Michelle

-17 : l'atelier-

Installés à la terrasse du café où travaille Joëlle, nous crevons de chaud. Nick n'arrête pas de se plaindre. Daniel s'enfile des litres et des litres d'eau, que Jo' lui apporte, hilare, bien qu'épuisée par les allers-retours sous ce temps lourd.

Je repense à Pierre. Je m'inquiète. Et si il n'aime pas la bouffe de l'hôpital ? Et si ses insomnies pouvaient désormais lui être fatales ? Et s' il se butait ? C'est si simple... J'ai toujours été très sensible vis à vis de ce sujet. J'ai toujours eu peur pour les autres. Et je sais que la vie de Pierre est loin d'être facile.

Daniel me sort de ma torpeur :

« Eh, tu veux de l'eau ?

Je refuse. Nick rit.

- Propose lui une bière comme tout le monde.

- Avec ce temps, y'a rien de meilleur que de l'eau fraîche.

- Une clope alors.

- Plutôt crever. »

Daniel est catégorique sur la question.

Joëlle s'assit à côté de nous. C'est l'heure de sa pause. « Moi j'dis pas non pour la clope. » déclare-t-elle à Nick, qui lui tend celle qu'il avait sorti précédemment de son paquet. Elle nous montre de sa clope un mec assis à l'intérieur, que l'on arrive à percevoir à travers la vitre du café.

« Vous voyez ce mec ? Il vient de plus en plus ici.

- Jusque là c'est plutôt une bonne nouvelle. Rétorque Rick.

- Je pense que je l'intéresse... Il n'arrête pas de me regarder et engage toujours la conversation quand je le sers.

- Et il engage bien ? Je demande.

- Non, il est très maladroit. Mais ça a d'son charme.

Je la regarde, étonné.

- Donc maintenant même les mecs nuls en drague ont une chance avec les filles ? Me dit Daniel. Putain mec, bonne nouvelle pour toi, ça. Il m'assène un coup de coude peu subtil en souriant.

Ça me rappelle Nicole. Depuis le soir de l'accident des partiels, nous ne nous sommes toujours pas adressé la parole. Avec la fin des cours, c'est compliqué. Il y a toujours les soirées chez Nick, mais elle semble m'éviter. je devrais peut-être réessayer de lui parler, mais j'ai peur de l'embêter. Elle doit être passé à autre chose, et moi je passe encore une fois pour un con. Bref. Ça ne sert à rien d'y penser.

Daniel me voit me débattre dans mes pensées, et vient à mon secours, en me parlant de l'appart, dont la remise des clés ne devrait plus tarder. Il a hâte. Sa chambre est trop petite pour toutes ses plantes. Il me fait rire. Soudain, il s'arrête, et regarde derrière moi d'un air surpris.

"Mais c'est ... tu sais... le gars à la soirée de l'ami de Nicole. Pascal non ? "

Daniel m'avait demandé, plus tard durant cette soirée, le nom de cet homme avec qui je discutais sur le balcon. Mais je fus surpris qu'il s'en souvienne aussi bien. D'ordinaire, il ne dépense pas autant d'énergie à retenir les prénoms de connaissances. Il le salue, moi aussi. Pascal finit par nous voir, et s'approche de nous. On s'échange d'abord quelques banalités et il se présente à Joëlle. Elle me glisse à l'oreille qu'il est plutôt beau garçon. Je le regarde. Son corps est sculpté par les chantiers, et rien ne peut rivaliser face à ses cheveux bruns d'hispanic, je la comprends.

"... mais c'est pas mon style de mec".

Je soupire, et retourne dans la discussion que Daniel, Nick et lui ont entamée. Pascal nous invite une nouvelle fois à venir à son atelier. Avec Daniel, on se regarde : "Pourquoi pas après tout."