Je la vois au fond de ce lit souffrir le martyre, se décomposer et laisser cette putain de maladie prendre le dessus. Elle prend du terrain à chaque nouvelle partie de peau tachetée de rose. Je ne sais que faire, la paravie ne se soigne pas et ne disparais pas non plus. Elle accompagne la victime dans une lente descente aux enfers que je ne connais que trop bien à cause de ma sœur. Il y a quatre ans de cela, Aloé a commencé à avoir des poussées de fièvre. Peu à peu de petites taches rouges sont apparues, elle bougeait, tremblait, convulsait en parlant une langue ancienne et oubliée de tous. Le nyara, il est le moyen de communication de nos ancêtres. Ceux que nous ne connaissons pas et ceux dont nous ne connaitrons l'existence. Après le Grand Changement, nous aurions oublié nos origines, d'où nous venions. Cette bactérie reprendrait le contrôle de notre société en choisissant les individus pouvant la supporter et leur ferait subir les pires atrocités, tout cela pour recommencer à vivre comme avant. Ma petite sœur est cette personne, cet habitat parfait pour la paravie. Je déteste ceux d'en haut pour cela, pour laisser cette enfant d'à peine dix ans essayé de se battre en vain contre un ennemi bien trop grand pour elle, un ennemi qu'ils ne connaîtront jamais. Soudain un bruit brisa le silence régnant dans la pièce, par instinct, je regarde alors Aloé. Elle entrouvre ses lèvres, mais aucun son n'en provient seulement : «⩭◲Ͱ◲ʭ⨘∻ ... ». Je l'entends prononcer mon prénom avec la plus grande difficulté, je l'arrête immédiatement en me précipitant au bord de son lit, la seule chose qui est dans cette toute petite pièce blanche éclairé d'une immense lumière. J'entrelace mes doigts avec les siens pour lui apporter tout mon soutien. Avec l'habitude de ses crises je me suis surprise à reconnaître certains mots du nyara. Cependant, je ne comprends pas encore tout, à part mon prénom je n'arrive pas à déchiffrer ces énigmes. Elle ferme les yeux, elle a l'habitude de ne pas se reposer une seule seconde mais je la vois s'endormir d'épuisement. Je préfère la laisser dans les bras de Morphée pendant que je m'extirpe de cette pièce. En sortant dans le couloir je peux voir qu'ils ont décidé d'éteindre toutes les lumières pour laisser dormir les résidents de l'hôpital. Je vois seulement un cadrant afficher l'heure : 04 :09. Cela fait bientôt deux jours que nous sommes coincées dans cet endroit sans avoir aperçu ne serait-ce que la lumière du jour.
...
Un médecin vient m'interpeller et me demande uniquement une chose, il veut qu'Aloé quitte cet endroit. Non pas parce qu'elle est guérie mais bien parce qu'ils ont besoins d'une chambre, il m'explique que ma sœur peut être soignée à distance chez nous avec une bonne dose de médicaments qui la feront probablement souffrir bien plus que la paravie. Malheureusement, je n'ai pas le choix, ils ont raison sur un point, ma sœur n'est pas la priorité, ce n'est pas sa première crise et encore moins la plus violente. Cependant, elle a besoin de soins pour guérir complètement et pas seulement être de retour parmi nous, auprès de moi. Je reconnais maintenant tous les effets de cette maladie comme si elle m'habitait. Je n'ai pas besoin d'être médecin pour comprendre que ma sœur est faible face à cet ennemi qu'elle ne peut affronter. Je la laisse se reposer en attendant une heure tout au plus sur la chaise devant la porte de cette chambre que nous allons bientôt laisser vide. Une infirmière passe devant moi en m'ignorant, avec tant de vitesse que j'aperçois seulement une silhouette dans l'obscurité. Elle ouvre la porte brutalement et s'approche d'Aloé dans un fracas qui réveillerait tout l'hôpital. Je me lève et la suis jusqu'à l'entrée de cette pièce. Elle soulève le bras de ce qui bientôt ne sera plus sa patiente et enlève les fils qui reliait le corps de ma sœur à ces machines dont le bruit ne m'est que trop peu familier. Elle la soulève de son lit, s'assure seulement qu'elle tient debout puis enlève les draps du matelas pour préparer cette chambre pour le prochain à qui ils donneront une seconde vie comme ils le disent. Elle n'attend pas que nous soyons sorties mais je comprends très vite qu'il vaut mieux pour nous que nous nous éclipsions. Nous sortons de cette pièce pour enfin nous libérer de ce bâtiment. Nous marchons dans ce dédale entre couloirs et escaliers, nous cherchons la sortie de ce labyrinthe. Nous arrivons dans un hall presque vide, seulement une infirmière accueillant les nouveaux clients. Je m'avance devant l'immense porte qui se dresse en face de moi. Elle doit faire quatre fois ma taille. Quand j'étais petite, je disais qu'elle montait jusqu'au ciel et qu'elle atteignait le paradis, aujourd'hui, je me rends compte que cette porte mène aux enfers. J'arrive à l'entrouvrir avec difficulté, juste assez pour qu'Aloé et moi puissions passer et nous extirper de cet endroit.
...
En haut de cet escalier qui surplombe la ville, j'aperçois la foule. Cette foule d'où je peux distinguer le petit garçon qui pleure car il vient de tomber, l'homme se pressant pour ne pas arriver en retard à son lieu de travail qui lui est si cher. Cette marée de personnes est éclairée par le soleil se levant comme s'il donnait vie à notre monde. Je reconnais avant tout dans cette immensité Adrien. Je guide ma sœur vers cette silhouette que je reconnais entre mille. Il nous attend avec impatience, ses bras sont croisés, je comprends très vite qu'il nous a attendus durant ces deux jours. Je vois briller les yeux de ma sœur à sa vue. Il est la seule famille qui nous reste, à ma sœur et moi. Sa silhouette se précipite vers nous. « Tu es venu », on entend dans ma voix comme un soulagement, je ne suis plus obligée de porter le poids du monde seule sur mes épaules. Adrien s'accroupit devant ma sœur titubante, elle n'hésite pas un instant avant de finir sur le dos de mon meilleur ami pour l'emmener chez nous. Notre trio traverse la moitié de la ville à la recherche d'une petite maison. Le paysage change à mesure que nous quittons le cœur de la ville, les grattes-ciel font place à de petites chaumières. Je vois une cheminée cracher sa fumée noirâtre avant qu'elle ne se disperse grâce à la force de la brise printanière. Je reconnais tout de suite l'endroit au loin. Je me tourne vers Aloé pour lui dire que nous sommes arrivés mais je la vois endormie paisiblement comme si tous ses problèmes avaient disparus pendant ce court instant. Je donne deux petits coups sur la porte, j'attends quelques secondes avant qu'une petite dame vienne m'ouvrir. Je la reconnais en une fraction de seconde : ma mère.
...
Elle ne pose aucune question en me voyant les cheveux ébouriffés et possédant d'immenses poches sous les yeux. Elle m'enlace simplement, sans un mot. Elle me laisse rentrer avec Aloé sur le dos de son fils. Adrien dépose délicatement ma sœur endormie, encore en tenue provenant de l'hôpital, sur le divan du salon en la recouvrant d'un tissu léger en guide de couverture. Il revient vers moi,« Merci ⨮⁘⨮⁘⨭». Je remercie celle que je considère comme de ma famille alors qu'elle me répond avec un petit sourire chaleureux. J'ai pris l'habitude de l'appeler ainsi car selon les livres anciens que nous possédons, ce surnom serait consacré à celle qui nous porte pendant neuf mois. Elle dévisage brièvement son fils, pas besoin de la connaître pour savoir à quoi elle pense actuellement, elle aurait aimé que je sois son enfant biologique et non Adrien. Elle adore nous comparer, elle ne se cache pas, elle aime son fils, c'est une certitude mais elle m'aime encore plus. Les Quartz sont comme notre famille. Dès ma naissance, ce furent les seuls qui m'aient pris sous leur aile. Ma mère biologique ne m'a jamais reconnue comme son enfant légitime. Elle ne nous adresse plus le moindre mot, le moindre regard, elle dit que nous sommes des anomalies, que nous n'aurions jamais dû exister. Alors, nous faisons de notre mieux pour ne faire aucune vague et la rendre fière malgré tout. J'ai appris à Aloé depuis qu'elle est née à se faire la plus petite possible, subir le jugement des autres sans dire le moindre mot. C'est la mère d'Adrien qui nous l'a enseigné, cette attitude qui nous permet de rester en vie. Elle nous a tout appris, tout ce que je transmets à ma sœur, c'est avant tout elle qui me l'a montré. Elle est pour nous comme une mère tout comme pour moi Adrien est un frère. Ma sœur et moi considérons cet endroit comme notre maison, notre réel foyer. Ils nous soutiennent car nous ne pouvons vivre seules avec ma sœur. En proie au critique de la société, la population nous déteste malgré nous. Alors, nous restons discrètes, nous souffrons en silence pour ne pas attirer le regard. Cachées loin de tous, nous vivons tranquillement et nous espérons que cela va encore durer longtemps.
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Emeraude
Science FictionDans une société régie par l'ordre social donnée par des pierres à la naissance, Heredis étant une jeune enfant née sans cela est considérée comme l' anomalie, l'intruse, l'étrangère, les autres lui donne beaucoup de nom. A la place d'être bizarre...