2 - Souvenir du passé

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Toi, bel inconnu. Oui, toi qui hantes mes nuits...

J'ai toujours aimé chanter sous la douche en me servant du pommeau comme micro, et m'abandonner au rythme de la musique dans un show personnel qui m'emmène loin de la réalité, loin de tout et de tout ce qui peut interférer avec le bonheur et le bien-être ; m'abandonner au réconfort que cela produit après une bonne dose de stress ou une dure journée de révisions... C'est le meilleur moment de la journée, celui où tu ne penses à rien d'autre que toi : c'est ton moment, ton instant de détente et rien ni personne ne peut t'interrompre ou te l'enlever.

Dis-leur, oui, dis-leur que ce n'est pas un leurre, fredonné-je en virevoltant comme une célébrité en plein concert.

Personne ne peut t'enlever ces quelques minutes qui t'appartiennent et te permettent d'être ce que tu n'es pas.
Toc. Toc. Toc.
Enfin... excepté, peut-être, la sonnerie de la porte d'entrée.
Je me passe un dernier coup d'eau sur le corps, enroule une serviette autour de ma poitrine et...
Toc. Toc. Toc.

– Oui, oui, j'arrive ! C'est pas possible d'être aussi speed à...  je regarde l'heure, huit heures du matin ! Mais qui vient aussi tôt ?

Je lance ma brosse à dent dans le verre en espérant qu'elle ne tombe pas à côté et attrape la première tenue qui me passe sous la main – une robe à volants – sans me soucier de s'il me reste du dentifrice sur les lèvres. Puis, je descends les escaliers trois par trois et ouvre la porte.

– Que faites-vous là ? m'étonné-je en voyant ses deux amis.
– On est venu voir Maor avant son départ, me répond Ossian, le regard éteint par le manque de sommeil.
– Ah, c'est dommage. Vous l'avez loupé de quelques minutes.

Nacio fait demi-tour, lève nonchalamment sa main pour me saluer et me dit de son détaché habituel :

– Tant pis, on l'appellera.
– Je vous sers quelque chose à boire ? je propose avant qu'il ne s'en aille.
– Oui ! Un café, je suis k.o. Nacio a mis son réveil à moins le quart ce matin.

Je diminue légèrement le son de la radio et je leur serre une tasse. Le café que j'ai préparé tout à l'heure pour Maor est encore chaud.

– Merci, Isia. On n'a pas beaucoup dormi cette nuit. On en avait besoin.
– Vous rentrez de soirée ?
– Oui, on est rentré vers... il réfléchit trente secondes, depuis cinq heures.
– Effectivement, vous êtes rentrés tard. Tu veux quelque chose à grignoter ?
– Te dérange pas, le café suffit. Il est corsé mais j'aime bien. Il nous tient éveillé.
– Et toi, Nacio, tu veux manger quelque chose ?

Il m'observe sans répondre, boit une gorgée de son café sans détourner son regard avant de se replonger dans le silence. Mais ce n'est pas pour réfléchir ou pour décider ce dont il a envie ou non. Non, son silence signifie tout autre chose et il est difficile de savoir à quoi il pense, ni ce qu'il a en tête. Il est aussi rétif que le vent. C'est perturbant.

– J'appelle Maor, fait-il pour seule réponse.
– Il s'est levé du mauvais pied ? je demande à son ami.
– Non, il était de bonne humeur tout à l'heure. Il doit sûrement être contrarié.
– Contrarié ? Par rapport à quoi ? Maor ?

Je fais tout mon possible pour essayer de le comprendre. J'essaie. Encore et encore. Même lorsque l'on me conseille d'abandonner, je continue d'essayer. Malheureusement, mes efforts sont toujours vains.

– Je ne sais pas, dit-il sans s'y intéresser, peut-être.

Je le regarde composer le numéro de son meilleur ami et me demande s'il en connaît d'autres. Et si la réponse est positive, lesquels ? Combien de personnes parviennent à déchiffrer ses pensées et son comportement, et combien d'entre elles sont réellement importantes au point d'être dans ses confidences ? Des questions que je ne devrais pas me poser. C'est vrai, elles ne m'apportent rien.

Idylle confuse Où les histoires vivent. Découvrez maintenant