Pourtant, que la montagne est belle, comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles, que l'automne vient d'arriver ?
Le peloton ne s'arrête jamais, mais il roulait lentement sur les routes suisses cet après-midi là. Les maillots aux couleurs si différentes les unes des autres se mélangeaient tandis que cent mètres devant, ceux où orange et rouge se mêlaient menaient la procession. Le silence n'était brisé que par des sanglots, le ronronnement des voitures des différentes équipes et les maigres applaudissements de la foule dispersée les soutenant et tentant de les réconforter de la seule façon qu'elle le pouvait alors qu'elle pleurait elle aussi l'enfant du pays.
Les discordes de famille n'existaient plus alors que tous portaient un brassard noir en haut du bras et qu'ils pleuraient l'un des leurs. Dans le peloton ce jour-là, il n'y avait plus d'équipiers et de leaders, plus d'échappés et de poursuivants, il n'y avait que des cyclistes aux cœurs brisés qui auraient préféré ne pas rouler. Parce que ce jour-là, le cyclisme avait perdu une de ses étoiles montantes, elle avait rejoint tous ceux qui avaient péri sur les routes avant elle, veillant désormais sur le peloton du haut du ciel.
Le peloton ne s'arrête jamais et c'est ce qu'il aurait voulu. Alors ils avaient enfourché leur vélo et ils avaient fait ce qu'ils préféraient au monde sur ses terres. Celle où il avait un jour gagné et qu'ils auraient toutes trouvées magnifiques dans un autre contexte.
Mais ce jour-là, la montagne n'était plus aussi belle. Le soleil brillait alors que le peloton zigzaguait sur les routes vallonées pour quelques kilomètres. Les larmes ne tombaient pas du ciel mais roulaient sur les joues de certains obligés de mettre pied à terre et réconfortés au milieu de la route par des amis ou des connaissances croisées uniquement à l'occasion de quelques semaines de course chaque année. Ce jour-là, alors que la pluie roulait sur les joues et que l'orage grondait dans les cœurs, le soleil illuminait le peloton, comme il l'avait fait avec sa joie de vivre et son sourire pendant des années.
Ce soir, des choix devraient être faits et des équipes et coureurs partiraient. Les autres continueraient, parce que c'était certainement ce qu'il aurait voulu. Ce soir, il faudrait décider de la suite de la compétition alors que le vélo ne semblait soudain plus vraiment important. Ce soir, l'incompréhension et la colère gorgeraient de nouveau les cœurs alors qu'un choix de parcours leur avait volé l'un des leurs.
En attendant, ils roulaient, tentant d'effacer les images de leurs esprits où ils auraient été ceux ratant ce virage à cent kilomètres heure avec comme seule protection leur courage et leur passion, jouant avec la faucheuse alors que leur équilibre ne tenait toujours qu'à un fil. Alors que leurs jambes chauffaient et bougeaient sans discontinuité, ils pensaient surtout à l'ami. Lui qui aimait le vélo et la montagne. Lui qui aurait tout donné pour protéger ses neiges éternelles qui fondaient pourtant ce jour-là sous les températures au-dessus des normales et la lourde chaleur du soleil. Lui qui avait adopté un petit chien errant qu'il trainait partout avec lui. Et puis ils pensaient au cycliste, celui pour qui l'avenir semblait radieux et à qui des victoires sur les plus beaux tours semblaient à nouveau promises.
Le peloton ne s'arrête jamais, mais ce jour-là, quand il franchit la ligne d'arrivée de l'étape neutralisée, un de ses plus brillants éléments était absent. Les montagnes et leurs neiges fondant lentement l'avaient retenu pour l'éternité avant même le début de l'été et pas même le vélo n'arrivait à recoller leurs cœurs brisés.
🤍
c'était un os qui avait été écrit en hommage à gino mader, décédé sur le tour de suisse 2023.
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Tranches de vie • OS sport ✓
FanficBienvenue sur mon recueil de tranches de vie. Ici, vous trouverez des histoires plus ou moins longues sur plein de sujets différents avec des personnages en tout genre. Amitié, amour, dispute, ennemis, il y en aura pour tous les goûts. t e r m i n é...