Au cœur du Trou Noir....

Chapitre 2

Pendant que les journalistes en finissaient avec le docteur Villedieu, je regardai l'assemblée : les policiers étaient aux quatre coins de la grande salle et scrutaient les spectateurs. Je restai donc à ma place. J'allais faire semblant pour le reste de la séance, puis m'échapper en douce.

On me posa des questions de type "Qu'est-ce que ça fait d'avoir été choisie", "Que pensez-vous du progrès de l'humanité"... Enfin bref, il suffisait de surjouer, sachant que tout le monde sait que répondre à ce genre de question quand il s'agit de faire semblant d'être un docteur passionné de sciences. Les journalistes se tournèrent ensuite vers le docteur japonais. Puis, ils interrogèrent les six autres tours à tours. La vraie Ericka finit par revenir, mais les vigiles qui me voyaient bien présente à sa place, l'empêchaient de me rejoindre, croyant avoir affaire à une fanatique déjantée. Les policiers, quant à eux, avaient fini par s'en aller à peu près lorsque l'interview prit fin. Je tentai alors de m'éclipser quand un vigile me rattrapa :

« Docteur, nous n'avons plus le temps, la voiture vous attend !

- M'attends pour quoi... déjà ?

- Eh bien ! Pour passer les tests ! Quelle question !

- Mais bien-sûr ! Les tests ! Vous m'excuserez, le décalage horaire, l'interview, la tournée internationale...

- Oui, c'est compréhensible. En parlant de décalage horaire, on vous attend aux U.S.A. à 16h00, heure locale cet après-midi, c'est pourquoi il vous faut vous presser.

- Surtout que je ne dois absolument pas rater les tests ! ajoutai-je faussement enjouée.

- Sinon ce serait compromettre votre qualification pour la mission, c'est certain, répondit le vigile légèrement intrigué par mes étranges réactions...»

Voilà désormais que je savais ce qu'il me restait à faire : rater les tests et rentrer en France... Bien que j'y sois déjà en soi. Oui... C'est déroutant.

Embarquée, plus de force que de gré, je me retrouvai dans un aéroport... Nos passeports avaient été pré-vérifiés (ouf), nos bagages pré-enregistrés, nous n'avions plus qu'à monter à bord de l'avion privé. J'avoue que c'était... CARRÉMENT TROP LA CLASSE ! Et que ça ne me déplu pas de faire le trajet ainsi.

Je vous passe les détails de mon arrivée : tapis rouge, photos, questions ! Je vivais ma vie de star... tant qu'à en être une, autant en profiter un maximum !

On nous attribua nos chambres d'hôtel, et nous donna les horaires des fameux tests... N'étant pas du tout celle que je prétendais être et n'ayant pas ses qualifications, j'allais et devais forcément les rater. Pour l'instant je devais me rhabiller pour aller dîner... avec SES vêtements... n'aurais-je pas préféré le commissariat ?

Non ! Pas pour une telle aventure qui remue ma vie - bien que devant porter des vêtements (et autres...) qui ne sont pas miens...

Le lendemain, on nous soumit à un test de mathématiques. Pas de divisions non, pas de problèmes de proportionnalité ni de trigonométrie, mais des fonctions exponentielles, logarithmiques, périodiques, trigonométriques, sinus, cosinus et tangentes, des équations polynomiales, diophantiennes et linéaires, des problèmes sur l'attracteur étrange et le système dynamique...

Voilà longtemps que je ne m'étais pas trouver face à des exercices de maths de haut niveau... Ce qui autrefois m'avait lassée et fait renoncer à mes études, me démangeait à présent... Il y a une chose peut-être que j'ai omis de vous dire... Un petit détail : je suis surdouée et ai obtenu le diplôme du bac à l'âge de quinze ans. Je me suis arrêtée à une année d'obtenir mon master en mathématiques et applications.

Je devais rater... mais ce perfectionnisme, cette envie de remplir les cases, d'aligner ce qui doit être aligner et d'équilibrer ce qui devait l'être m'obligea à remplir sérieusement - et malgré moi avec plaisir – toutes les questions. Je me revoyais en colle, en DS, en concours. Je ressentais à nouveau la frénésie de la réussite, la satisfaction de voir la logique reprendre ses droits... Bon... tant pis, me voir fausser mes résultats intentionnellement me répugnait, je m'autorisais donc à réussir ce test, comptant bien rater les autres.

Après quatre heures, nous eûmes droit à une pause, avant de repartir pour quatre autres heures. Le soir j'étais épuisée ! Le surlendemain, on nous fit passer un test de psychologie. On nous posait d'étranges questions parfois étonnamment voire trop simples, et quelques fois vraiment psychopathes. Il fut difficile de me faire plier enfin sous l'émotion à laquelle ils voulaient nous voir succomber, étant donné que j'en avais vu bien d'autre... Notamment le décès de mes parents sous mes yeux alors étant toute gosse... - d'où mon éducation chez ma grand-mère au passage - tout cela pour dire qu'il en fallait beaucoup pour me voir craquer. C'est ainsi, juste par plaisir de la résistance, de montrer ma force et de voir mes propres limites, que j'ai résisté jusqu'à la fin du test... Je me disais que je pourrais toujours rater le prochain !

Le prochain fut un test de force et de réflexe... Pour une aïkidoka 1er Kyu, c'est un jeu d'enfant. Mes réflexes sont des plus rapides, ma résistance à la douleur est puissante, et ma force est développée - faire du parcours sa paye... Étant une grande fan de sports et de défis, je me permis encore un petit écart à ma règle, et fis les tests avec application et concentration. Comme ce fut plaisant de se défouler ! De montrer sa puissance mentale à résister à la douleur !

Les autres tests furent des tests de déplacements sous-marins, de capacités en électronique et informatique, de communication et de lettres (en la langue de chacun bien-sûr). Le problème est que mon ancienne maison que j'habitais durant ce que j'appelle mon « ancienne vie » avait une piscine et que j'ai fait les premiers pas dans l'eau, que j'avais effectué un stage d'été dans la boîte d'électricien que dirigeait mon père, que j'étais – depuis l'arrêt de mes études – devenu une vraie geek, que j'avais appris - pour rassasier ma soif de savoir – le morse, le braille, le langage international et le langage binaire. Le seul test que j'aurais pu rater était le test de français aussi appelé « test de lettres ». J'avoue que je craignais un peu d'avoir réussi la majorité des tests... pourtant il ne fallait absolument pas que je sois retenue.

Je ne le savais pas encore, mais le pire restait avenir...