaient qu'artisans, marchands, agriculteurs tandis que d'autres, plus rares, avaient déjà été matelots dans d'autres navires. La majorité des hommes de l'équipage avait tout appris ici-même, sous les ordres de Marta, Orel, Luke et Isaak qui, à eux quatre, avaient formé les premiers membres du Liberate.

Thomas fut aussi surpris d'apprendre par ses frères d'armes que Jay, l'infirmier, venait de Wéliven. Les matelots wéliviens étaient rares à cause des tensions qui liaient le continent de l'est aux peuples maritimes depuis la nuit de temps. Cependant, il s'agissait de l'unique contrée qui possédait suffisamment de richesse pour former ceux qui le souhaitaient. Toutes les personnes de l'intellectuel provenaient de Wéliven, les médecins ne faisant pas exception. Or, ces personnes là étaient indispensables dans les grands navires pirates tels que le Liberate.

Cette discussion aurait été l'opportunité parfaite pour Thomas de partager l'actualité de la v'île aux matelots qui l'avait quitté quelques décennies plus tôt, mais une règle d'or du Codex le lui en empêcha.

On le lui avait répété tant de fois qu'il pourrait la réciter avec trois verres de rhum dans le sang : " Toute information concernant la vie hors-navire doit systématiquement passer par le ou la capitaine avant d'être partagée au reste de l'équipage."

En s'enrollant dans n'importe quel navire, les matelots s'engageaient à respecter cette charte sacrée.

Evidemment, Thomas n'allait pas mettre en péril son séjour à bord pour une pincée de nouvelles, qui plus est, étaient peu joyeuses.

Comment réagiraient les hommes de cet équipage s'ils apprenaient que leur terre natale se mourrait à petit feu ? Mieux valait ne pas jouer avec de telles informations. De toute manière, les capitaines étaient très certainement déjà au courant, et de ce qu'il comprit, ils n'en avaient pas informé leur équipage.

La vérité pouvait être à double tranchant : autant destructrice qu'encourageante.

Thomas fut donc contraint de taire ses paroles lorsque les hommes autour de lui, sourire aux lèvres, partagèrent leurs souvenirs nostalgique de l'âge d'or d'Edimas qu'ils avaient quitté quelques décennies plus tôt.

Meeryn's Tales - Edimas : Tome 1 [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant