Meeryn's Tales - Edimas : Tome 1 [TERMINE]

✧ Chapitre 29 ✧

Les ordres de Marta fusaient encore lorsqu'il avait décidé de leur fausser compagnie.

Dehors, sur le pont, l'air se faisait trop lourd. Il ne savait pas s'il s'agissait des regards dévastés de ses frères ou du soleil pesant, mais un malaise certain lui martelait les tempes depuis quelques minutes déjà.

Orel ferma la porte de la cabine derrière lui sans prendre le temps d'essuyer sa main moite sur sa chemise. Il savait pertinemment que ce geste serait vain.

Personne ne se trouvait dans l'espace réservé à sa famille. Thaalya prêtait main forte aux matelots pour décharger la cargaison, et Marta donnait ses instructions à Isaak et Luke. Il avait quelques minutes devant lui.

Mais le temps s'écoulait rapidement. Trop rapidement. Sans en perdre davantage, il ôta son mousquet de ses épaules pour l'accrocher à son support en bois, prêt de la porte d'entrée. Lorsqu'il referma le loquet en métal autour du canon, son regard s'arrêta sur les magnifiques gravures de Kraken qui se trouvaient sur la crosse en métal. Ces dernières étaient maculées de terre et de sang séché.

Dégoûté, il tourna vite les talons, remettant ainsi à plus tard cette pénible tâche de nettoyage qui lui rappelerait les visages défigurés de ses défunts frères.

Il ôta son long manteau de cuir qui empestait la poudre et la sueur afin de le jeter misérablement sur la table centrale, faisant ainsi tomber au sol les quelques feuilles volantes qui s'y trouvaient. Ces dernières se posèrent sans un bruit sur le tapis épais de la cabine, avant de se faire écraser brutalement par ses bottes pleines de terre.

Les ôter ne lui avait même pas traversé l'esprit.

Il tourna les talons pour retourner à l'entrée de la pièce avec la ferme intention de ne pas salir davantage la suite familiale. Mais il s'immobilisa au milieu du chemin, le regard rivé sur ses mains crispées.

Elles tremblaient.

Lui, Orel Keppler Athius était en train de trembler.

Il tenta de se ressaisir en fermant les poings puis en faisant craquer ses phalanges, mais rien n'y fit. Les secousses ne s'arrêtèrent point. Plus inquiétant encore, des fourmillements commencèrent à démanger son bras gauche, comme si sa circulation sanguine s'était soudainement ralentie.

Il tenta de jurer à voix basse, mais seul un grognement épuisé s'échappa de ses lèvres sèches. Sa mâchoire se crispa. Il retourna près de son bureau malgré ses bottes sales, et tenta d'attraper sa plume fièrement dressée dans son encrier.

Ses doigts engourdis n'attrapèrent que de l'air, la manquant de quelques millimètres à peine. Il l'aurait peut-être eu avec une seconde tentative, mais le temps filait.

Il s'écoulait même trop vite.

Mettant cela sur le compte de la blessure sérieuse qu'il avait récoltée à l'épaule gauche, le capitaine reposa son membre paralysé contre son torse maculé. Cela fut suffisant pour diminuer les tremblements. Ensuite, il s'affaissa dans l'un des fauteuils après l'avoir tourné de sa main valide en direction de la paroi vitrée, sans même remarquer qu'il s'agissait de celui de sa compagne.

Le soleil était encore haut dans le ciel, mais ce n'était qu'une question de minutes avant qu'il ne commence sa descente habituelle. Ils s'étaient absentés plus longtemps qu'il l'eut cru.

Il avait toujours eu cette mauvaise impression que le temps s'écoulait différemment sur le continent de l'est. Là-bas, tout semblait statique. La terre ne dansait pas comme les vagues et le vent se taisait étrangement. Le territoire de Cenma lui avait toujours paru ridiculement inactif.