-5 : Nicole-

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Assis à la terrasse de chez Auguste, le soleil de cinq heures de l'après-midi chauffant mon visage, je prends une grande inspiration. Les partielles sont dans une semaine. Joëlle commence à angoisser, elle ne sort plus de chez elle. Je me retrouve avec Daniel. Je travaille toujours avec Joëlle, on a le même rythme, et on s'entends particulièrement bien. En revanche, je suis incapable de bien travailler avec Daniel. Il est impossible de se concentrer à côté de lui, qui ne peut tenir en place plus de cinq minutes -d'où son ennui pour les cours. J'aime beaucoup être avec lui, sauf avant les partielles. Evidemment, il n'est pas du genre à travailler une semaine à l'avance. Il va encore passer la nuit à relire ses maigres notes, et compenser avec ses lectures. Le pire, c'est que sa méthode de travail fonctionne. Moi, j'en suis incapable, et Joëlle aussi, c'est pour cela qu'on travaille tout les deux -les autres n'étant pas dans la même filière que nous. Nous utilisons une méthode bien à nous. D'abord, il faut réécrire nos illisibles prises de notes, puis, aller marcher, très souvent dans un parc, et s'interroger chacun son tour sur les cours, voire avec des discussions dessus. La plupart du temps, on finit par manger son incontournable plat de pâtes au beurre, affalé devant sa petite télé.

Cette tradition ne plaît pas à Nicole. Elle ne supporte pas que je passe du temps seul à seul avec Joëlle, ou avec n'importe quelle autre fille d'ailleurs. Et ça, ça me fatigue. Je le conçois très bien, mais ça me fatigue, car à chaque fois, je dois la rassurer. Mais elle ne change pas. Ce manque de confiance en elle s'exacerbe, même si j'essaye vraiment de l'aider, rien ne change. Cette idée peut sembler culottée, mais je pense qu'elle ne veut pas changer, qu'elle aime être ainsi, car ça oblige les gens qui l'entourent à la rassurer constamment, à lui donner de l'affection. Et même si je sais que je ne devrais pas, je n'aime pas cette facette de Nicole. En vérité, je n'aime pas Nicole. J'ai aimé son sourire, à cette soirée, mais je n'aime pas la personne qu'elle est. Elle me plaît, elle me fait rire, me fait sourire, mais ce n'est pas de l'amour. Elle ne me manque pas, jamais. Je n'ai jamais été obsédé par elle.

Je ne préfère pas trop y penser. Mais quand je le fais, je me dis que notre visage est l'expression de l'amour, combinaison d'amoureux, de génération en génération, ne serait-ce qu'une nuit. Et je n'ai pas envie de me fondre dans l'être qu'est Nicole, pour créer un hybride censé représenter un sentiment que je n'éprouve pas pour elle.

Ça fait bientôt 6 mois qu'on est ensemble. Au début, je pensais que je l'aimais, quand je ne la connaissais pas encore. Puis, il y eu ce jour. Il faisait gris, je déteste ce temps. Elle me parlait ... je ne me rappelle plus de quoi, et j'ai réalisé qu'elle n'était pas intéressante. Ses conversations sont d'une banalité affligeante. Je ne peux pas la blâmer, toute sa vie, ses parents ne lui ont parlé que de la nécessité d'une réussite scolaire. Comment veux-tu faire la conversation avec comme bagage culturel uniquement un savoir académique, appris et réappris, par cœur...

Cette expression « par cœur » est d'un paradoxal ! Que vient faire le cœur dans l'apprentissage des cours ? Ce n'est pas comprendre par cœur, c'est apprendre, parfois sans piger un traître mot. Ça n'a ni sens, ni intérêt, de parler de cœur. Le cœur c'est la vie, c'est la passion.

Je m'égare.

Nicole donc... Elle est gentille... mais n'est pas originale dans sa banalité.

« Je veux qu'on fasse uniquement un mariage civil » m'a-t-elle dit un jour. J'ai recraché ma gorgée d'eau.

« Pardon ?

- Je veux qu'on se marie à la mairie, pas à l'église, histoire de faire chier mes parents.

- Mais... pourquoi tu parles de mariage ? Ai-je demandé, perplexe.

- Bah, je sais pas... Faut bien se mettre d'accord. Pourquoi t'es pas d'accord ? Tu préfères le mariage religieux ?

- Non, je...

- Tant mieux, faisons ça alors.

Je n'ai pas su quoi répondre, mais j'ai su quoi penser. Je n'aime pas Nicole, en tout cas, pas au point de passer ma vie à ses côtés. C'est tout. 

MichelleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant