Emeraude

IV Dax

Assis face à moi, cet inconnu semble attendre que je parle. Je ne sais que dire, que faire, alors je suis mon intuition. Je décide de prendre l'initiative de briser ce silence, mais avant que je ne puisse dire le moindre mot, il m'interrompt. Il prononce à voix basse mon prénom comme s'il s'agissait d'un mot interdit, un mot que personne ne devrait entendre. Je le regarde stupéfaite, il me connaît alors que je ne connais rien sur lui. Il connaît mon prénom, il savait où me trouver et comment me faire venir dans cet endroit qui ne m'inspire aucune confiance. Il explique pourquoi nous sommes ici lui et moi. Il m'interroge sur ma pierre. Pourquoi je n'en ai pas ? Comment je peux vivre sans ? Ce n'est pas moi qui l'intéresse, ce que je ne peux posséder l'intrigue. Il me pose la question, celle que personne n'ose me demander de peur de la réponse : ai-je consulté le livre intrafamilial ? Cet ouvrage si particulier. Dedans sont classées toutes les personnes de ce monde. Le livre leur dédie une page avec inscrits leur pierre et les membres de leur famille. Ce livre possède ainsi ce qui était, ce qui est et ce qui sera. Ceux qui tournent ces pages veulent connaître leur futur, ce qui les attend, pourquoi sont-ils sur cette terre. Nos destins sont gravés à l'encre que le livre a imprimé, nous ne pouvons y remédier. Nous avons beau essayer de faire ou de défaire notre propre vie, elle est déjà écrite pour nous. Nous avons le droit de frôler du bout des doigts ce papier une seule fois au cours de notre vie. Cet homme veut savoir mon propre destin alors que moi-même, je ne veux le savoir.

... 

Je réponds négativement à toutes questions qu'il me pose sans aucune gêne. Aucune pierre, aucune famille, aucun futur. Il ose enfin arrêter son interrogatoire et se lève pour s'asseoir à mes côtés : « Heredis, nous avons besoin l'un de l'autre. Je t'ai observé, toi et le lourd fardeau que représente ta sœur. J'ai une proposition à te faire, une proposition que tu ne peux refuser. Ne t'es-tu jamais demandé pourquoi étais-tu comme cela ? » Je réfléchis pendant, je crois, une dizaine de secondes qui me paraissent une éternité. Je me pose des milliers de questions, il sait qui je suis, il m'a suivi, si cet inconnu connaît Aloé, ma sœur est en danger. Toutes ces questions sont effacées par une seule qui me fige sur place : « Pourquoi veut-il savoir qui je suis ? » 

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Je n'ai jamais voulu savoir qui j'étais ou bien pourquoi j'étais comme cela. Cependant, une chose me manque, je ne comprends pas l'importance d'Aloé dans cette histoire. Il poursuit alors son explication : « Nous découvrirons qui tu es, ton histoire et en échange, si cela ne te suffit pas de connaître la solution pour régler le problème que tu es, j'ai un remède pour ta sœur. Cet antidote pourrait la guérir définitivement si tu me fais confiance ». Je ne sais que dire, j'ai envie de croire cet inconnu, mais j'ai beau réfléchir, je ne comprends pas ses motivations. Notre société vit dans une constante méfiance à mon égard alors, je me méfie aussi d'eux, lui ne peux être différent. Cependant, j'ai besoin de savoir comment il pourrait me fournir cet antidote libérateur. Il me coupe la parole avant même que je ne puisse le questionner à ce propos : « Nous devrons suivre trois règles importantes, si l'une d'entre elle est rompue, alors notre accord sera rompu avec elle. Personnes ne doit savoir ton existence, c'est trop dangereux pour toi et pour notre binôme. Nous ne devons parler de cela à personne, aucun mot sur notre accord. Pour finir, on se suit jusqu'au bout où on ne se suit pas du tout ». Je reste figée à ses côtés alors que je réalise ce que cet inconnu vient de me demander. Je ne peux lui poser de questions, je dois accepter son offre. Je ne peux y réfléchir, je dois suivre l'infime espoir qui naît en moi pour sauver ma petite sœur.

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Je reviens peu à peu à la réalité et comprends très vite qu'il lui faut une réponse. J'ai besoin de savoir pourquoi il fait tout cela, je crains sa réponse, mais je n'ai pas le choix. Habituellement, je ne fais confiance à personne alors pourquoi je changerais cela ? « Avant de m'embarquer avec toi, j'ai besoin de savoir pourquoi tu fais ça ? Pourquoi tu te prends pour mon sauveur ? » Il me répond d'un ton sec : « J'ai mes raisons et mes raisons t'emmerde, alors tu me suis ou pas ? » Je n'ai pas le choix, je déclare sans réfléchir : « Je te suis, mais ne me fais pas regretter ».

...

Nous nous dirigeons chez moi après qu'il m'est demandé de lui prouver que je lui faisais confiance. Je le guide jusqu'à la porte de ma chambre et le regarde alors comme si je cherchais son approbation. Je pousse la porte doucement, le regarde s'approcher peu à peu tout en faisant attention de ne pas dépasser le seuil de cette pièce. Il regarde attentivement la petite fille aux longs cheveux blonds qui dort dans le lit face à nous. L'homme à côté de moi observe le spectacle sous ses yeux. Elle devrait se reposer paisiblement, mais à la place, elle est une proie à des convulsions qu'elle ne contrôle pas. Je tourne la tête et l'observe à mon tour, « Je ne te fais pas confiance, mais pour elle, je te suivrais ». Il se tourne lentement pour, je suppose, prendre le temps de réfléchir à ce que je viens de lui dire. « Nous trouverons le remède, je te promets que nous la guérirons

– Menteur.

– Comment ça ?

- Cela ne sert à rien de promettre de telles choses, des choses impossibles. Durant dix ans, elle a subi cette putain de bactérie, je ne crois plus ceux qui me disent qu'ils vont la sauver. Je te suis seulement, car je me dois de tout faire pour elle.

- Nous ferons tout pour elle, crois-moi.

- Tu veux que je te croie ? Prouve-moi que tu peux la guérir". 

...

Soudain, quelqu'un tape à la porte, je n'ai pas besoin de regarder pour savoir qu'il s'agit d'Adrien. Il frappe à la porte, un, deux, trois coups, il ne cessera pas tant que je n'aurai pas répondu. Je décide de descendre et de laisser l'inconnu seul avec ma sœur. Je cours lui ouvrir la porte, j'ai à peine le temps de le voir de l'autre côté qu'il m'annonce déjà la grande nouvelle, Ilya Rubis va naître. À cet instant précis, je suis heureuse pour Adrien, sa copine aura une sœur, mais je l'envie un peu. Dans moins d'une heure, un tout petit morceau de rubis se détachera de la pierre intrafamiliale conservée dans la maison de ses parents. Adrien et Rose le ramèneront auprès des infirmières pour qu'elle puisse l'incruster dans l'emplacement prévu à cet effet. Chaque nouvel être est censé naître avec un emplacement fait pour incruster sa pierre de naissance, sauf moi. Elle fera définitivement partie des Rubis, à ce moment, cette fille fera son entrée dans notre monde entourée de sa famille aimante. Cependant, pour l'heure, elle n'est qu'un tout petit nourrisson prêt à sortir du ventre de sa mère qu'Adrien veut que j'aille voir. Je ne peux me préoccuper de cela maintenant. Si je veux respecter les règles que nous avons établies, l'inconnu et moi, je ne peux suivre et accompagner mon meilleur ami. J'ai un problème bien plus important. Ce problème est actuellement à l'étage en train de m'attendre. Ce problème s'appelle Dax.